Comptes rendus

Vincent Lemieux, Le pouvoir et l’appartenance. Une approche structurale du politique, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2006, 192 p.[Notice]

  • Michel Forsé

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  • Michel Forsé
    Centre Maurice Halbwachs (Paris),
    CNRS, France.

Le projet du dernier livre de Vincent Lemieux est fidèle à ce que laissent entendre son titre et son sous-titre : procéder, à partir d’une étude des caractéristiques structurales des réseaux sociaux, à une analyse systématique des relations de pouvoir et d’appartenance dans le champ politique. À cette fin, Vincent Lemieux commence par remarquer que la régulation des affaires politiques dans une collectivité ou organisation se fonde sur deux principes : la connexité (un graphe est connexe lorsque chaque acteur peut joindre tout autre par des liaisons directes ou indirectes) et la « groupabilité » qui s’observe lorsqu’il existe des pôles d’appartenance à l’intérieur desquels les relations sont positives et entre lesquels elles sont négatives. Le principe de connexité signifie que dans une organisation politique les acteurs sont dans des relations de pouvoir les uns vis-à-vis des autres. Mais tout comme ces relations ont différents visages et peuvent se traduire en différents types de relations d’appartenance, la forme de cette connexité est plurielle. Appliquant des distinctions classiques de la théorie des graphes aux relations de pouvoir, Lemieux distingue quatre grands types de connexité politique : coarchique, stratarchique, hiérarchique et anarchique. La coarchie coïncide avec une connexité forte : tout couple d’acteurs est lié par une relation directe ou indirecte de pouvoir. La stratarchie repose sur une connexité semi-forte : la relation dont il vient d’être question existe en au moins un sens. La hiérarchie relève d’une connexité quasi forte. Il faut cette fois qu’au moins un acteur ait une relation de pouvoir sur tous les autres, mais il n’est plus nécessaire qu’une relation lie tout couple d’acteurs. À l’absence de connexité est associée l’anarchie, c’est-à-dire le cas où aucun acteur n’a de relation de pouvoir sur tous les autres. En parallèle, la groupabilité peut donner lieu à une situation unipolaire, bipolaire, pluripolaire (plus de deux pôles) ou omnipolaire (lorsque chaque pôle ne contient qu’un seul individu). Lemieux peut alors combiner types de connexité et types de groupabilité. Il faut cependant remarquer que l’exigence d’équilibration dans les graphes qui donne son intérêt dynamique à la groupabilité n’est pas du même ordre que la simple constatation d’un type empirique de connexité. Elle conduit à endosser, dans le domaine des relations sociales ou psychologiques, des principes algébriques d’opération sur les signes et de transitivité qui sont loin d’y être évidents. On peut toutefois admettre avec l’auteur que la « polarité » et la connexité du graphe puissent conduire à favoriser un type d’alliance politique (Lemieux en distingue quatre) plutôt qu’un autre. Ces alliances, lorsqu’elles sont effectives, deviennent des instruments qui permettent à un acteur de transformer sa position structurale (en visant à une amélioration « satisfaisante ») et au final la structure de pouvoir et d’appartenance dans le graphe considéré. Les modèles de structuration du pouvoir qui en résultent sont appliqués à des cas typiques révélés par des enquêtes sur des collèges et des universités. La crise des missiles de Cuba sert aussi d’exemple. À partir du chapitre 9, les applications ne sont plus seulement des illustrations. Elles sont abordées pour ce qu’elles révèlent en termes de mécanismes réticulaires. La décentralisation est présentée comme un processus permettant de consolider une connexité devenue défaillante. Le clientélisme et la coordination des composantes des partis politiques sont abordés aux deux chapitres suivants. Le dernier chapitre vise à établir que lorsque deux réseaux s’affrontent politiquement, celui qui est le plus dense (pour ses relations positives) et le plus multiplexe (variété plus grande des contenus des relations) a plus de chances de devenir dominant. Mais c’est au prix d’un formalisme qui découragera peut-être quelques lecteurs. La conclusion cherche …