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Au Québec, comme ailleurs dans le monde industrialisé, il apparaît clairement que les services sociaux et de santé offerts à la population sont fragmentés et manquent de cohésion. Ce morcellement occasionne des problèmes d’accessibilité et de continuité des services, particulièrement pour les per- sonnes qui souffrent de maux chroniques ou qui exigent une intervention concertée, comme les personnes en perte d’autonomie (Bergmanet al., 1997) et celles qui souffrent de troubles mentaux graves (Dorvilet al., 1997), dont les itinérants (Morrisseyet al., 1998). Ce manque de cohésion pose également un problème d’efficience et de coûts. La compartimentation des services entraîne des dépenses inutiles comme la réplication d’examens et le recours à l’urgence des hôpitaux pour des situations qui auraient pu être réglées à domicile ou dans la communauté.

L’intégration des services et des organisations qui les produisent est donc apparue indispensable pour en améliorer l’efficacité et l’efficience, tant aux yeux des experts (Leatt, Pink et Guerriere, 1999 ; Marriott et Mable, 1997 ; 2000 ; Shortellet al., 2000) que des autorités des systèmes de santé (Dennis, Steadman et Cocozza, 2000 ; Howard et al., 2000 ; Leggat et Walsh, 2000), dont celui du Québec (MSSS, 1998 ; 2001).

Réaliser l’intégration des services est toutefois plus difficile qu’il n’y paraît. Cela tient en partie au fait que leur cloisonnement est ancré dans les fondements mêmes des systèmes de santé (Marriott et Mable, 1997). Ceux-ci se composent en effet d’une variété d’organisations (privées, publiques et communautaires) créées pour répondre à des besoins spécifiques ou pour accomplir une mission particulière. En outre, dans certains pays, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, les hôpitaux ne relèvent pas des mêmes autorités que les établissements de soins de longue durée. Le financement de ces organisations provient lui aussi de sources différentes (Leutz, 1999). Ce contexte organisationnel complique l’intégration des services. Au Québec, la Commission d’étude sur les services de santé et les services sociaux (commission Clair) notait que l’offre de services est toujours marquée, en l’an 2000, par « […] la pratique professionnelle individuelle, l’autonomie juridique et budgétaire de chaque établissement, le fonctionnement en “silos” [de sorte que] chacun est incité à protéger son champ de pratique, sa juridiction, son budget » (Commission Clair, 2000, p. 25).

Pour favoriser l’intégration des services, il importe donc de rapprocher les organisations qui dispensent un segment de la gamme des services que l’on souhaite intégrer. Cette intégration institutionnelle n’est pas, elle non plus, simple à concrétiser. Sa réussite implique que les dirigeants d’organisations jusque-là largement indépendantes acceptent d’en modifier les façons de faire et consentent à céder une partie de leur autonomie au profit d’une meilleure cohésion d’ensemble. Bref, il faut modifier la gouverne des organisations de santé.

Trois grandes formes de gouverne s’offrent aux autorités des systèmes de santé ou à la direction des organisations existantes pour réaliser leur intégration institutionnelle. Deux formes traditionnelles sont celles du marché et de la hiérarchie. Entre ces deux pôles, une troisième forme gagne en importance depuis quelques années, nommée forme hybride (Williamson, 1991), réseau (Powell, 1990) ou contrat relationnel[1] (Ring et Van de Ven, 1992). Ces formes peuvent elles-mêmes se combiner (Bradach et Eccles, 1989).

La première option consiste à recourir à des contrats de durée limitée, négociés sur le marché, pour obtenir des biens ou des services (Hayek, 1945). Dans le domaine de la santé, cette voie est en cours d’expérimentation dans plusieurs pays européens dans la foulée des réformes de quasi-marché mises en oeuvre en Grande-Bretagne (Thayer et Tonneau, 2000 ; Duriez et Lequet-Slama, 1998). Selon ce modèle, « l’argent suit le patient » plutôt que d’être versé sous forme de budget annuel aux établissements. Mis en concurrence entre eux, ceux-ci sont incités à améliorer leur efficience et leur sensibilité aux attentes des clients.

La forme hiérarchique correspond au modèle traditionnel de gouverne fondé sur l’unité de commandement et la délégation de l’autorité (Fayol, 1918/1979). La compartimentation des services de santé est évitée en confiant à une même autorité l’administration des organisations existantes. Au Nouveau-Brunswick, on a ainsi confié à huit corporations hospitalières régionales la gouverne des établissements hospitaliers de la province (Nouveau-Brunswick, 2001). Aux États-Unis, la Fondation Robert Wood Johnson a appuyé une série de projets consistant à confier à une autorité territoriale la responsabilité des services aux adultes souffrant de troubles mentaux graves et la maîtrise des ressources pour produire ces services (Greenley, 1992).

La troisième forme de gouverne est celle de l’entreprise en réseau (Paché et Paraponaris, 1993) : chaque organisation se concentre sur ses compétences de base et noue des relations durables de collaboration avec d’autres organisations. Ces relations sont parfois nommées alliances stratégiques ou ententes de partenariat. Alors que les organisations liées par contrat demeurent indépendantes l’une de l’autre et que les organisations « hiérarchisées » sont désormais dépendantes de la direction unique qui les coiffe, les organisations en réseau sont interdépendantes. Ce modèle réticulaire a été expérimenté sur une vaste échelle dans le domaine de la santé mentale aux États-Unis (Dennis, Steadman et Cocozza, 2000).

Selon la forme de gouverne, le risque encouru par les dirigeants et les employés des organisations engagés dans une intégration institutionnelle varie. Le recours au marché limite les transformations des pratiques à ce qui est requis pour l’accomplissement du contrat, qui a en outre une durée limitée. Chaque partie demeure maître de sa gouverne. À l’inverse, la hiérarchie entraîne l’uniformisation des règles et la rationalisation des postes administratifs. Elle provoque par conséquent l’abandon de certaines façons de faire bien établies et place les cadres et les dirigeants en compétition les uns avec les autres pour l’obtention de postes. Le réseau se situe entre la hiérarchie et le marché quant au risque encouru : si les dirigeants de chaque organisation en demeurent responsables, ils doivent mettre sur pied des mécanismes de coordination pour harmoniser leurs buts et leurs façons de faire et offrir une gamme de services complets et cohérents. Par ailleurs, l’engagement à participer à un réseau est volontaire et, partant, réversible. Ce n’est pas le cas de la hiérarchie, qui entraîne la disparition juridique de certaines organisations, donc un saut dans l’inconnu pour la direction et le personnel. Pour la direction et le personnel de celles-ci, la hiérarchie représente donc un saut dans l’inconnu.

Les auteurs qui se sont penchés sur la gouverne en réseau ont relevé qu’une des conditions essentielles qui préside à son choix – et à son succès – est la confiance mutuelle des parties (Ebers, 1997 ; Ring et Van de Ven, 1992 ; Sydow, 1998). Selon Ring et Van de Ven (1992), lorsque l’enjeu d’une entente est élevé et que la confiance règne entre les parties, celles-ci feront le choix d’une gouverne en réseau, ou « contrat relationnel ». Inversement, la hiérarchie prévaudra si l’enjeu est important et qu’au moins une des parties se méfie de l’autre. Dans ce cas, c’est en faisant appel à l’autorité plutôt qu’à la confiance qu’on peut résoudre les conflits entre les parties. Le recours au marché est plus probable lorsque la confiance est limitée et l’enjeu, faible[2]. Dans ce dernier cas, la confiance peut être minimale, le contrat précisant les engagements respectifs des parties signataires et prévoyant des mécanismes de compensation en cas de non-respect de l’entente.

