Notes critiques

Le beau risque d’un Québec bilingueAlexandre Stefanescu et Pierre Georgeault (dirs), Le français au Québec : les nouveaux défis, Québec et Montréal, Conseil supérieur de la langue française et Fides, 2005, 622 p.[Notice]

  • Charles Castonguay

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  • Charles Castonguay
    Professeur retraité,
    Université d’Ottawa.

La présente étude s’inscrit dans le cadre de travaux subventionnés par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

Ce gros ouvrage réunit les contributions de 17 auteurs invités à répondre à des questions sur les perspectives d’avenir du français au Québec qui leur ont été posées en vue d’alimenter les délibérations futures du Conseil supérieur de la langue française. Le résultat, assez hétéroclite, laisse l’impression d’un tour guidé de la situation linguistique qui pousse à accorder une place grandissante à l’anglais et exclut tout recours à de nouvelles interventions structurantes favorables au français. Malgré un lancement au beau milieu de l’été, les directeurs de ce collectif ont vu à ce qu’il ne passe pas inaperçue. Ancien secrétaire du Conseil supérieur de la langue française (CSLF), A. Stefanescu a rappelé à cette occasion que la mondialisation représente une menace pour le français du fait que l’anglais est devenu la langue de communication internationale. À son avis, il faut cependant en finir avec la vision « passéiste » selon laquelle le Québec est un espace clos, de même qu’avec les interprétations « alarmistes » de la situation du français à Montréal basées sur la langue d’usage à la maison. C’est la langue d’usage public qui doit servir de critère pour déterminer qui est francophone au Québec. P. Georgeault, directeur de la recherche au CSLF, a renchéri, en affirmant que la langue d’usage public de l’immigrant détermine quelle sera sa langue d’adoption dans l’intimité du foyer et que, sur ce dernier plan, tout va d’ailleurs pour le mieux : parmi les allophones immigrés au Québec après la loi 101 et qui ont adopté soit le français, soit l’anglais comme langue d’usage à la maison, 75 % ont opté pour le français. Ces propos découlent de l’approche non interventionniste que favorisent de toute évidence les deux directeurs. Si le constat du statut mondial de l’anglais va de soi, leurs autres déclarations liminaires sont gratuites. La langue d’usage public d’un immigrant ne détermine pas automatiquement sa future langue d’usage à la maison. De manière générale, la première lui est imposée tandis que la seconde relève d’un libre choix qui témoigne d’une volonté d’intégration plus profonde à la société d’accueil. Dès lors, la redéfinition de « francophone » – vocable pétri au Québec d’une forte connotation identitaire – en fonction de la langue d’usage public apparaît abusive. Enfin, parmi les substitutions linguistiques effectuées à la maison par les allophones immigrés depuis la loi 101, la part du français s’élève aux deux tiers plutôt qu’aux trois quarts, la majorité d’entre elles ayant d’ailleurs été réalisées non pas au Québec mais à l’étranger, avant d’immigrer. Plusieurs éléments de ce recueil demeurent toutefois d’intérêt. Les sept premiers chapitres interrogent à tour de rôle l’avenir du français des points de vue de la diversité culturelle, des nouvelles technologies, de l’économie, de l’immigration, des langues autochtones et du droit. L’auteur de chacun de ces chapitres a participé au préalable à une table ronde sur son sujet, organisée par Stefanescu et Georgeault. Par contre, le reste du recueil (200 p.) réunit les contributions de tous les participants à une autre table ronde sur la qualité du français et son enseignement. Cette seconde partie, assez différente de la première par sa forme et son objet, aurait gagné à constituer une publication distincte. Une introduction de Guy Rocher et une conclusion de Stefanescu et Georgeault encadrent le tout. Dans les pages qui suivent, nous nous penchons plus particulièrement sur la série de textes portant sur l’avenir du français. Un exercice futurologique doit, pour emporter l’adhésion, se fonder sur une appréciation réaliste de la situation de départ. Or, dans son chapitre sur la question capitale de l’intégration des immigrants, Michel Pagé attribue à …

Parties annexes