Comptes rendus

Yao Assogba, Insertion des jeunes, organisation communautaire et société : l’expérience fondatrice des Carrefours jeunesse-emploi au Québec, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 2000, 151 p. (Pratiques et politiques.)[Notice]

  • Jean-Marc Fontan

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  • Jean-Marc Fontan
    Département de sociologie,
    Université du Québec à Montréal.

Publié dans la collection « Pratiques et politiques sociales » des Presses de l’Université du Québec, l’ouvrage d’Assogba présente le processus d’émergence et d’institutionnalisation de l’initiative locale qui inspira l’implantation du programme québécois des Carrefours jeunesse-emploi. Le travail de l’auteur est construit à partir de quatre grands objectifs qui renvoient autant au développement d’une réflexion théorique, à la reconstruction du contexte socioéconomique entourant la création du Carrefour jeunesse-emploi de l’Outaouais (CJEO), à la présentation d’une analyse soutenue des programmes et des services implantés par ce dernier qu’à la proposition d’un nouveau cadre de régulation sociale. Destiné prioritairement à un lectorat relativement spécialisé formé d’universitaires, de professionnels et d’intervenants au sein d’institutions ou d’organisations à vocation sociale, l’ouvrage ne manquera pas d’intéresser tout lecteur fasciné par l’histoire récente de la société québécoise. Dans un style clair et limpide, Assogba plonge dans l’univers théorique et pratique nécessaire à la compréhension des conditions de définition de l’usage social lié à l’innovation que représente le Carrefour jeunesse-emploi de l’Outaouais. La page d’histoire mise en lumière par l’auteur s’inscrit dans la lignée des travaux qui ont permis de reconstruire les processus d’implantation de différents modèles d’intervention issus du milieu communautaire, tels les Centres locaux de services communautaires (CLSC) et les Corporations de développement économique communautaire (CDEC). L’ouvrage d’Assogba s’inscrit aussi dans la lignée des travaux récents portant sur la cohésion sociale. En renouant avec une sociologie du lien social, Assogba réaffirme la primauté du social sur l’économique et le politique. Il le fait directement, sans utiliser les détours permis par le renouvellement, par exemple, de la sociologie économique. La lecture de l’organisation étudiée par l’auteur puise ainsi dans le répertoire classique de la sociologie. Assogba situe d’ailleurs l’émergence de l’organisation étudiée comme une réponse apportée par des acteurs locaux et nationaux à la crise de l’emploi particulièrement aiguë qui affecte les jeunes au passage de la décennie 1980. En présentant le processus d’exclusion comme un « fléau » qui met en cause la cohésion sociale et donc le devenir des sociétés, il insiste sur l’importance de ce processus en lui accordant l’étiquette de question sociale. L’exclusion est devenue la question sociale des sociétés de la modernité avancée au même titre que l’étaient l’exploitation par le travail et la lutte des classes au siècle dernier. Sur ce point, l’auteur aurait pu développer un peu plus son analyse. La question ouvrière a permis la production d’organisations de défense des intérêts des travailleurs. Elle a été porteuse d’innovations très structurantes en matière de changement social pour l’amélioration des conditions d’existence des travailleurs, ce qui n’est pas le cas des organisations qui combattent l’exclusion. Elles permettent tout au plus de gérer le social, sans nécessairement mettre en place les conditions pour une réelle amélioration des conditions de vie des personnes condamnées au non-emploi. Il aurait été intéressant que l’auteur élabore sur les différences entre les types de réponses apportées aux questions sociales du début et de la fin du XXe siècle. Ce travail réflexif aurait remis en question les théories de la cohésion sociale et peut-être l’auteur aurait-il été amené à relativiser la nature de cette cohésion qui demeure, à mon sens, fondamentalement une « aventure » microsociale prenant place dans le monde vécu. Ultérieurement, le système de la domination, donc de la régulation, puise dans ce monde vécu de la cohésion les éléments clés, ou si l’on préfère, les ressources les plus adaptées au projet qu’il nourrit et qui lui sont nécessaires pour assurer sa reproduction et son expansion. Le système de la domination exigeait une armée de travailleurs industriels à l’aube du fordisme. Une telle masse …