Comptes rendus

Pierre Georgeault et Michel Pagé (dirs), Le français, langue de la diversité québécoise. Une réflexion pluridisciplinaire, Montréal, Québec Amérique, 2006, 347 p. (Débats.)[Notice]

  • Jean-Jacques Simard

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  • Jean-Jacques Simard
    Département de sociologie,
    Université Laval.

En 1999, le Conseil supérieur de la langue française (CSLF) – mais pas nécessairement du français supérieur – a testé un nouvel indicateur statistique pour mesurer les effets de la législation linguistique québécoise, la « langue d’usage public », mais sans rallier certains démographes et nationalistes (deux espèces réputées chicanières), qui persistent à considérer la langue parlée à la maison comme le seul signe probant d’une conversion réussie des immigrants, sinon des anglophones de naissance. La vitalité du français à Montréal, où tout se joue, prête aussi flanc au contentieux : pour la chiffrer, faut-il s’en tenir aux seuls résidents de l’Île, densément anglo et hétérophone, ou leur agglomérer tous ceux de la couronne métropolitaine, largement francophone – qui envahissent quotidiennement la ville centre, n’est-ce pas ? Soupçonnant que ces résistances dépassaient la validité technique d’un instrument de collecte, le CSLF a demandé au sociopsychologue Michel Pagé, de l’Université de Montréal, de faire le point (enjeux fondamentaux et recherche à jour) sur la place actuelle et l’avenir du français au Québec. Les réactions écrites d’une douzaine d’experts à ce document de réflexion, révisées après un symposium de deux jours, sont ici sandwichées entre une préface idoine de Nadia Assimopoulos, présidente du Conseil, et une synthèse très efficacement condensée de son directeur de l’administration et de la recherche, Pierre Georgeault, sans pour autant engager officiellement l’organisme, of course. Tous les auteurs sollicités, pourtant chevronnés par ailleurs, s’inscrivent avec une modestie disciplinée dans la problématique proposée par Pagé au chapitre I, « Le français en tant que langue de la communication publique » (comprenant un adjuvant méthodologique du sociologue Paul Béland, solidement ferré), de sorte que leurs propos s’enchaînent du début à la fin, contrairement à bien des recueils du genre ; II- « Reconnaissance mutuelle de la majorité et des minorités dans le Québec de langue officielle française. Approche sociopolitique » (j’y reviens à l’instant) ; III- « Le français, passerelle des rencontres interculturelles. Approche socioculturelle » ; IV- « La dynamique des rapports entre groupes linguistiques dans le Québec plurilingue à dominante française. Approche sociopsychologique ».. Les auteurs et les lecteurs me pardonneront de concentrer le regard sur « l’approche sociopolitique », préalable en ce qu’elle met en jeu les conceptions mêmes du Nous québécois, c’est-à-dire l’incorporation idéologique des diverses parties plus ou moins volontairement prenantes à une formation sociohistorique dont la « distinction » propre repose d’autant plus sur sa dimension française que la concurrence de l’anglais y est aussi installée à demeure sous la forme d’une composante intégrale, nombreuse et institutionnalisée, sans mentionner la force d’attraction continentale et internationale de l’anglais pour quiconque habite ici au présent. L’exclusion exclue, Pagé dégage de sa revue documentaire trois « modèles de société » inclusifs, désormais en perte de vitesse selon lui : 1) « l’assimilation » des minoritaires à la majorité ethnoculturelle française de souche canadienne ; 2) une francophonie commune « sans assimilation culturelle », n’exigeant pas de « renoncer à d’autres identités sociales particulières, comme une identité ethnique ou une identité anglophone » ; 3) le français, simple véhicule de la participation républicaine à une « culture commune procédurale », aveugle à toute espèce de loyauté première. Il parie plutôt sur un quatrième modèle actuellement en émergence : « l’inclusion par intégration à une identité québécoise francophone culturellement plurielle », un « parcours particulier dans l’américanité » aboutissant à une « nation sociopolitique » (sans égard au cadre constitutionnel de son autonomie, naturellement). Pagé admet toutefois que ces vues de l’esprit « cohabitent » dans la réalité actuelle ; preuve de plus, à mon sens, qu’elles n’y sont …

Parties annexes