Comptes rendus

Yvan Comeau, Louis Favreau, Benoît Lévesque et Marguerite Mendell, Emploi, économie sociale, développement local. Les nouvelles filières, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 2001, 302 p. (Pratiques et politiques sociales.)[Notice]

  • Marc-Urbain Proulx

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  • Marc-Urbain Proulx
    Département des sciences économiques administratives,
    Université du Québec à Chicoutimi.

En collaboration avec quatre autres auteurs, soit Richard Benoît, Denis Martel, Renaud Paquet et Carol Saucier, les quatre analystes principaux ont signé un ouvrage très important qui marquera le débat sur la question traitée. Ce livre s’avère très pertinent autant au niveau social et scientifique que pédagogique. D’abord au niveau social, il apporte une substantielle contribution à la compréhension de la politique publique québécoise qui, au cours de la dernière décennie, a largement combattu le chômage par des mesures dites actives d’insertion à l’emploi. Aux mesures plutôt passives telles que les allocations de chômage, les services de recherche d’emploi et la formation professionnelle, le Québec a préféré, à l’instar de plusieurs États, une approche plus sociale et encore plus microsociale, concernée davantage par la mobilisation des ressources humaines sur des projets concrets, c’est-à-dire sur du travail réel dont l’utilité n’est pas toujours strictement économique. Le développement local et l’économie sociale furent à cet effet deux grands champs d’expérimentations qui ont entraîné une importante création d’institutions et d’organisations à la frontière même d’un secteur public essoufflé par la crise des finances publiques. Ceci représente, selon les auteurs, une nouvelle dimension dans le modèle québécois de développement désormais très largement reconnu pour sa spécificité. Leur analyse de cette dimension nouvelle situe clairement sa dynamique institutionnelle, fait le point sur la situation actuelle avec une foule de détails et soulève des questions fort pertinentes pour nos dirigeants et l’ensemble des acteurs sociaux. Selon les auteurs, il s’agit d’un véritable tournant au Québec. Au niveau scientifique, la thèse défendue est rigoureusement démontrée. Traitée par deux auteurs en deux chapitres distincts mais complémentaires, la situation actuelle de la politique de l’emploi au Québec est exposée avec grand art, notamment la description et l’analyse de cette nouvelle dimension du modèle québécois. Le chapitre conclusif est aussi excellent, avec sa mise en perspective plus large. Le tout est très bien ficelé et convaincant. Le lecteur saisit fort bien le mouvement socio-institutionnel ainsi isolé et modélisé. On présente cet ensemble d’initiatives, d’organisations et d’institutions telles de véritables filières en voie de structuration. Puisque le concept de filière est déjà bien connu en analyse industrielle et en analyse régionale, notamment dans le contexte québécois pour les secteurs et sous-secteurs industriels, nul doute que l’apport de l’ouvrage à l’analyse de l’économie sociale et du développement local soit des plus intéressants. Cette utilisation, certes proposée avec doigté s’avère néanmoins audacieuse. Elle ne sera sûrement pas adoptée, il nous semble, sans avoir à convaincre ses détracteurs, non seulement en économie sociale, où les organisations et les institutions sont communes à plusieurs filières de production, mais aussi et surtout dans le champ du développement local généralement abordé dans les écrits par une analyse territoriale plutôt que sectorielle. Puisque plusieurs points traités par les auteurs enrichissent non seulement le concept de filière mais aussi l’analyse territoriale du développement, nul doute que le débat scientifique suggéré implicitement dans cet ouvrage devienne stimulant. Du côté pédagogique, l’apport de cet ouvrage est fort pertinent. D’une part, l’originalité et la qualité de l’approche offrent certes un complément des plus intéressants à l’analyse classique de la politique de l’emploi, notamment par la description en grand détail de l’appareil politico-administratif qui la supporte. Aussi, l’inventaire exhaustif des organisations de micro-finance est doublement pertinent puisque le traitement effectué s’avère de très grande qualité pédagogique. En outre, de nombreux cas d’entreprises d’insertion par le travail sont discutés pour illustrer les propos avancés. Nos étudiants apprécieront. Le lecteur pourra aussi bénéficier d’un excellent chapitre sur les quartiers en crise. Nul doute que cet ouvrage arrive à point au Québec en …