Comptes rendus

Robert Bernier (dir.), L’État québécois au XXIe siècle, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2004, 561 p.[Notice]

  • Jacques Palard

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  • Jacques Palard
    CRECQSS, Institut d’études politiques,
    Domaine universitaire,
    Université de Bordeaux.

Quel État pour quelle société ? L’entrée dans un nouveau millénaire représente une occasion rare mais opportune de faire le bilan, à visée prospective, des institutions qui gouvernent les sociétés humaines, c’est-à-dire de ré-interroger leur fondement et leur légitimité, leur organisation et leur performance, leurs traditions et leur capacité d’innovation. Généralement donné comme l’institution centrale des sociétés nationales – « le plus gigantesque dispositif de contrôle social que l’homme ait jamais inventé », selon Gérard Bergeron (1993, p. 25) –, l’État ne saurait échapper à cette investigation, où la curiosité n’est plus aujourd’hui exempte d’une dose de soupçon ou de scepticisme. L’intérêt académique du chercheur entre ici en composition avec l’intérêt pratique de l’acteur, que celui-ci soit élu, fonctionnaire ou citoyen. La même question de base prend alors pour chacun une tonalité particulière : « Comment va l’État ? », et, en l’occurrence, « comment va l’État québécois ? ». Le très substantiel ouvrage collectif publié sous la direction de Robert Bernier entend apporter à cette interrogation une réponse multiple, qui se décline en dix-sept chapitres, regroupés en cinq parties : « Économie internationale et finances publiques » ; « Éducation, santé, responsabilité sociale » ; « Environnement, municipalité et transports » ; « Administration publique, démocratie et transparence » ; « Les services gouvernementaux et la population ». Il fait appel à vingt-trois auteurs, tous engagés dans des institutions québécoises – presque exclusivement universitaires – et recrutés pour plus de la moitié d’entre eux au sein de l’une d’elles : l’École nationale d’administration publique (ENAP), où enseigne également le chef de file. On ne saurait évidemment déduire de cette dominante une convergence des points de vue exprimés ; toutefois, cette configuration n’offre sans doute pas les meilleures conditions d’une mise en débat méthodologique et théorique pluraliste ni, surtout, celle d’une approche comparative approfondie. En outre, l’approche analytique se double parfois d’une posture volontiers normative ; mais on peut estimer que, ce faisant, les membres de l’ENAP sont dans leur rôle, puisque leur établissement entend allier, dans l’exercice de sa mission de formation, tradition universitaire et vocation professionnelle. Le tout est encadré par une très brève introduction et une conclusion un peu plus nourrie, qui ne font pour l’essentiel que reprendre dans leurs grandes lignes les enseignements des diverses contributions. Comment concevoir aujourd’hui les rapports État-société ? L’État est-il (encore) un acteur central apte à définir et à mettre en oeuvre des stratégies autonomes dotées d’un fort potentiel démultiplicateur ? Est-il plutôt devenu un partenaire parmi d’autres, chargé avant tout de la régulation des rapports sociaux ? Son rôle ne se serait-il pas réduit à celui d’un arbitre cantonné au simple comptage des points dans les compétitions que se livrent les acteurs sociaux ? De façon symptomatique et sans doute significative de ce qui peut dénoter une inspiration d’ensemble, la première phrase de l’ouvrage paraît clairement situer l’État québécois du côté des institutions en position d’hétéronomie ou, du moins, sous influence : « L’État québécois a évolué selon une trame historique dominée par des impératifs économiques et politiques qui l’ont conduit à revoir son développement et à adapter la gestion de ses ressources humaines et matérielles aux réalités qui ont prévalu dans son environnement social » (Robert Bernier, p. 1). Dit en d’autres termes : la société change, et, de ce fait, l’État aussi ; un État qui passerait ainsi tendanciellement du statut de régent (moteur) à celui de gérant (manager) puis de garant (médiateur). Le bref mais stimulant chapitre sur le devenir des sociétés d’État (Luc Bernier) illustre parfaitement la nature et l’importance de l’enjeu ainsi que …

Parties annexes