Quel emploi a-t-on fait au Québec des trois formes de gouverne interorganisationnelles esquissées ci-dessus ? Jusqu’à présent les expériences inspirées du marché demeurent limitées. Parmi celles-ci, notons le projet d’organisations de soins intégrés de santé (OSIS), variante québécoise des Health Maintenance Organizations (HMO) américaines (Brunelle, Ouellet et Montreuil, 1988). Ce projet a toutefois été abandonné (Lemieux, 1994). Le projet expérimental de Soins intégrés pour personnes âgées (SIPA)[3] s’y apparente. Dans sa conception originelle, ce projet reposait sur la création d’une organisation de première ligne, financée par la capitation des personnes en perte d’autonomie qui y sont inscrites. Le SIPA est responsable de l’ensemble des services dispensés à ces personnes, à l’exception des services surspécialisés (Bergmanet al., 1997).

Des trois formes de gouverne interorganisationnelle, c’est nettement la hiérarchie qui a dominé au Québec depuis le milieu des années 1990. Selon Turgeon et Sabourin (1996, p. 194) « […] la reconfiguration actuelle [du système de la santé et des services sociaux] se distingue par l’accent mis sur les regroupements interétablissements comme moyen d’en améliorer l’efficience et l’efficacité ». Cette réduction du nombre d’établissements correspond à une volonté ministérielle. Pour le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), en effet, ces modifications « […] n’auront pas que des effets administratifs. Ils devraient permettre d’améliorer la complémentarité des ressources et la continuité des services à la clientèle » (MSSS, 1996, p. 23).

La réduction du nombre d’établissements a connu deux phases distinctes. La première suit l’adoption, en 1991, de la Loi sur les services de santé et les services sociaux[4]. Celle-ci rend obligatoire le regroupement d’établissements de même mission par région ou par territoire de centre local de services communautaires (CLSC). C’est notamment le cas des centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) d’un même territoire de CLSC. La seconde phase s’amorce à la suite de l’adoption, en 1996, du projet de loi 116 qui modifie la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Dorénavant, les régies régionales peuvent proposer au ministre de la Santé et des Services sociaux de nouvelles formes de regroupement d’établissements, soit entre CLSC, CHSLD et centres hospitaliers comptant moins de 50 lits de soins de courte durée[5]. Depuis lors, plusieurs conseils d’administration ont choisi de fusionner leur établissement plutôt que de s’en tenir à un simple regroupement. Du 31 mars 1996 au 31 mars 2000, le nombre de CLSC-CHSLD est ainsi passé de 14 à 45 et celui des CLSC-CH-CHSLD, de 5 à 23 (MSSS, 2000).

Au milieu de cette pléthore de fusions et de regroupements, des organisations en réseau, dont on ne connaît pas exactement le nombre, ont émergé dans différentes régions. Dans la région de la Mauricie et du Centre-du-Québec, par exemple, on a mis sur pied un réseau de services intégrés aux aînés auquel collaborent des organisations (publiques, privées et communautaires) coordonnées à trois niveaux décisionnels : stratégique, tactique et clinique (Paradiset al., 2002). On a également expérimenté la coordination en réseau dans la région des Laurentides où l’on a débattu de modèles variés d’intégration institutionnelle associés à des effets différents sur l’intégration des services.

Dans ce qui suit, nous présenterons certains résultats d’une recherche menée dans cette dernière région[6], qui apporteront des éléments de réponse inédits à plusieurs questions. Les fusions et les regroupements d’établissements de missions différentes comme ceux effectués dans la deuxième moitié des années 1990 au Québec favorisent-ils les réseaux intégrés de services et le partage de ressources ? Qu’en est-il d’autres modes d’intégration institutionnelle comme les ententes de partenariat ? Dans quelle mesure et de quelles façons une régie régionale peut-elle orienter ces changements organisationnels ?

Les éléments de réponse que nous apportons s’appuient sur les matériaux collectés entre septembre 1998 et octobre 1999, notamment sur des entrevues semi-structurées[7], des documents (rapports annuels, plans d’action, protocoles d’entente, articles de journaux) et des observations faites lors de réunions du conseil d’administration de la régie régionale de la santé et des services sociaux des Laurentides (ci-après, la Régie régionale).

Dans la section suivante, nous préciserons le sens que nous accordons à l’intégration des services et à d’autres concepts qui y sont reliés. Nous présenterons en deuxième lieu les orientations données par la Régie régionale à la transformation du système de services de cette région. Nous décrirons ensuite, pour chacun des bassins de concertation et de coordination de la région, les changements institutionnels qui y ont été débattus et parfois mis en place. Nous examinerons également comment ces changements ont influencé l’élaboration de projets de réseaux intégrés de services et de rationalisation des services administratifs et de soutien.

Quelques définitions

Comme le mentionnent Drazen et Nelson (1999), une des difficultés lorsque l’on traite de l’intégration des services est qu’il n’y a pas de définition reconnue de « réseau intégré de services » (Integrated Delivery Network). D’une part, certains auteurs recourent indifféremment aux concepts d’intégration et de coordination pour désigner le même phénomène ; d’autre part, l’intégration des services est parfois assimilée à l’intégration des organisations qui produisent ces services. Par ailleurs, la notion de confiance, souvent mise de l’avant comme condition favorable à la création de réseaux intégrés, mérite elle aussi d’être mieux définie. Nous précisons ci-dessous le sens que nous prêtons à ces concepts.

En physiologie, l’intégration est la « [c]oordination des activités de plusieurs organes, nécessaires à un fonctionnement harmonieux » (Le Petit Robert) ; ce sens est très voisin de celui qu’on lui attribue dans l’expression « intégration des services ». Cette définition a également le mérite de distinguer clairement l’intégration de la coordination : celle-ci produit celle-là. Nous conserverons cette distinction. Shortell et al. (1996, p. xiv) établissent une distinction similaire lorsqu’ils soulignent que l’intégration des services est (traduction) « un but ultime que peu, sinon aucun, des systèmes actuels n’a réalisé ». C’est pourquoi ces auteurs ont choisi l’expression Organized Delivery System de préférence au plus courant mais plus imprécis Integrated Delivery System pour désigner l’ensemble des moyens déployés pour réaliser l’intégration des services. Celle-ci se produit lorsqu’une gamme complète de services est accessible aux usagers qui en ont besoin et que ces services sont coordonnés de façon telle que chaque usager reçoit « le bon service, au bon moment, au bon endroit et par la bonne personne » sans qu’il ait lui-même à se débrouiller pour obtenir ces services. La coordination des services renvoie de son côté aux mécanismes à créer et aux actions à déployer pour que l’intégration se réalise, à des degrés divers.

