Comptes rendus

Patrice LeBlanc et Marc Molgat (dirs), La migration des jeunes aux frontières de l’espace et du temps, Québec, Éditions de l’IQRC et Les Presses de l’Université Laval, 2004, 308 p.[Notice]

  • Silvio Marcus de Souza Correa

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  • Silvio Marcus de Souza Correa
    Centre de recherche sur le développement régional (CEPEDER),
    Université de Santa Cruz do Sul (Brésil).

On peut situer cet ouvrage dans une démarche sociologique plus lointaine de réflexion sur la jeunesse au Québec. Au début des années 1960 certains sociologues, comme Jacques Lazure, voyaient déjà les jeunes comme étant les principaux acteurs des changements sociaux. Sous la direction de Fernand Dumont (1986), un premier ouvrage collectif renfermait quelques questions sur les itinéraires, les appartenances et l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Ces questions sont remises à jour par le GRMJ. On remarque cet héritage intellectuel, dès l’introduction, signée par Madeleine Gauthier, véritable personnification du lien entre l’approche dumontienne de la sociologie québécoise et l’avant-garde de la sociologie de la jeunesse au Québec. Par ailleurs, les échanges entre collaborateurs ainsi que l’ensemble cohérent de l’ouvrage montrent une synergie entre deux générations de chercheurs. L’ouvrage comprend huit textes dont la plupart sont signés par deux, trois ou quatre auteurs. Dans une formule à suivre, l’expérience savante et la rigueur analytique des chercheurs seniors font bon ménage avec la diversité des sujets et des hypothèses hétérodoxes apportées, en général, par les réflexions des juniors d’après leurs recherches réalisées dans le cadre d’un doctorat. Les quatre annexes donnent quelques renseignements sur l’équipe du GRMJ et ses partenaires, sur les procédures méthodologiques quantitative et qualitative de la recherche et sur le profil de migration des répondants. À l’exception du chapitre 5, l’approche commune des auteurs évite de parler d’exode à propos des jeunes. La migration de ces derniers apparaît plutôt comme un parcours non linéaire aux visages multiples et qui s’inscrit dans le passage à la vie adulte. Par ailleurs, il faut ajouter que le mot exode renferme une connotation religieuse qui renvoie à un déplacement forcé dans le but d’accomplir une mission. Cela n’aide pas non plus les experts à comprendre la migration des jeunes dans une société individualiste de plus en plus laïque et où les jeunes se déplacent souvent à leur gré. Serge Côté et Dominique Potvin analysent la migration interrégionale des jeunes au Québec. Dans les régions « intermédiaires » et « métropolitaines », la migration ne se passe pas de la même manière quant au moment, aux conditions de sa trajectoire et aux motifs qui la déclenchent. Lucie Fréchette, Danielle Desmarais, Yao Assogba et Jean-Louis Paré étudient l’intégration des jeunes migrants à la vie urbaine. Tributaire de la sociologie compréhensive de Weber et Simmel, l’analyse montre que les jeunes migrants sont les acteurs de leur intégration sociale. Sans pour autant minimiser les contraintes structurelles, les auteurs se penchent sur quelques outils pratiques d’intégration des jeunes migrants comme « la carte cognitive de la ville » et le tissage d’un réseau de sociabilité. Le propos souligne l’importance de quelques microterritoires propices à l’intégration des jeunes migrants en ville comme le collège ou le campus. Camil Girard, Stéphanie Garneau et Lucie Fréchette s’intéressent à la construction identitaire. L’analyse dégage deux groupes de jeunes migrants : celui des « nostalgiques » et celui des « citadins d’adoption ». Chez les premiers, la nostalgie et leur « bagage sentimental » leur collent à la peau. À leur façon ils bricolent leur identité en tant que migrants dont le lieu d’origine demeure un ancrage symbolique. Le deuxième groupe présente un remarquable sentiment d’appartenance avec le lieu d’accueil. Cela ne suppose pas forcément une rupture avec le lieu d’origine. La distinction entre le sentiment d’appartenance et l’attachement au territoire permet de repérer la recomposition identitaire des jeunes à partir des représentations des lieux d’origine et d’accueil. Le rapport entre mobilité géographique et insertion professionnelle des jeunes est scruté par Claude Laflamme et Fréderik Deschenaux. La nouvelle réalité du marché de l’emploi …