Comptes rendus

Sébastien Vincent, Laissés dans l’ombre. Les Québécois engagés volontaires de 39-45, Montréal, VLB, 2004, 281 p. (Études québécoises.)[Notice]

  • Desmond Morton

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  • Desmond Morton
    Département d’histoire,
    Université McGill.

Partout au Canada, l’année 2005 a été officiellement proclamée l’Année du vétéran, sans doute une des dernières occasions d’être aux petits soins pour des survivants de la Seconde Guerre mondiale qui, aujourd’hui, doivent tous être des octogénaires, sans parler de la petite poignée de frêles centenaires qui, pour la plupart, s’étaient déclarés plus âgés qu’en réalité pour pouvoir participer à la Première Guerre mondiale. Selon Sébastien Vincent, un jeune enseignant d’histoire de Montréal, il est grand temps de se souvenir au Québec des milliers d’engagés volontaires représentant le Canada français dans la lutte mondiale contre Hitler, Mussolini et les va-t’en-guerre japonais, leurs alliés. La guerre de 1939-1945 est devenue, selon le titre d’un livre écrit par un journaliste de Chicago, Studs Terkel, The Good War et, si on se fie au livre commémoratif écrit par l’ancien directeur du Musée canadien de la guerre, Jack Granatstein, elle serait The Last Good War. Pour Sébastien Vincent, et pour la plupart de ses collaborateurs, cette guerre de 1939-1945 a aussi été une bonne guerre malgré la très grande souffrance et la destruction abominable. On ne pouvait laisser Hitler et Mussolini l’emporter. N’avaient-ils pas eux-mêmes annoncé que seule une défaite militaire pouvait les arrêter ? Pour souligner ce point, Vincent laisse la dernière parole à un garçon, dont le père est d’origine belge et la mère canadienne-française, qui n’avait que six ans et demi lorsque les premières bombes allemandes furent lâchées sur sa banlieue de Bruxelles. Le traumatisme causé par la mort et les blessures affecte encore Henri Massart, un homme qui a plus de 70 ans maintenant, et son texte rend hommage aux 14 auteurs du recueil et à tous ceux qui sont morts au combat ou qui sont trop âgés pour en parler. Une partie de leur calvaire s’est déroulée lors de leur retour au Québec lorsqu’ils se sont vus traités de dupes et de traîtres, tandis que les insoumis qui avaient refusé de joindre les rangs de l’armée, les gens qui avaient donné refuge et veillé à la sécurité de criminels de guerre et quelques-uns des collaborateurs les plus vicieux du régime de Vichy étaient acclamés comme des héros. Encouragé par Pierre Sévigny et avec beaucoup d’aide du Projet Mémoire de l’Institut du Dominion, Vincent a graduellement compilé des entrevues données par environ la moitié de la trentaine d’anciens combattants qu’il a réussi à rencontrer, généralement à l’hôpital des vétérans de Sainte-Anne-de-Bellevue situé à la pointe ouest de l’île de Montréal. Tout en respectant ceux qui avaient peu à raconter ou qui étaient trop âgés pour tenir un discours cohérent, il a réussi à recueillir les mémoires de 14 engagés volontaires du Québec qui, ensemble, représentent la diversité des expériences militaires : de Patrick Poirier qui, en tant qu’aide infirmier avec les 8th Royal Rifles de Québec, a partagé les horreurs des camps de prisonniers de Hong Kong au matelot breveté Raymond Meloche, que l’on voit sur la couverture du livre, souriant lors de son départ par train de Montréal. Son sourire disparaîtrait lorsque le contre-torpilleur, le HMCS Athabaskan, sera coulé par deux destroyers allemands. Un de ses 85 rescapés, Meloche passera le reste de la guerre dans un camp de prisonniers de la marine (au marlag) en Allemagne et il sera utilisé comme bouclier humain lors d’une longue marche jusqu’au moment où, finalement, la colonne affamée tomba sur leurs libérateurs américains. Tout comme en temps de guerre, on compte peu d’aviateurs dans ce recueil quoique les souvenirs de Pierre Bauset soient probablement les plus marquants de tous. Lorsque son quadrimoteur a été abattu au-dessus de la France, sa …