Comptes rendus

Madeleine Frédéric, Polyptyque québécois. Découvrir le roman contemporain (1945-2001), Bruxelles, Peter Lang AG, 2005, 176 p. (Études canadiennes, 4.)[Notice]

  • Aurélien Boivin

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  • Aurélien Boivin
    Département des littératures,
    Université Laval.

Il est toujours intéressant pour un Québécois de lire une étude sur sa propre littérature préparée par un ou une spécialiste d’un autre pays. Quelle lecture souvent enrichissante car, inévitablement, le point de vue d’un « native », comme dirait Galarneau, le héros de Jacques Godbout, est différent de celui d’un étranger ! Et c’est ce qui se produit en parcourant l’ouvrage de Madeleine Frédéric, professeure de littérature à l’Université Libre de Bruxelles, Polyptyque québécois. Découvrir le roman contemporain (1945-2001). Fruit de quelque dix années d’enseignement et de recherche en littérature québécoise que Madeleine Frédéric a enseignée, dans son université d’attache mais aussi, pendant un semestre, à l’Université de Paris III–Sorbonne nouvelle, cet ouvrage ajoute à la (re)connaissance de notre littérature, tant à l’étranger qu’au Québec. L’auteure convie ses lecteurs, de l’étranger surtout, mais aussi du Québec, comme le précise le sous-titre, à « découvrir le roman contemporain », depuis Bonheur d’occasion (1945) de Gabrielle Roy jusqu’à Splendide solitude (2001) d’Abla Farhoud. Dix auteurs sont convoqués, les uns, des classiques reconnus ou des valeurs sûres, tels Gabrielle Roy, Hubert Aquin, Marie-Claire Blais, Réjean Ducharme, Jacques Godbout et Anne Hébert ; d’autres, qui sont en voie de le devenir, tels Robert Lalonde et Régine Robin ; et d’autres enfin qui mériteraient de l’être, comme Marie-Céline Agnant, d’origine haïtienne, et Abla Farhoud, d’origine libanaise. Les trois dernières, il convient de le préciser, ont émigré au Québec il y a plus de trente ans et y ont publié la totalité, sinon la majorité de leur oeuvre (Robin). Pourquoi ces auteurs et pas d’autres ? Le choix d’un corpus est toujours aléatoire, subjectif même. Pourquoi pas André Langevin (Poussière sur la ville), Gérard Bessette (Le libraire), Roch Carrier (La guerre, yes Sir !) ou Jacques Ferron (Le ciel de Québec), voire des romans de jeunes écrivains représentatifs de leur génération, tels Louis Hamelin (La rage), Christian Mistral (Vamp ou Vautour), Lise Tremblay (L’hiver de pluie), ces écrivains que j’ai appelés les « romanciers de la désespérance » ? En jetant un rapide coup d’oeil au paratexte, en fin de volume, on peut déjà trouver une réponse, sinon une amorce de réponse. La plupart des auteurs sélectionnés ont déjà fait l’objet de publications antérieures, « parfois difficilement accessibles car disséminées dans des revues déjà anciennes », versions qui, de préciser l’auteure, ont été « remaniées : recentrées ou au contraire élargies, en tout cas réactualisées » (p. 175). C’est sans aucun doute ce qui explique le manque de lien ou d’unité d’un chapitre à l’autre, car Madeleine Frédéric ne s’est pas donné la peine d’assurer cette unité dans les introductions de chacun des dix chapitres, comme l’ont fait des chercheurs universitaires qui ont eu l’heureuse idée de réunir en un seul ouvrage le fruit de leur travail s’étendant souvent sur plusieurs années. Tous les chapitres se présentent à peu près de la même façon. D’abord, une mise en contexte ou un rapide coup d’oeil sur les années qui ont vu naître l’oeuvre sélectionnée de l’écrivain, comme dans le cas de Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy ou de Prochain épisode d’Hubert Aquin. Puis l’auteure fournit quelques repaires biobibliographiques sur l’écrivain convoqué. Elle propose ensuite une analyse de l’oeuvre en s’intéressant à la narratologie, à l’instance narrative, au discours intérieur et à la stratégie des chronotopes, comme l’a énoncée Mikhaïl Bakhtine (Bonheur d’occasion). C’est plutôt l’écriture qui l’intéresse dans le roman d’Aquin, une écriture moderne, qui prime sur la fiction, selon elle, avec un narrateur je-scripteur, révolutionnaire raté, qui devient …