Puisque les services sont dispensés par des personnes rattachées à des organisations distinctes ou nouvellement réunies, l’intégration des services appelle une intégration que l’on peut qualifier d’institutionnelle ou d’interorganisationnelle. À l’instar de l’intégration des services, l’intégration institutionnelle présente des degrés variables de réalisation. Elle résulte des efforts de coordination menés par les gestionnaires et les dirigeants des organisations participantes pour en harmoniser les buts et les politiques. La coordination entre organisations peut ainsi être vue comme une forme de collaboration qui implique un ajustement mutuel.

Depuis quelques années, avec la multiplication du nombre d’alliances et d’ententes interorganisationnelles dans les secteurs privé et public, le concept de confiance a reçu une attention soutenue de nombreux chercheurs des sciences sociales et des sciences de l’organisation (Kramer et Tyler, 1996 ; Lane et Bachmann, 1998 ; Organization Studies, 2001). Dans une situation d’interdépendance où ni l’autorité hiérarchique ni les clauses d’un contrat ne peuvent rendre prévisible le comportement d’autrui, la confiance est un moyen puissant de réduire le risque que comporte une transaction. Dans ce contexte, on peut définir la confiance comme une relation sociale dans laquelle chaque partie acquiert la conviction qu’autrui respectera ses engagements à son égard. Cette conviction s’affermit ou s’affaiblit au fil des échanges entre les parties.

Examinons maintenant quelles orientations la Régie régionale a données à la réforme du système de santé et de services sociaux dans les Laurentides.

La réforme dans la région des Laurentides

Le 3 mai 1995, le conseil d’administration de la Régie régionale des Laurentides adopte le Plan stratégique de transformationdu système de santé et des services sociaux dans les Laurentides 1995-1998 (Régie régionale, 1995). Une des orientations cardinales du Plan consiste à réorganiser les services « […] sur la base de cinq territoires [ou bassins] de concertation et de coordination correspondant à la dynamique régionale[8] » (Régie régionale, 1995, p. 8). Cette subdivision par bassins[9] innove par rapport au modèle promu par le MSSS qui consiste à faire l’intégration des établissements et des services par territoires de municipalité régionale de comté (MRC) ou, en milieu urbain, de CLSC. Le découpage par bassins tente de se coller « aux zones d’appartenance naturelles des populations résidantes […] » (Régie régionale, 1996, p. 7). Chaque bassin est représenté par un président, qui est le directeur général de l’un des établissements du territoire.

La Régie régionale souhaite que soient mis en place dans chaque bassin « les services et les mécanismes requis pour réaliser le virage ambulatoire » (Régie régionale, 1995, p. 39) ainsi qu’« un réseau de services intégrés, continus et complémentaires » (Régie régionale, 1995, p. 38). Ce réseau vise les services aux personnes en perte d’autonomie[10], les services aux jeunes en difficulté, les services aux personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et les services médicaux de première ligne et spécialisés de base (ci-après : les services de santé physique) (Léger, 1997, p. 2). Sur le plan administratif, la Régie vise « la mise en commun de services et le regroupement d’établissements partageant le même territoire [et] la rationalisation de certains centres d’activité [de soutien] » (Régie régionale, 1995, p. 37).

Pour atteindre ces objectifs, la Régie régionale adopte une approche par résultats selon laquelle c’est elle qui « détermine les objectifs de résultats et fixe les balises, tout en respectant l’autonomie des établissements dans le choix des moyens à retenir » (Régie régionale, 1995, p. 25). Chaque établissement doit notamment réduire ses dépenses jusqu’à un certain seuil par la mise en commun de services administratifs[11].

La Régie régionale fournit en outre une incitation financière aux établissements « […] qui ont entrepris des efforts de rationalisation en se regroupant ou en se fusionnant » (Régie régionale, 1995, p. 29). Les établissements sont toutefois libres de procéder autrement pour atteindre les objectifs fixés par la Régie régionale. Selon son directeur général,

le plan stratégique [de la région] privilégie les alliances stratégiques[12] entre les établissements pour implanter ces réseaux intégrés et réaliser les mises en commun […]. Mais la Régie régionale n’exclut pas le recours à des regroupements ou des fusions, tel que le permet la présente loi, soit parce que les établissements choisiront ce mode d’organisation ou que la Régie ne verra pas progresser les alliances stratégiques dans les paramètres et les échéanciers qu’elle a déterminés.

Léger, 1997, p. 2

C’est dans ce contexte que s’effectuent les changements institutionnels et les efforts de coordination des services dont il sera maintenant question.

La stratégie de la Régie régionale, déléguer au niveau des bassins le choix des moyens tout en assortissant ce choix d’une obligation de résultats, donne lieu à un intense travail de réflexion dans chaque bassin sur la façon de s’organiser pour réaliser le virage ambulatoire, améliorer l’intégration des services et réduire les dépenses administratives et de soutien. Les directeurs généraux tiennent un nombre important de rencontres pour formuler leurs points de vue et tenter de les concilier. Les conseils d’administration, et au premier chef leur président, participent également à ce processus. Un cadre supérieur de la Régie régionale accompagne en outre la démarche entreprise dans chaque bassin. Ce travail de réflexion a pris une tournure fort différente selon les bassins et a conduit à des résultats eux aussi fort différents.

Dans les sections suivantes, nous verrons comment, selon nos informateurs, les débats sur les modes d’intégration institutionnelle ont infléchi la capacité des acteurs de chaque bassin de réaliser des projets de collaboration interorganisationnelle visant les services aux personnes en perte d’autonomie, les services de santé physique ainsi que les services administratifs et de soutien.

Le tableau 1 fournit des indications sur la population et la taille de chaque bassin en 1996 ainsi que sur les établissements qui s’y trouvaient le 31 mars de cette année, soit trois mois avant la sanction du projet de loi 116. Le tableau tient compte de la fusion réalisée en 1995 entre un CH-CR[13] et un CH dans le bassin D, fusion sur laquelle nous reviendrons plus loin.

Tableau 1

Les bassins : population, superficie et établissements en 1996

Les bassins : population, superficie et établissements en 1996
*

Établissement comptant environ 100 lits de soins de longue durée en plus des lits de soins de courte durée.

**

CHSLD anglophone.

Source : Régie régionale, 1996 et 1998.

-> Voir la liste des tableaux

En 1996, chaque bassin dispose d’au moins un centre hospitalier de soins généraux et spécialisés (CHSGS), un CLSC et un CHSLD public. Dans les bassins C, D et E, le centre hospitalier compte un nombre limité de lits de soins de courte durée et offre des soins de longue durée. Le CHSLD du bassin E dessert la clientèle anglophone de l’ensemble de la région. Les bassins A et B sont à la fois les plus populeux et les plus densément peuplés de la région.

Nous avons regroupé les cinq bassins de concertation et de coordination en trois groupes (A et B ; C ; D et E) d’après les similitudes du processus visant à l’adoption d’un mode d’intégration institutionnelle.

Groupe 1 : les bassins de concertation et de coordination A et B

C’est dans le bassin A que les dirigeants des établissements poussent le plus loin la logique des alliances stratégiques. Les cinq directeurs généraux transforment d’abord leur Table des directeurs généraux en un Conseil des partenaires qui se veut « […] un moyen de travailler ensemble sans nécessairement être obligés de fusionner – parce qu’on n’y croyait pas en partant […] » (un directeur général).

