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Élaboré sous la direction de trois professeurs du Département des fondements et pratiques en éducation de l’Université Laval, ce livre, dont l’idée initiale provient de l’Association des cadres des collèges du Québec, se veut une contribution à la connaissance de l’histoire du réseau collégial à l’occasion de son 40e anniversaire. Construit à partir d’analyses de sociologues et d’historiens et de témoignages d’acteurs ayant joué un rôle important dans la conception et la mise sur pied des cégeps, leur développement et leur gestion, ce livre adopte surtout la perspective d’un hommage et la forme d’un récit sur le cheminement et les réalisations de cette institution proprement québécoise et unique au monde.

Les deux premières parties du livre sont consacrées à la naissance des cégeps et à leur évolution jusqu’à aujourd’hui. Les analyses et les témoignages des acteurs de la première heure que furent Guy Rocher, Jean-Paul Desbiens et Jean-Noël Tremblay, nous apprennent beaucoup sur les perspectives qui ont présidé au choix du cégep comme type d’institution d’éducation postsecondaire et sur le cheminement qui a présidé à son implantation dans diverses régions du Québec. Certaines anecdotes sur la création des cinq premiers cégeps en août 67 montrent à quel point le démarrage d’un tel changement dans notre système d’éducation a nécessité des prises de décision rapides et quotidiennes, quelquefois à distance des recommandations du Rapport Parent ou du Comité de planification de l’enseignement préuniversitaire et professionnel (COPEPP). Plusieurs des décisions et des arbitrages ont été le fait des décideurs politiques et de fonctionnaires du ministère de l’Éducation. Le processus d’implantation des cégeps apparaît comme un cas de figure fort pertinent à soumettre à l’étude de la gestion du changement en éducation auquel nous pourrions jouxter celui de la naissance de l’Université du Québec. En évoquant les défis de cette implantation, Jean-Paul Desbiens reconnaît que le principal fut celui de l’expansion du nombre des cégeps qui doublera et triplera en quelques années. En effet, chaque région voulait avoir son cégep et faisait les pressions nécessaires à cet égard sur le politique qui a répondu favorablement la plupart du temps. Cette question de l’importance du cégep en région demeure sensible encore aujourd’hui et elle fait l’objet de l’un des chapitres de l’ouvrage.

Dans la seconde partie du livre, le rôle de l’État et des syndicats est mis en relief dans l’analyse de l’évolution des cégeps au cours des années 1970 et 1980, alors que la période de 1992 à 2004 est présentée comme étant celle de « l’aventure collective du Renouveau, une période de maturation engageante ». C’est dans le cadre du Renouveau de l’enseignement collégial que les cégeps se verront en effet confirmer leur statut d’établissement d’enseignement supérieur. Lucie Héon et Nathalie Ébaneth consacrent un chapitre à l’analyse des mémoires déposés lors du « Forum sur l’avenir de l’enseignement collégial » lancé par le ministre Pierre Reid, le 8 avril 2004. Rappelons que ce Forum avait créé une sorte d’onde de choc dans le milieu collégial et particulièrement au sein du personnel d’encadrement spécifiquement interpellé par les questions soumises au débat. Ce chapitre contient un matériel fort pertinent et riche pour quiconque veut mieux comprendre où en sont les cégeps aujourd’hui et quelles questions demeurent à résoudre pour son évolution prochaine.

La troisième partie du livre présente les différentes facettes du rayonnement du cégep qui passe d’abord par l’influence de la vie collégiale sur le développement personnel et social des étudiants et étudiantes. Le bonheur est-il un objectif éducatif ? se demande Rénald Côté. Si sa réponse est positive, il montre à quel point le passage au cégep est un moment crucial dans cette quête du bonheur, compte tenu de l’âge et du niveau de développement de la grande majorité des élèves. Jacques Dufresne décrit une autre facette de ce rayonnement en dressant un panorama de la vie intellectuelle et de la recherche au sein du corps professoral du collégial. À cet égard, il a procédé à une première recension qui demeure à compléter, des publications des enseignants sous forme de revues, de livres et d’articles, et des travaux de recherche dans les principales disciplines qui sont présentes au cégep, incluant les Centres collégiaux de transfert technologique et les Instituts reliés aux cégeps. Mélanie Cormier et Madeleine Nadeau font état, par ailleurs, de l’importance de l’éducation des adultes et de la formation continue dans la mission des cégeps et de la place des partenaires publics et privés qui y contribuent. Depuis quelques années, ce rayonnement prend aussi la forme de la coopération internationale pour les enseignants, de la formation d’étudiants étrangers et de la mobilité des cégépiens vers d’autres pays pour y faire une partie de leurs études, comme le décrit Noémie Moisan.

La parole est ensuite donnée aux gestionnaires qui présentent la mission propre à chacun des services présents dans les cégeps. On y fait état des services pédagogiques, des ressources humaines, des ressources matérielles, du développement technologique, du rôle du cégep en région, et de l’intégration des personnes issues de communautés culturelles, élèves et enseignants. Les défis à relever et des réalisations qui se sont avérées novatrices sont mis en relief. Enfin, dans la dernière partie du livre, Thérèse Hamel et Isabelle Gourdes-Vachon présentent une recension exhaustive de la production écrite sur les cégeps, qu’elles ont structurée selon des thématiques et des périodes propres à cette institution. Celle-ci est accompagnée d’un répertoire bibliographique imposant qui sera fort utile à tous les chercheurs et analystes qui veulent poursuivre le travail déjà réalisé, notamment sur des pans de l’histoire de cette institution qui n’ont pas encore été étudiés.

Ce livre rassemble un matériel fort riche pour quiconque s’intéresse à l’histoire des cégeps et à celle de l’éducation, qu’il soit chercheur, professeur, gestionnaire ou étudiant au collégial ou simple citoyen. On y trouve plusieurs séries de données brutes et de nombreux récits transcrits sous forme de verbatim de même qu’une analyse descriptive de ce qui en ressort. Il faut souhaiter que soit poursuivie la présente démarche par une analyse plus en profondeur de tout ce que recèlent les diverses facettes du contenu fort bien organisé de ce livre qui participe de la célébration d’un anniversaire important dans l’histoire des cégeps.