Comptes rendus

Ian Lockerbie, Ines Molinaro, Karim Larose et Leigh Oakes, French as the Common Language in Quebec : History, Debates and Positions, Québec, Nota Bene, 2005, 202 p. (New Perspectives in Quebec Studies.)[Notice]

  • John E. Trent

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  • John E. Trent
    Centre d’études en gouvernance,
    Université d’Ottawa.

Il me semble que le petit livre, French as the Common Language in Quebec, devrait tranquillement frayer son chemin, surtout si l’éditeur sait efficacement en faire la promotion. Cette synthèse critique de l’histoire du développement de la langue française au Québec depuis la Révolution tranquille est certainement une très agréable addition aux oeuvres linguistiques québécoises pour tous ceux qui lisent en anglais. La publication regroupe quatre articles déjà parus en français dans la revue Globe, mais le livre représente beaucoup plus qu’un assemblage d’articles. Ensemble, ils offrent une vision du rôle que les enjeux linguistiques ont joué au Québec pendant le dernier demi-siècle. Je suis d’accord avec la présentation de Daniel Chartier qui avance que, « l’identité collective du Québec est définie par la langue » parce que la langue sert d’instrument de changement social, de lieu commun au milieu de la diversité, de terrain de jeu littéraire, de laboratoire urbain, ou encore d’outil d’intérêt politique. Qui veut comprendre le Québec doit nécessairement comprendre la question linguistique ! Ce petit ouvrage reflète lui-même les changements dans les attitudes envers le Québec et ses batailles linguistiques : trois des quatre spécialistes qui signent les articles sont des professeurs enseignant dans les universités britanniques ! « The debate on l’aménagement du français in Québec » de Ian Lockerbie raconte la querelle entre deux écoles de linguistes sur la question de la qualité de la langue. Les conservateurs traditionalistes souhaitent que les normes importées de la France prédominent tandis que les aménagistes croient que le français de l’Amérique du Nord a tout naturellement des traits distincts. Les uns refusaient le joual, les autres affirmaient que l’expérience historique, le conditionnement du milieu géographique et l’influence de la culture sociale avaient créé un besoin de normes linguistiques distinctes et tout à fait légitimes. Cependant, même les puristes admettent que quelque 20 % du lexique total du Québec est composé de mots légitimes québécois d’utilisation quotidienne. D’après Lockerbie, non seulement le français au Québec a-t-il été réhabilité de sa longue période de domination par l’anglais, mais la norme du français québécois est maintenant reconnue. La description fascinante et nuancée que fait Lockerbie de la polémique parmi les intellectuels et le rôle significatif joué par la controverse sur les dictionnaires dans la reconnaissance internationale du « standard québécois » ont rendu son article non pas « arcane » mais tout à fait vibrant pour un non-spécialiste. J’aurais souhaité seulement qu’il ait fait un plus grand effort non pas pour traduire « l’aménagement du français » mais pour mieux définir son utilisation de l’expression. Le corps du livre est composé des articles historiques de Karim Larose de l’Université Laval et de Leigh Oakes, de l’Université de London, qui offrent des interprétations du développement du français au Québec sous deux angles différents mais complémentaires. Larose trace l’émergence de l’idée d’unilinguisme (qui n’est même pas dans le dictionnaire de mon ordinateur) au Québec. Considérée comme trop radicale, cette notion s’est graduellement transformée en concept de français prioritaire que l’on retrouve dans la Charte de la langue française. L’auteur lui-même fait la synthèse : « Le français n’aurait pas pu se développer si l’anglais, la langue dominante en Amérique du Nord, avait continué de l’avaler par l’entremise de son prestige socioéconomique. En ramassant les idées du projet ”unilingue“ tout en rejetant son approche exclusiviste, la Charte de la langue française a évité ce sous-développement. Au nom de la dignité de ceux qui parlent une langue, la Charte a réaffirmé que, pour rester une langue vivante, le français doit être la langue commune, la première langue, la langue officielle dans …