Résumés
Résumé
Le syndicalisme québécois présente une particularité notable: alors qu'ailleurs au Canada, depuis 1956, à toutes fins pratiques le pluralisme syndical a fait place à l'unité, au Québec l'adhésion des ouvriers est partagée entre deux grandes centrales syndicales : la CSN et la FTO. On peut sous-estimer l'importance de ce phénomène en soulignant que la CSN s'est progressivement dégagée d'une idéologie traditionaliste pour s'adapter à une situation industrielle moderne et qu'elle se rapproche ainsi des positions de la FTQ: il ne resterait entre elles que les différences secondaires que la tendance naturelle des organisations à survivre empêcherait de surmonter. Mais une telle explication rendrait difficilement compte de la rivalité intersyndicale et du dynamisme de chacune des centrales; surtout elle laisserait entrevoir que la CSN n'a pas contribué à la transformation du Québec, qu'elle a même été un obstacle au changement, à la remorque du mouvement irréversible vers la modernisation.
Si, au contraire, le pluralisme syndical au Québec a un sens, il ne peut se comprendre que relié à l'ensemble de la situation historique québécoise. Il n'est pas suffisant de parler de contexte et de rappeler la culture nationale des Canadiens français; il faut faire ressortir les principaux éléments constitutifs de la société québécoise et surtout essayer d'en esquisser les rapports. Les éléments de la situation sont connus: il s'agit de ce que plusieurs auteurs québécois ont nommé: le social, le national et l'industrialisation. Et l'examen de l'évolution du syndicalisme québécois apparaît fécond pour apercevoir les types de rapports qui se sont établis et s'établissent aujourd'hui entre eux. C'est donc à partir des orientations des syndicats et de leurs transformations que nous découperons des périodes dans cette évolution.
Notre hypothèse veut que dans un passé récent l'existence de plusieurs centrales syndicales était liée à la relative autonomie du nationalisme et de l'industrialisation; que la « Révolution tranquille » peut être définie comme un effort, partiellement réussi, de gérer la tension entre la modernisation et le nationalisme; et que l'avenir du Québec n'est pas indifférent à la façon dont les centrales syndicales vont lier, dans leurs orientations, les trois éléments: modernisation, nationalisme et socialisme.