Comptes rendus

Jean Laponce, Loi de Babelet autres régularités des rapports entre langue et politique, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2006, 194 p.[Notice]

  • Linda Cardinal

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  • Linda Cardinal
    Institut d’études politiques,
    Université d’Ottawa.

Dans cet ouvrage synthèse de plusieurs de ses travaux antérieurs, Jean Laponce propose une théorie des rapports entre langue et politique fondée sur sept lois : de Babel, de Pentecôte, de Rousseau, de l’amour qui tue, du marché, de Lyautey, de Michels. L’ouvrage est divisé en huit chapitres. Le premier présente la loi de Babel. Celle-ci stipule que le plurilinguisme et la dispersion géographique ont été, dans la Bible, compris comme un châtiment et que l’unilinguisme et la vie en vase clos seraient la norme. Selon Laponce, la Babel biblique constitue « la première formulation de la plus importante des lois qui régissent les rapports entre langues en contact » (p. 5). Par ailleurs, à l’ère de la mondialisation et des migrations, les sociétés ne vivent plus en vase clos et les langues sont dorénavant en contact entre elles sauf qu’elles s’influencent les unes les autres. Nous sommes en présence d’un effet Babel nouveau genre. Le deuxième chapitre poursuit la métaphore biblique et porte sur la loi de Pentecôte en référence à la rencontre des fils des hommes à ces langues diverses qui furent chassés de Babel. Ceux-ci ont dorénavant deux langues car ils se comprennent entre eux en plus de parler leur propre langue. Ainsi, Laponce en profite pour inviter à réfléchir sur le degré de coexistence ou de bilinguisme souhaitable dans une société donnée. Il considère qu’il existe un effet Pentecôte favorable au bilinguisme par rapport à un effet Babel plus destructeur des langues. Il considère toutefois que nous devons éviter tout bilinguisme concurrentiel et faire plutôt place à la collaboration entre les langues notamment en acceptant la spécialisation des fonctions mais en garantissant une zone de confort ou des espaces d’unilinguisme aux locuteurs des langues minoritaires. Dans le troisième chapitre, Laponce délaisse la métaphore religieuse et propose la loi de Rousseau, en rapport au philosophe Jean-Jacques Rousseau et à son intérêt pour l’école et l’éducation dans le maintien et la transmission de la culture. Le quatrième chapitre porte sur la loi de l’amour qui tue ou sur « la loi Laponce » car la métaphore amoureuse pour parler des rapports entre les langues au sein de la famille lui revient. Cette loi sert à évaluer les effets de l’exogamie sur la transmission ou l’élimination des langues. De façon plus générale, c’est la compréhension de l’incidence de l’environnement sur la transmission linguistique et culturelle qui préoccupe notre auteur. Le cinquième chapitre, sur la loi du marché, fait état du débat sur la valeur marchande des langues. Comment mesurer les avantages et les bénéfices de l’apprentissage d’une langue seconde par rapport à celui de la langue maternelle ? Le sixième chapitre porte sur la loi de Lyautey en référence au maréchal qui déclara qu’une langue était un dialecte avec une armée et une marine. Cette boutade, Laponce l’a érigée en loi pour signifier que « plus l’autorité publique sera puissante, plus puissante sera sa langue » (p. 113). En outre, l’auteur se demande si les États-Unis et l’Angleterre auraient autant de liens s’ils n’avaient pas une même langue commune, l’anglais. Nous sommes, avec la loi du marché, dans le registre de la hiérarchie sociale et politique des langues, un thème également exploré dans le septième chapitre consacré à la loi de Michels. L’auteur y étudie notamment la question de la régularité des rapports hiérarchiques entre les langues et l’asymétrie du bilinguisme. Il explique notamment que les anglophones font très peu les frais du bilinguisme, un problème qui pose des enjeux de justice et oblige à trouver des remèdes pour compenser les coûts supplémentaires aux locuteurs des langues non dominantes. …