Comptes rendus

Jean Morency, Hélène Destrempes, Denise Merkle et Martin Pâquet (dirs), Des cultures en contact. Visions de l’Amérique du Nord francophone, Québec, Nota bene, 2005, 552 p. (Terre américaine.)[Notice]

  • Simon Langlois

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  • Simon Langlois
    Département de sociologie,
    Université Laval.

Une même interrogation parcourt ce gros ouvrage sur les contacts entre cultures au sein des minorités francophones en Amérique du Nord, qui rassemble les textes présentés lors d’un colloque à l’Université de Moncton : comment les minorités nationales francophones vivent-elles le rapport avec l’autre ? Les nations – et à plus forte raison les minorités nationales – ont-elles encore la capacité normative de définir le monde, d’élaborer ce que Jean Morency et ses collaborateurs appellent « le capital symbolique des nations » ? L’introduction résume bien en sept pages non seulement l’argument central qui parcourt ce gros ouvrage mais aussi l’essentiel des intentions des auteurs des 30 chapitres qu’il comprend. Le rapport avec l’autre, ou encore le contact interculturel dont il est question dans ce livre, est double. Les minorités nationales francophones – à ne pas confondre avec des groupes ethniques – s’inscrivent d’abord dans un ensemble plus vaste avec lequel elles doivent composer. Ce fut le cas pour les petits Canadas de la Nouvelle-Angleterre et pour les communautés acadiennes de la dispersion, sans oublier les communautés franco-canadiennes qui ont pris un vigoureux virage communautariste dans la foulée du fractionnement du Canada français. Mais les minorités nationales francophones sont maintenant confrontées à une autre facette de l’altérité, celle qui prend place en leur sein propre. Elles sont en effet elles-mêmes nourries et façonnées par des apports culturels divers. Les minorités francophones ont toujours assimilé et intégré des nouveaux venus, mais ces derniers se fondaient dans le groupement plutôt que d’affirmer leurs différences. Les choses changent cependant et le contact entre les cultures modifie la donne au coeur même des minorités, comme c’est aussi le cas au sein des majorités ou des ensembles plus vastes. Le contact interculturel est donc à la fois endogène et exogène, interne et externe ; les chapitres qui composent l’ouvrage l’abordent sous ces deux angles. Cette distinction n’est pas toujours clairement posée dans le livre, mais elle est sous-jacente dans les diverses contributions. Air du temps oblige, c’est le second aspect de la question – penser le contact culturel au sein de la minorité nationale – qui retient davantage l’attention des auteurs. L’expérience interculturelle (l’expression revient souvent dans le recueil) oblige les communautés – comme elles se plaisent à se définir elles-mêmes – ou plus justement les minorités nationales à reconnaître de nouveaux piliers, selon le mot de Charles Taylor, ou encore à revoir et à refonder leur discours identitaire. Commençons par l’examen du premier aspect, celui du contact entre la culture minoritaire et la culture plus large dans laquelle elle s’inscrit, le cas des Franco-Américains en constituant l’exemple emblématique. Jean Morency analyse le rôle de médiateurs entre la culture américaine et le Canada français de la Nouvelle-Angleterre joué par certains Canadiens français (Olivar Asselin, Alfred DesRochers, Beaugrand-Champagne, Robert Choquette et tant d’autres). « C’est par la reconnaissance concrète et pour ainsi dire quotidienne de la réalité américaine chez certains médiateurs culturels que l’image des États-Unis au Québec va être appelée à subir de profondes transformations, ce qui ouvrira la voie à la prise de conscience et à l’expression de l’américanité au Québec. » (P. 306-307.) Analysant le contenu des Almanachs – L’Almanach agricole et commercial de J. B. Rolland, L’Almanach de Saint-François et L’Almanach du peuple Beauchemin –, Lüsebrinck montre leur grande perméabilité à la nouvelle culture de la consommation marchande naissante américaine dès le début du XXe siècle. Très tôt, les Canadiens français ont été selon lui exposés à la modernisation et aux avancées technologiques et commerciales de la culture matérielle américaine, en images du moins, mais des images dont tous les sociologues …