Comptes rendus

Claude Sorbets et Jean-Pierre Augustin (dirs), Valeurs de sociétés. Préférences politiques et références culturelles au Canada, Sainte-Foy et Pessac (France), Presses de l’Université Laval et Maison des Sciences de l’homme d’Aquitaine, 2001, 362 p.[Notice]

  • Sylvie Lacombe

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  • Sylvie Lacombe
    Département de sociologie
    Université Laval

Les recueils d’articles issus de colloques sont souvent éclatés, de valeur inégale, et celui-ci ne fait pas exception à la règle. Toutes les contributions, sauf une, portent sur la société québécoise, et quelques-unes la mettent en contraste avec la société française. L’introduction annonce un « Québec en Canada » (p. 2), mais aucun texte ne traite directement de ce qu’implique une telle insertion. La notion de valeurs n’est pas non plus suffisamment distinguée de celle, plus volatile, de préférences ni de celle, plus « systémique », de références, si bien que les titre et sous-titre de l’ouvrage manquent de précision. Le découpage en trois parties semble arbitraire : les deux premières portent pratiquement le même titre (du culturel… ; … au culturel…) et celui de la troisième (et au global / local) cadre mal avec trois des cinq textes qui s’y trouvent. Ces défauts, liés au genre de publication, sont sans doute sans grande conséquence. Mais il y a plus embêtant. Plusieurs contributions déçoivent par leur synthèse niveleuse sans grande innovation (Palard, Rousseau, Augustin), par leur résumé plus ou moins approximatif d’une oeuvre complexe (Gagnon, Harvey), ou par leurs propos abscons (l’introduction et la conclusion de Sorbets sont imbuvables). Heureusement, ce constat global peut être relativisé par des contre-exemples étoffés parmi lesquels je retiendrai trois cas assez éloignés les uns des autres pour illustrer à quel point le thème du colloque ratissait large. Dans son étude de cas sur la gouvernance au sein de l’Église catholique du Québec, G. Routhier s’interroge sur les rapports entre l’universel et le particulier, plus précisément, le droit universel latin et son application concrète par les Églises locales (ou nationales). Quelques faits de l’expérience américaine, et plus encore de l’expérience québécoise mettent clairement en relief le lien existant entre le mode de gouvernance ecclésiale et la culture locale où il prend place. Ainsi, du fait de sa perméabilité à la culture ambiante, l’Église du Québec aurait construit des institutions, et même pratiqué une gouvernance, inédites – et ce, même si elle est loin de s’en réclamer. Avant l’ouverture de Vatican II, elle lançait de vastes consultations auprès des prêtres et religieux, mais aussi de laïcs. Si le phénomène lui-même n’est pas unique, son ampleur le serait : ailleurs en France, en Pologne, ou au Danemark, il s’est agi d’initiatives dispersées, alors qu’au Québec, on peut parler d’un mouvement généralisé de consultations populaires. Routhier trace ensuite un parallèle entre les Grandes Missions organisées par des diocèses, faisant appel tant aux sciences sociales qu’à la participation des fidèles pour élaborer un plan de pastorale unifié, et les Conseils économiques régionaux mobilisant sociologues, animateurs sociaux et simples citoyens afin d’orchestrer une participation démocratique au développement d’une région. Ces exemples, et d’autres, montrent la concordance entre le mode de fonctionnement de l’Église québécoise et l’effervescence « participationniste » de la Révolution tranquille. Enfin, Routhier est conduit sinon à remettre en question l’universalité professée de l’Église catholique romaine, du moins à interroger les conditions de mise en place d’une véritable Église-monde, ou si l’on veut, les conditions de l’extension de cette Église au-delà des sociétés de l’Ancien Empire romain d’Occident. Dans un tout autre article non dépourvu d’humour, D. Latouche fait la chronique des premiers siècles de la ville de Montréal où se met progressivement en place un accommodement ethnoculturel entre anglophones et francophones. Cette ville porte dans son acte fondateur une opposition farouche à Québec, que Maisonneuve jugeait trop timide en matière de ferveur religieuse. Résolument française et catholique, Montréal s’ouvre alors difficilement aux nombreux Amérindiens qui y …