Symposium critique

Un cas d’espèce de la modernité… tardive[Notice]

  • Jean-Jacques Simard

…plus d’informations

  • Jean-Jacques Simard
    Département de sociologie,
    Université Laval.

Je remercie la rédaction de Recherches sociographiques d’avoir honoré mon assemblage d’essais sur l’objet même de la revue, « le Québec et le Canada français », d’un modeste symposium avec des collègues aussi chevronnés que Jacques Beauchemin et Joseph Yvon Thériault, envers lesquels je me trouve encore plus reconnaissant d’avoir pris la peine de lire et de commenter si généreusement l’ouvrage, avec autant de lucidité que de solidarité. Puisque leurs observations se recoupent, ils me pardonneront d’y réagir en vrac. Les lecteurs, pour leur part, voudront bien excuser le ton parfois apologétique, sinon narcissique ou onaniste, auquel un auteur est spontanément réduit lorsque la discussion porte sur des ébauches aussi approximatives que répétitives qu’il a eu le front de publier deux fois, parfois à plus de trente ans de distance, autant dire d’insistance. Thériault est trop délicat lorsqu’il parle d’analyses devenues si « classiques » qu’elles ne détonnent guère sur la « doxa [désormais] dominante ». Beauchemin reprend plus carrément la même constatation lorsqu’il trouve maints chapitres de ce livre surannés, comme autant d’échos d’une voix venue du passé (mais pas encore d’outre-tombe, Dieu soit béni jusqu’aux prochaines nouvelles de la RAMQ), témoigner de « ce que toute une époque tenait pour vrai ». L’eussé-je su sur le moment que je m’en fusse immédiatement fait gloire, mais à mon grand regret, je n’ai jamais eu l’occasion de prendre la mesure de mon insignifiance autrement que par le silence critique de mes pairs. À moins que la doxa dominante ne soit dure de comprenure ? Je n’ai certainement pas raison de m’en plaindre. On a dû concéder à mes contributions je ne sais quelle pertinence immédiate, au fur et à mesure, car j’ai rarement travaillé autrement que sur commande expresse, c’est-à-dire sur relance (« Un article à la fooois, oh ! Jésus », pour entonner un air connu). Dans cette mesure, sans doute mes écrits rendent-ils compte des préoccupations successives de l’opinion intellectuelle ambiante, mais, prenez-en ma parole, seulement dans la très menue portion intéressée, hier comme aujourd’hui, à comprendre comment les transformations structurelles d’un certain champ d’interaction sociohistorique avaient porté l’avènement au monde, « l’éclosion » d’une nouvelle société globale depuis lors « en finition », comme on dit dans le bâtiment : le Québec contemporain. Or, cet espace d’un « vivre ensemble » encore plus ou moins incongru, parce que trop fraîchement issu de l’histoire, ne se confond pas avec la nation néo-française d’Amérique qui y situe son siège social. Montréal, l’Outaouais, les Cantons-de-l’Est, les restes périphériques des grandes entreprises d’extraction des richesses naturelles, bref, « Nos Anglais » (éponges à immigrants), en font intégralement partie, non seulement de fait, mais dans l’imaginaire mutuel des « Deux solitudes » – rejointes depuis peu par une « Troisième », descendue du Nord ou sortie de ses réductions de la vallée du Saint-Laurent pour reprendre pied sur la carte et dans l’histoire dont elle avait été exilée, « Nos Autochtones », voire par une « Quatrième » ne sachant plus trop où donner de la tête, « Nos communautés culturelles », selon l’euphémisme de bon aloi. Et puis, si l’obsession de la « souche » (de la mémoire commune, si on préfère), y a gagné en fébrilité ce qu’elle perdait en certitude de tous les bords, la « question nationale » n’est quand même pas la seule qui ait polarisé ici les acteurs et mouvements sociaux, les expériences créatrices, les joutes politiques, la scène collective. Surtout depuis la Révolution tranquille, puisqu’il s’agissait, n’est-ce pas, d’occuper en français québécois toute la « société moderne avancée », bientôt « mondialisée ». Les tendances …

Parties annexes