Peu après sa formation, de concert avec les présidents de conseil d’administration et avec l’aide d’un consultant, le Conseil élabore un projet de coentreprise. Ce travail conduit à la formulation d’un projet d’Entente de partenariat (Anonyme, 1997), adoptée en mars 1998 par les cinq conseils d’administration concernés. Cette entente vise à offrir des services administratifs conjoints et des réseaux intégrés de services à la population auxquels seraient associés « tous les dispensateurs, publics, privés et communautaires oeuvrant dans ce bassin […] » (Ibid., p. 3). La « vision des partenaires » est de « faire en sorte que les citoyens et les clients considèrent le réseau comme une seule et même entité responsable » (Ibid., p. 4)

Selon plusieurs informateurs du bassin A, la levée de la menace des fusions et la confiance entre les directeurs généraux ont favorisé la collaboration dans l’organisation des services.

Depuis 95 on travaillait ensemble […] comme partenaires. On essayait de trouver des solutions pour générer des économies, [pour] utiliser nos expertises distinctives et nos habiletés. […] La confiance étant là, la collaboration étant créée, il y avait moins la crainte de dire : « Le CLSC va-t-il se faire bouffer par l’hôpital ? ».

un directeur général

Les travaux du Conseil des partenaires sur l’Entente de partenariat ont permis d’intensifier la réflexion sur les réseaux de services.

L’entente de partenariat, c’est beaucoup venu de l’idée des compressions au niveau de la gestion. En parallèle à ça, ici on avait quand même des collaborations puis on se disait : « Comment on peut poursuivre nos réseaux de services ? » [Quand] on s’est réuni pour les compressions, ça nous a permis de nous positionner davantage sur l’organisation de ce réseau médical de services médicaux courants. Et, en même temps, on se disait : « il faut préciser nos collaborations dans le réseau de services aux personnes adultes en perte d’autonomie ».

un directeur général

Selon certains informateurs, c’est le comité de ce bassin, nommé Conseil de réseau, qui a le plus progressé dans l’élaboration d’un projet de réseau intégré de services aux personnes en perte d’autonomie. En septembre 1999, le Conseil de réseau pour les personnes âgées et les autres adultes en perte d’autonomie (1999) diffusait Un plan d’affaires sur mesure pour améliorer la réponse aux besoins de ce groupe de personnes.

En 1997-1998, les établissements du bassin A ont négocié une série d’ententes sur l’entretien des bâtiments, l’entretien ménager, l’approvisionnement, la formation du personnel, la comptabilité, la paie, les ressources humaines et la gestion des finances. Ces ententes lient le plus généralement deux établissements, ceux-ci variant selon l’objet de l’entente et l’intérêt des parties. Une entente peut lier le CHSGS et un CLSC (entretien des bâtiments), les deux CHSLD (gestion des finances) ou un CHSLD et un CLSC (ressources humaines). D’après nos informateurs, ces ententes ont pu se réaliser grâce au partenariat.

Le regroupement du traitement de la paye, ça va se faire. Et je ne crois pas que ça aurait été possible s’il y avait eu dans l’air fusion et regroupement. […] Mais l’employé reste toujours employé de l’hôpital, [il] reste toujours employé du CHSLD. Mais ils vont travailler ensemble et ils vont s’entraider.

un directeur général

Dans le bassin B, la Régie régionale suggère aux trois établissements (CHSGS, CLSC et CHSLD) de regrouper leurs services administratifs et invite les deux derniers à envisager la fusion.

La direction du CLSC et celle du CHSLD s’opposent à la première suggestion :

C’était un mariage à trois où le plus gros aurait bouffé les deux petits[14]. Puis, en pratique, les services administratifs, on a tendance à penser que ce n’est pas important sauf que c’est les ressources humaines. C’est la chose la plus importante dans un établissement. C’est le budget et le contrôle des budgets. […] Donc, on a décidé de le faire à deux même si le CHSLD avait un plus gros budget, c’était une entente d’égal à égal et en gros, ça fonctionne bien.

un directeur général

Les dirigeants du CLSC et du CHSLD perçoivent également la fusion comme une menace. Pour y échapper, leur conseil d’administration respectif signe en octobre 1997 une entente sur le partage de ressources consacrées aux services administratifs (Anonyme, 1998). La porte demeure toutefois ouverte à des collaborations avec le centre hospitalier en réponse à des besoins particuliers : « Ce qu’on a fait avec l’hôpital, c’est qu’on a dit : écoute, il y a des ressources plus spécialisées des fois que vous avez que nous autres on n’a pas. On va essayer de vous les acheter, de partager ça […] » (un directeur général).

Le président du bassin B affirme que les discussions entre les établissements ont eu un effet positif : « Le phénomène de concertation qui s’est développé au cours des trois dernières années, ça c’est très important. Je peux affirmer qu’entre les partenaires, on constate du respect, de la transparence et une volonté sans précédent de travailler ensemble. Le climat est très positif. » (Régie régionale, 1998d, p. 17.) Un autre informateur ajoute :

[…] ce que j’ai vu dans la région au cours des dernières années où il y a eu des questions de plusieurs regroupements […]. On a réussi à faire en sorte que ça se passe mieux ; on a mis très peu d’énergie dans les espèces de frictions ou de conflits ou […] de méfiance, etc. […] Nous, on n’a pas perdu de temps avec les fusions […], nous, on a concentré notre énergie à faire fonctionner les réseaux intégrés.

un directeur général

Selon un informateur de la Régie régionale, le bassin B a le comité de coordination des services aux personnes en perte d’autonomie qui fonctionne le mieux dans la région avec celui du bassin A. Dans les deux cas, l’absence d’un projet de fusion ou de regroupement a facilité cette collaboration.

Le dialogue est plus facile parce que les gens ne sont pas sur la défensive, les gens n’ont pas peur pour leur job, je pense surtout aux directeurs généraux puis aux cadres intermédiaires aussi, les coordonnateurs, coordonnatrices, chefs de service. Dans les regroupements, c’est tous des gens qui sont susceptibles de se retrouver sur le carreau.

Dans les bassins A et B, les directions d’établissement ont pu satisfaire aux exigences de la Régie régionale quant à la coordination des services cliniques et à la réduction des dépenses administratives et de soutien en signant des ententes de partenariat. En se mettant d’accord sur un mode d’intégration, les dirigeants ont réduit le temps requis pour l’adopter et concentré plus tôt leur attention sur la coordination des services. Les bassins A et B peuvent donc faire état d’avancées importantes dans la coordination des services aux personnes en perte d’autonomie et d’ententes variées sur les services administratifs et de soutien. De ce tableau d’ensemble, il faut distinguer le cas du centre hospitalier du bassin B qui, de par sa taille, est demeuré un acteur dans une classe à part.

