Comptes rendus – Sociologie du suicide

Éric Volant, Culture et mort volontaire. Le suicide à travers les pays et les âges, Montréal, Liber, 2006, 383 pages.[Notice]

  • Daniel Dagenais

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  • Daniel Dagenais
    Département de sociologie et d’anthropologie,
    Université Concordia.

Cet ouvrage important est la réédition, revue et augmentée, du Dictionnaire des suicides qu’Éric Volant avait fait paraître, chez le même éditeur, en 2001. Il comporte plus de quatre cents entrées, près d’une centaine d’articles s’étant ajoutés à la première édition. La bibliographie sélective qui clôture l’ouvrage est enrichie d’une quinzaine de titres par rapport à la précédente. Il n’existe, à notre connaissance, aucun ouvrage équivalent dans le monde francophone : il faut en saluer la réédition. Comment qualifier ce « dictionnaire » ? Il témoigne au premier chef de l’effort soutenu de son auteur, sur plus de vingt ans, pour comprendre le suicide à travers les âges et les cultures et, surtout, de sa générosité à s’interdire que ce savoir accumulé ne bénéficie qu’à lui seul. Professeur retraité associé au Département des Sciences des religions où il a enseigné à partir de 1980 jusqu’en 1991, après avoir enseigné pendant dix ans à la Faculté de théologie de l’Université de Montréal, Éric Volant est préoccupé par le suicide depuis le début des années quatre-vingt, question qui s’inscrit naturellement dans son enseignement qui porte essentiellement sur l’éthique. On imagine bien la patience qu’il aura fallu afin de donner une forme systématique à cette « quantité industrielle de notes éparses, relatives au suicide, qui dormaient paisiblement dans [s]es tiroirs », et la persévérance nécessaire, une fois l’entreprise lancée, pour tenir le pari de composer un « dictionnaire ». Alors qu’une petite industrie de la suicidologie s’est mise en place durant la période où, patiemment et en solitaire, Éric Volant accumulait des notes de lecture, voici que la petite bibliothèque du Québec enrichit le savoir universel d’un ouvrage qui est le fait d’un seul homme ! Il y a là quelque chose de réjouissant. Ouvrage d’un seul homme, ce dictionnaire n’est pas à proprement parler un ouvrage d’auteur, quelle que soit la singularité du parcours réflexif qu’il donne à voir. Il faut beaucoup d’humilité pour se lancer dans pareille entreprise car ce genre de publication doit trop à la science universelle pour que le lecteur en ressorte avec le sentiment d’avoir lu une thèse singulière attribuable à une seule auteurité. Ce n’est pas non plus un dictionnaire habituel, qui met normalement à contribution une armée de chercheurs, experts en leur domaine, produisant chacun leur article. L’ouvrage retrace le parcours solitaire et tourmenté d’un homme à la recherche du sens du suicide. Comment rendre compte logiquement de ces quelque quatre cents entrées en un volume ? La plupart d’entre elles comportent un ou plusieurs renvois à d’autres articles, offrant ainsi au lecteur la possibilité d’un parcours sémantique cohérent, bien que circonscrit. Un décompte approximatif dénombre une majorité d’entrées historiques, relatant les suicides de personnes plus ou moins connues, de l’Antiquité à nos jours, où Dédé Fortin et Kurt Cobain côtoient Cléopâtre, Socrate et Caton. L’histoire de la réflexion sur le suicide y est abondamment représentée : un lecteur méthodique pourra y retracer l’évolution de la pensée humaine sur le suicide. L’auteur a parcouru ce chemin, c’est évident. Au chapitre de la science du suicide, le lecteur que je suis n’a rien trouvé à redire des comptes rendus des diverses typologies élaborées de Durkheim à Baechler. Maintes entrées sont consacrées aux dimensions sociales qui composent, ici comme ailleurs et d’hier à aujourd’hui, la physionomie du suicide (jeunes, vieillards, femmes, Autochtones, etc.). L’« éthique des nombres », ouvertement et exagérément réprouvée par l’auteur, apparaît quand même à la faveur des entrées sociétales (Québec, Canada, France, États-Unis, etc.). On se prend à déplorer le manque de tableaux (en annexe, par exemple) qui auraient retracé l’évolution du …