Groupe 2 : le bassin de concertation et de coordination C

Dans le bassin C, le processus de formulation des modes d’intégration institutionnelle est beaucoup plus laborieux que dans les deux précédents et un consultant est engagé pour faciliter cette démarche : « On a commencé à s’apprivoiser, les […] partenaires avec un représentant de la Régie régionale. […] La première année, ou les premiers 18 mois, ça a été extrêmement [difficile]. […] On n’était pas tellement habitués de se parler » (un directeur général).

Selon un informateur de la Régie régionale, les directeurs généraux des cinq établissements du territoire estimaient qu’ils défendaient des orientations trop différentes pour travailler de concert dans le cadre d’une alliance stratégique. Par contre, en se concentrant sur les services à la population, ils ont pu maintenir une certaine cohésion :

Alors on se chicanait, on n’était pas toujours d’accord, loin de là, mais c’était vraiment toujours centré sur ce qu’on veut comme services à la population. […] Donc on n’a pas commencé par se chicaner : « Est-ce qu’on fusionne ? est-ce qu’on fusionne ensemble ? » Je pense que c’est ce qui nous a sauvés.

un directeur général

Les échanges entre les directeurs généraux du bassin conduisent à la formulation d’une « organisation de réseaux de services intégrés à la communauté » à l’échelle du bassin (Organisation des services, 1997). Ce modèle comprend la fusion d’établissements. Deux options se font concurrence : le centre hospitalier propose de créer un centre de santé regroupant les cinq établissements du bassin ; les deux CLSC et les deux CHSLD préfèreraient plutôt une fusion à quatre et le maintien du centre hospitalier comme entité autonome (Régie régionale, 1997). Celui-ci aurait toutefois hérité du centre administratif du bassin.

En octobre 1997, la seconde option semble obtenir la faveur de l’ensemble des parties. Le mois suivant, le conseil d’administration de la Régie régionale la retient à son tour et la soumet à des audiences publiques (Régie régionale, 1997). Toutefois, en mars 1998, deux conseils d’administration se dissocient de cette position. Les négociations subséquentes conduisent à une solution de compromis, soit la fusion, en juin 1998, du CLSC et du CHSLD de chaque MRC du bassin.

Depuis que les fusions sont effectives, la méfiance qui prévalait a fait place à une franche collaboration.

Au niveau du conseil, ça a cheminé progressivement […]. Les gens se parlent beaucoup plus... les mécanismes de liaison entre l’hôpital et les CLSC, entre l’hôpital et le centre d’hébergement. Il y a moins de méfiance, je pense [qu’] on est tous devenus conscients qu’on était tous dans le même bateau.

un directeur général

Disons que dans tout processus de fusion, oui, il y a des manifestations de crainte mais qui sont, je dirais, très, très légitimes. Je pense d’emblée que le personnel comprend bien les orientations qui étaient là au départ, le pourquoi de la fusion. […] Les employés sont très sensibles aux aspects de continuité de services […]. Ils veulent améliorer, ils sont volontaires. On a de belles participations.

un directeur général

De son côté, le comité Personnes en perte d’autonomie du bassin s’est avéré un mécanisme de coordination utile :

Et ce qui semblait ressortir de façon très claire, c’est que ça a été un lieu d’échanges et d’écoute mutuels qui n’existait pas avant, je pense. Ça a permis ces échanges-là et de mettre sur place le mécanisme d’accès à l’hébergement et un partage, une communication plus grande entre les centres hospitaliers en particulier et les CLSC.

un gestionnaire

Dans les CLSC-CHSLD fusionnés, le regroupement des services administratifs était en cours au moment des entrevues, soit un an après la fusion. Dans un cas, il y avait toujours deux comités de gestion séparés.

Dans le bassin C, les laborieuses tractations visant à définir un mode d’intégration institutionnelle aboutissent donc à une solution de compromis qui insatisfait le centre hospitalier, mais qui, au total, fait l’affaire des deux CLSC-CHSLD qui en résultent. Une fois réalisée, la double fusion CLSC-CHSLD a dissipé la méfiance qui minait les relations entre le personnel et les dirigeants des établissements du bassin. Malgré les différends entre les établissements, le comité Personnes en perte d’autonomie a fonctionné rondement. L’intégration des services administratifs dans les CLSC-CHSLD se poursuit.

Groupe 3 : les bassins de concertation et de coordination D et E

Dans le bassin D, la reconfiguration du réseau d’établissements connaît une étape importante en décembre 1995 lors de la fusion des deux centres hospitaliers du territoire. Annoncée dans le Plan stratégique de transformation (Régie régionale, 1995, p. 28), cette fusion devait permettre de réaliser des économies substantielles. Voulue par la Régie régionale et appuyée par les maires de la MRC, les médecins et les infirmières des deux établissements, la fusion est facilitée par le départ à la retraite du directeur général d’un des deux hôpitaux.

Toutefois, comme le souligne un informateur, « C’est une fusion qui est arrivée un petit peu par opportunisme […]. C’est une fusion qui n’a pas été, de l’avis de plusieurs, planifiée. On a fusionné et après ça on s’est organisé. […] On n’avait pas de plan d’organisation lorsque la fusion est arrivée » (un directeur général). Sa mise en oeuvre suscite d’importantes difficultés qui entraînent notamment la démission du premier directeur général et une série d’intérims à ce poste de sorte qu’ « […] on a engagé un consultant finalement pour être capable de nous guider et faciliter les choses » (un gestionnaire). Cette discontinuité à la tête de l’organisation et des problèmes internes ont perturbé la coordination avec les autres établissements du bassin.

Au début de 1996, le bassin D compte donc trois établissements : un CH-CR, un CLSC et un CHSLD. La Régie régionale souhaite qu’ils se dotent d’un centre administratif commun, situé dans les locaux du CH-CR. Ce projet est bien accueilli par la direction de chaque établissement, quoique l’enthousiasme varie à cause des faibles perspectives d’économie qui s’en dégagent.

Selon un informateur de la Régie régionale, l’option des alliances stratégiques s’est avérée impraticable dans ce bassin parce que « […] la chimie comme telle n’a jamais fonctionné. Ni au niveau des équipes de direction et encore moins au niveau des conseils d’administration ». Cette divergence nourrit les débats sur la réorganisation, qui portent sur trois projets distincts : fusionner le nouveau CH-CR, le CLSC et le CHSLD ; intégrer[15] le CHSLD au CH-CR et regrouper le CLSC et le CHSLD.

Aucune option ne rallie les trois directions. Le premier choix du CH-CR et du CHSLD aurait été la création d’un centre de santé, mais le nombre de lits de courte durée du CH-CR dépasse de beaucoup la limite de 50 en deçà de laquelle la Loi autorise la fusion d’un CLSC, d’un CHSLD et d’un CHSGS[16]. En outre, le conseil d’administration du CLSC s’oppose complètement à cette fusion. Il propose plutôt la fusion du CLSC et du CHSLD, dont la direction préférerait l’intégration du CHSLD au CH-CR. Devant ce différend, le conseil d’administration de la Régie régionale recommande au ministre de la Santé et des Services sociaux, en novembre 1998, le regroupement du CLSC et du CHSLD (Régie régionale, 1998a). À la fin de l’an 2000, cette recommandation n’a toujours pas reçu l’aval du ministre.

Différents informateurs du bassin D ont signalé l’effet néfaste du « dossier fusion » :

Nous, avant cette maladie [des fusions], on avait d’excellents rapports. [Mais] dès que tu menaces quelqu’un dans sa survie de toute façon, c’est pas agréable. [Ça] fait des petites games de pouvoir en coulisses, c’est inévitable… Quand t’as des postes vacants, ça simplifie parfois les choses […]. Ici, on était trois personnes avec un contrat en bonne et due forme…

un directeur général

L’effet des débats sur les fusions s’est fait ressentir tant sur la coordination des services de santé physique que sur celle des services pour personnes en perte d’autonomie.

[Les discussions autour des fusions et regroupement] peut-être que ça a nui [au virage] parce que la Régie nous a souvent dit qu’on traînait un peu de la patte, mais bon, ils n’ont pas nécessairement tort. […] On peut pas régler d’autres affaires en même temps.

un directeur général

Les membres de la Table de coordination des services aux personnes en perte d’autonomie se sont réunis peu fréquemment et ont obtenu de maigres résultats :

Si on a eu quatre réunions, c’est beau. Donc, deux pour partager nos services, une pour répondre à des questions de la Régie régionale et une autre pour discuter de réseau intégré. […] comme participant à cette table-là, je sens que quand je vais aux réunions, je ne sors pas de là tellement satisfait. Je pense qu’on pourrait aller beaucoup plus loin.

un gestionnaire

Quant à la rationalisation des services administratifs, le projet de centre administratif commun était encore en voie de réalisation au printemps de 1999. « Ça fait longtemps qu’on travaille sur un centre administratif […] C’est quand même assez compliqué car il faut négocier avec le syndicat de l’un, le syndicat de l’autre. […] ça demande beaucoup d’énergie » (un directeur général).

Dans le bassin E, la Régie régionale invite dès la fin de 1994 le CHSGS et le CLSC à « examiner des hypothèses de regroupement, d’intégration ou de fusion dans une optique de rationalisation », à la faveur du départ du directeur général du CLSC (Régie régionale, 1998a). La Régie avait écarté l’option de fusionner ou de regrouper le CHSLD du bassin, car il dessert la clientèle anglophone de l’ensemble de la région.

Dans le cadre du Plan de transformation, les dirigeants du CLSC manifestent peu d’empressement à collaborer avec leurs homologues du centre hospitalier. Ce n’est qu’en juin 1996, à l’instigation de la Régie régionale, qu’est formé un comité sur l’organisation des services. Celui-ci regroupe des représentants des deux établissements et de la Régie régionale et reçoit l’appui d’un consultant. À la suite du dépôt d’un document de consultation de la Régie régionale sur l’organisation des services de santé physique dans les CHSGS de la région (Régie régionale, 1996), les travaux du comité se déroulent dans un climat plus tendu. Entre autres options, ce rapport propose la fusion du centre hospitalier du bassin E et de deux autres CHSGS de taille plus grande. Pour les représentants du milieu et les dirigeants de l’hôpital du bassin, ceci signifierait « la perte d’un pouvoir de décision sur l’organisation des services sur leur territoire » (un directeur général). La fusion du centre hospitalier et du CLSC leur apparaît alors toute désignée pour éviter la disparition juridique de « leur » hôpital.

En octobre 1997, le consultant recommande d’ailleurs la création d’une nouvelle corporation dans le bassin E, ce qui implique la disparition juridique du CLSC. Selon la Régie régionale, « […] le dépôt de scénarios sur la structure organisationnelle marqu[e] le début des oppositions, voire des affrontements qui jusque-là étaient latents [entre le centre hospitalier et le CLSC du bassin E] » (Régie régionale, 1998b, p. 2). La direction du CLSC s’oppose en effet fortement à la fusion proposée. Elle soumet une contre-proposition basée sur une collaboration entre partenaires autonomes.

« [E]n raison du fossé qui s’élargissait entre les deux établissements et de l’impact négatif ressenti dans la collaboration sur le terrain […] » (Régie régionale, 1998b, p. 2), le conseil d’administration de la Régie régionale forme un comité de travail qui recommande la fusion du CLSC et du CHSGS. Le conseil d’administration reprend cette recommandation et l’adopte formellement en novembre 1998 (Régie régionale, 1998b). Même si l’hôpital compte plus de 50 lits de soins de courte durée, la Régie estime la fusion conforme aux orientations du ministre car l’hôpital n’offre que des services médicaux de base. En décembre 2000, la ministre de la Santé et des Services sociaux annonce sa décision de regrouper ces deux établissements sous un même conseil d’administration et une même direction générale (Régie régionale, 2000)[17].

Dans le bassin E, plusieurs informateurs déplorent que le conflit entre l’hôpital et le CLSC entrave la collaboration entre représentants des deux établissements : « Au niveau des réunions c’est toujours : “Oups, ah, ça, on peut pas trop en parler en groupe, si on est en attente [d’une décision sur la fusion du CLSC et du centre hospitalier]”. Ça teinte le comportement et l’ouverture des gens » (un directeur général). Afin de réviser l’organisation des services de santé, plusieurs comités ont été mis sur pied, dont un comité interétablissements qui regroupe des gestionnaires de l’hôpital et du CLSC. Au moment des entrevues, en 1999, le comité ne tient plus de réunions « depuis très longtemps ».

Deux événements survenus en 1998 ont freiné la collaboration : le départ, en septembre, du directeur général de l’hôpital et la recommandation de la Régie régionale, en novembre, de fusionner l’hôpital et le CLSC. À ce dernier propos, un informateur mentionne que :

Depuis le mois de novembre [1998], c’est comme si ça a refroidi un peu les élans […]. C’est un peu ça qu’on sent de la part de tout le monde à différents niveaux, différentes équipes. Ça ne roule pas aussi bien que ça roulait avant, c’est ça. C’est dommage parce que dans le fond […] on voulait travailler en collaboration pour éviter les dédoublements mais là, il y a justement des dédoublements parce que chacun demeure sur ses [positions].

un gestionnaire

Le travail de la table de concertation sur les services aux personnes en perte d’autonomie est également affecté par la décision de la Régie régionale :

[…] on est des fois à ne pas se voir avant deux mois, trois mois. […].

un gestionnaire

On réussit tranquillement à faire progresser le dossier malgré les chicanes. C’est très difficile, mais comme je dis, ça progresse pareil. Dans nos rencontres PAPA, c’est pas toujours facile, mais il y a des choses qui se font.

un directeur général

Quant aux services administratifs, le CLSC avait accepté, en 1997-1998, de mettre les siens en commun avec le centre hospitalier et de relocaliser son siège social dans les murs de l’hôpital. « C’est l’hôpital qui assure la direction des services techniques, des services informatiques, des services financiers du CLSC. C’est la même chose pour les ressources humaines » (un directeur général). Ce n’est toutefois que sous la « pression constante » de la Régie régionale que le CLSC a finalement accepté cette collaboration (Régie régionale, 1998b, p. 3).

Dans les bassins D et E, la recherche d’un nouveau mode d’intégration institutionnelle a ainsi suscité de vives oppositions qui n’ont pu être résolues par la négociation entre acteurs locaux. Les débats sur l’intégration des établissements ont provoqué une méfiance telle que les travaux de coordination des services en ont été considérablement perturbés. L’impasse institutionnelle et la faible progression des travaux de coordination ont incité la direction de la Régie régionale à trancher, en faveur d’une fusion ou d’un regroupement selon le cas. Par contre, les dirigeants des CLSC et des CHSLD ont accepté, bon gré mal gré, de regrouper leurs services administratifs avec ceux de l’hôpital de leur bassin, qui les accueille dans ses locaux.

Discussion

En introduction, nous avons avancé que, dans une perspective d’intégration des services, trois grandes formes de gouverne s’offrent aux autorités des systèmes de santé ou à la direction des organisations existantes. La première forme, le marché, conduit une organisation à recourir à des contrats de durée limitée pour l’obtention de biens ou de services. La deuxième, qualifiée de forme hiérarchique, est fondée sur l’unité de commandement et confie l’administration des organisations à une même autorité. Au Québec, cette forme de gouverne se traduit par la fusion d’établissements ou par le regroupement de leurs conseils d’administration. Enfin, la troisième forme, qualifiée d’entreprise en réseau, amène chaque organisation à se concentrer sur ses compétences de base et à nouer des relations durables de collaboration avec d’autres organisations.

Les formes de gouverne hiérarchique et en réseau, expérimentées dans les Laurentides, ont influencé l’élaboration de projets d’intégration des services de santé et de rationalisation des services administratifs. Dans cette région, entre 1995 et 1999, l’entreprise en réseau a visiblement favorisé la collaboration interorganisationnelle (bassins A et B) tandis que la forme hiérarchique a plutôt contrarié cette collaboration lorsqu’une des parties s’y est opposée (bassins D et E) et donné des résultats intermédiaires lorsqu’elle est acceptée (bassin C).

De prime abord, on pourrait conclure que seule la forme de gouverne en réseau favorise l’intégration des services. Inversement, la forme hiérarchique de gouverne entraverait l’atteinte de cet objectif. Comme nous l’avons vu en introduction, la hiérarchie présente en effet un risque plus élevé que le réseau pour les organisations. Le caractère quasi irréversible d’une hiérarchisation et l’ampleur des modifications qu’elle occasionne sont particulièrement menaçants pour les organisations qui s’estiment les moins bien placées pour faire prévaloir leurs façons de faire. Cette « théorie » ne permet toutefois pas de comprendre pourquoi les directions d’établissement de chaque bassin n’ont pas adopté la forme de gouverne en réseau, apparemment si avantageuse, pourquoi deux fusions volontaires ont été réalisées dans un bassin et pourquoi ces fusions ont favorisé la collaboration.

Nous suggérons l’interprétation suivante. La capacité de mettre au point des projets d’intégration des services dépend non seulement du mode d’intégration institutionnelle retenu, mais aussi de son acceptation par les établissements. Cette acceptation suppose elle-même la satisfaction de deux conditions : la capacité des dirigeants d’établissement de s’entendre et, surtout, un contexte organisationnel permettant d’échapper à la menace d’une hiérarchisation non voulue. En cas d’impasse, l’imposition par la Régie régionale d’un mode d’intégration institutionnelle accroît la méfiance entre les parties, ce qui contrarie la conception des projets de réseaux intégrés de services.

Dans chaque bassin de concertation de la région des Laurentides, la hiérarchisation est perçue comme une menace par au moins un établissement. Cette menace nuit aux projets de collaboration interorganisationnelle, dont l’élaboration repose sur la confiance mutuelle des participants. Tant que pèse cette hypothèque, les directions d’établissement sont à couteaux tirés et les personnes chargées de mettre au point des projets d’intégration des services se tiennent sur la défensive. Ce n’est qu’une fois l’hypothèque levée que des liens de confiance peuvent se créer, que ce soit au palier de la gouverne ou à celui de la coordination des services.

Si les directions d’établissement n’ont pas toutes adopté une gouverne en réseau, c’est que la liberté qui leur était laissée de sélectionner les moyens de répondre à la même « commande » de la Régie régionale (réduire les dépenses administratives et de soutien, améliorer l’intégration des services) ne s’exerçait pas dans le même contexte. Dans certains bassins, les conditions locales rendent possible l’option du réseau ; ailleurs, non. Ces conditions tiennent d’une part aux relations entre les dirigeants des établissements d’un bassin et, d’autre part, au contexte institutionnel. Nous évoquerons brièvement le premier volet avant de développer davantage le second.

Dans les bassins A et B, on ne signale ni mésentente ni comportement opportuniste qui aurait pu compromettre la mise sur pied ou la perpétuation de la gouverne en réseau. La confiance semble marquer les relations entre les parties dès l’origine et même avant le déclenchement de la réforme, à tout le moins dans le bassin A. Cela correspond bien à la description que donnent Ring et Van de Ven (1992) des conditions qui président au choix du réseau. L’existence d’une relation de confiance entre les parties les incite à se constituer en réseau. Une fois l’entente conclue, les échanges entre les dirigeants des établissements nourrissent cette confiance mutuelle. Celle-ci favorise doublement la mise en place de projets de coordination et de partage de services : d’abord en facilitant la signature d’ententes entre établissements, puis en incitant les gestionnaires et les intervenants à y collaborer.

Dans d’autres bassins, toutefois, des informateurs invoquent la confrontation d’« orientations trop différentes pour travailler de concert dans le cadre d’une alliance stratégique » (bassin C) ou d’une « chimie [qui] n’a jamais fonctionné » (bassin D) pour expliquer que l’on se soit orienté vers la hiérarchie et que l’on n’ait pu s’entendre facilement sur le choix d’un mode d’intégration institutionnelle. Il est donc plausible que le processus de sélection d’un mode d’intégration institutionnelle ait été marqué par le degré de convergence, du point de vue des dirigeants, sur la meilleure façon d’intégrer les organisations et les services.

Cependant, quelle qu’ait été son importance réelle, ce degré de convergence des points de vue a sans doute joué un rôle moins déterminant dans le choix des modes d’intégration institutionnelle que le contexte organisationnel d’un bassin. Selon nous, trois caractéristiques de ce contexte ont influencé concurremment ce choix : la taille absolue des établissements d’un bassin, leur taille relative et leur nombre.

À bien y regarder, c’est dans les bassins les plus populeux et les plus densément peuplés que l’intégration institutionnelle s’est faite à la fois sur une base volontaire et par ententes de partenariat. La taille absolue et la taille relative des établissements de ces bassins ont joué ici un rôle important.

D’une part, les bassins A et B disposent des plus grands établissements de la région, si on exclut le cas particulier du CH-CR du bassin D. En conséquence, un regroupement ou une fusion ne permet pas d’espérer les mêmes économies d’échelle que dans les bassins C, D et E, notamment au chapitre de la gestion : pour chaque poste de directeur général supprimé, on devra créer un poste d’adjoint. De plus, l’option du centre de santé est irrecevable car les centres hospitaliers disposent d’un nombre de lits de soins de courte durée nettement plus élevé que la limite réglementaire de 50. Du coup, s’évanouit la menace que représente pour la direction des CLSC et de certains CHSLD l’intégration dans une entité dominée par des préoccupations curatives et un fort pouvoir médical.

D’autre part, la taille relative des établissements est un facteur que prennent en compte leurs dirigeants de leur intégration institutionnelle. Le bassin A compte deux CLSC et deux CHSLD de grande taille alors que le centre hospitalier est plutôt de taille moyenne. Ce dernier apparaît ainsi moins menaçant[18]. La possibilité pour les directions d’établissement de négocier d’égal à égal a sans doute facilité la signature d’ententes. Dans le bassin B, il ne pouvait être question que le CLSC ou le CHSLD fusionne avec le plus important établissement de la région. De plus, ce dernier est d’une envergure telle que la Régie régionale accepte facilement qu’il ne concentre pas en ses murs l’ensemble des services administratifs du bassin. Ceci évite, selon l’expression d’un informateur, « un mariage à trois où le plus gros aurait bouffé les deux petits ». Tout porte à croire que si la Régie régionale avait insisté pour que le centre hospitalier soit partie prenante de l’entente sur les services administratifs, l’ensemble des mécanismes de collaboration interorganisationnels en aurait souffert.

Dans cette conjoncture, le consensus des directions d’établissement des bassins A et B de ne pas fusionner conduit au partenariat.

La situation est tout autre dans les bassins C, D et E. À la différence des bassins A et B, ces trois bassins sont de vastes territoires faiblement peuplés dans lesquels sont disséminés de petits établissements. Dans ces milieux, la création d’un centre de santé apparaît à plusieurs comme la meilleure façon de créer une organisation forte, plus efficiente et mieux en mesure d’offrir des services intégrés. Les trois centres hospitaliers adoptent ce point de vue, qui conforte leur position d’acteur le plus puissant du bassin. Les CLSC s’y opposent complètement, notamment pour protéger leur mission préventive. Dans ces conditions, les directions d’établissement n’ont réussi ni à s’entendre sur le mode d’intégration institutionnelle ni à instaurer un climat de confiance qui leur aurait permis de progresser sur la voie du partenariat.

En matière de coordination des services aux personnes en perte d’autonomie, la bonne collaboration observée dans le bassin C et la détérioration de cette collaboration dans les bassins D et E tiendraient au nombre d’établissements d’un bassin ainsi qu’à la stratégie de la Régie régionale.

Dans le bassin C, les CLSC et les CHSLD parviennent, par leur fusion deux à deux, à satisfaire aux exigences de la Régie régionale tout en évitant la création d’un centre de santé. Cette double fusion CLSC-CHSLD est apparue comme un moyen terme acceptable entre le statu quo et la fusion à quatre ou à cinq. Si ce choix n’a pas permis de pousser aussi loin la rationalisation des services administratifs et de soutien que la création d’un centre de santé, il a toutefois favorisé la collaboration en matière d’organisation des services. Dans l’hypothèse d’un projet de fusion à cinq, cette collaboration aurait été mise en péril.

Dans le bassin D, la direction du CLSC ne parvient pas à convaincre celle du CHLSD de fusionner les deux établissements. Une impasse en résulte que la Régie régionale cherche à briser en recommandant le regroupement du CLSC et du CHSLD. Dans le bassin E, les dirigeants du CLSC ne peuvent même pas proposer la fusion ou le regroupement puisque le CHLSD est exclu des projets d’intégration institutionnelle en raison de son statut d’établissement anglophone. Devant ce cul-de-sac, la Régie régionale propose la fusion du centre hospitalier et du CLSC. Dans ces deux derniers bassins, l’absence de consensus sur un projet d’intégration institutionnelle a nui à la collaboration visant la coordination des services directs à la population. La situation s’est dégradée lorsque la Régie régionale a décidé de trancher le noeud gordien en recommandant une fusion et un regroupement. Alors que dans les bassins A, B et C la stratégie de la Régie régionale a stimulé les dirigeants des établissements à rompre avec le statu quo institutionnel, elle a eu l’effet inverse dans les bassins D et E, où aucun mode d’intégration ne permettait de rallier les parties. Même en dénouant formellement cette impasse, la Régie régionale poussait en fait plus loin dans leurs retranchements les dirigeants et les intervenants des établissements visés.

Au moment où s’amorce la réforme du milieu des années 1990, les établissements de santé québécois poursuivent leur mission respective sans réelle coordination. L’enjeu, autant pour le MSSS que pour les régies régionales, est de profiter de la conjoncture qu’offrent la crise des finances publiques et une volonté claire d’accroître l’intégration des services pour modifier rapidement et en profondeur ce fonctionnement qualifié d’individualiste.

Un des apports majeurs de la réforme telle que mise en oeuvre sous la responsabilité de la Régie régionale est d’avoir créé les conditions pour que les dirigeants d’établissement se rencontrent, non plus simplement pour échanger de l’information sur les affaires courantes, mais pour s’engager à réaliser des projets communs. Ainsi, quel que soit le mode d’intégration institutionnelle qu’ils privilégient, les dirigeants d’établissement sont fortement incités à coordonner étroitement leurs actions à l’échelle de leur bassin.

Nouer des liens n’est toutefois pas suffisant pour créer une communauté de dirigeants qui transcende les frontières organisationnelles. Ces liens doivent en outre être marqués par la confiance et par une vision commune. Lorsque ces conditions existent, les dirigeants peuvent travailler de concert à l’atteinte d’objectifs de rationalisation et de coordination des services. Inversement, lorsque les dirigeants ne parviennent pas à s’entendre et à se faire confiance, les parties cessent d’être des partenaires et deviennent des rivales, voire des adversaires. La poursuite du bien commun fait place à la protection de « son » budget et de « sa » mission. Cette attitude défensive nourrit la méfiance envers les représentants des autres établissements et les travaux de concertation sur l’organisation des services en souffrent.

La période couverte par l’étude qui sous-tend cette interprétation correspond toutefois aux années les plus intenses de la réforme du système sociosanitaire québécois. Il est donc risqué d’extrapoler sur ce qu’il adviendra des liens entre les dirigeants et le personnel des établissements une fois un certain rythme de croisière retrouvé. La confiance continuera-t-elle de prévaloir dans les bassins A et B ? La méfiance qui s’était installée dans les bassins D et E fera-t-elle place à une plus grande concorde une fois les projets de regroupement réalisés ou abandonnés ? Qu’apporteront à long terme les fusions CLSC-CHSLD du bassin C ?

Malgré ses limites temporelles, notre examen de l’expérience de la région des Laurentides indique que les instigateurs d’un changement organisationnel d’envergure dans le réseau sociosanitaire québécois doivent prendre en compte l’effet des modifications de nature institutionnelle sur l’intégration des services. Entre l’imposition d’un modèle uniforme et l’appel au volontarisme, la régie régionale des Laurentides a pris l’initiative de décentraliser, sur une base sous-régionale, la rationalisation et la coordination des services. Cette approche a porté fruit dans deux sinon trois bassins, mais a entraîné des effets potentiellement indésirables dans deux autres. Ces résultats invitent à continuer d’expérimenter de nouveaux moyens pour inciter les dirigeants et les intervenants des établissements à accroître la cohésion et la cohérence de leurs activités.