Comptes rendus

Gilles Paquet et Jean-Pierre Wallot (dirs), Un Québec moderne 1760-1840. Essai d’histoire économique et sociale, Montréal, Hurtubise HMH, 2007, 735 p.[Notice]

  • Christian Dessureault

…plus d’informations

J’ai d’abord eu quelques réticences à effectuer le compte rendu de ce livre, étant donné mes liens avec l’un des deux auteurs, Jean-Pierre Wallot, qui a été au début des années 1980 mon directeur de recherche. J’ai finalement accepté car cet ouvrage dresse le bilan de l’une des plus fructueuses collaborations interdisciplinaires en sciences sociales au Québec. Jean-Pierre Wallot, pour lequel je conserverai toujours le plus grand respect comme historien et comme individu, a profondément marqué l’évolution de la production historique au Québec. Fortement influencé par Maurice Séguin, dont il est l’héritier le plus original, il participe déjà, dès ses premiers travaux, au renouvellement, voire au dépassement, de la perspective néo-nationaliste de l’école de Montréal et, bientôt, à l’émergence d’un nouveau mode d’interprétation fondé sur les concepts de modernisation et de modernité de la société québécoise. D’abord actif dans les champs de l’histoire politique et de l’histoire culturelle du Québec de 1760 à 1815, il met rapidement l’accent sur les influences des autres régions du Monde occidental, à l’époque des Révolutions atlantiques, dans la vallée du Saint-Laurent. Comme d’autres historiens québécois de sa génération, Wallot se montre ouvert aux influences de l’école des Annales, à son approche d’histoire totale et à ses recours aux méthodes et aux théories de l’anthropologie, de la sociologie et des sciences économique et politique. Pour sa part, l’économiste Gilles Paquet, le second auteur, est un ancien élève d’Albert Faucher dont les travaux sur l’émigration des Canadiens français aux États-Unis ont remis en question à la fois les interprétations nationalistes, néo-nationalistes et culturalistes du retard économique du Québec. La première incursion de Paquet dans le champ de Clio porte sur cette question de l’émigration des Canadiens français et cette recherche a donné lieu à un article publié dans les premiers volumes de Recherches sociographiques en 1964. Peu de temps après, il s’associait à Jean-Pierre Wallot dans une enquête d’histoire économique sur le commerce international et les prix domestiques au Bas-Canada. Contrairement à d’autres économistes, l’intérêt de Paquet pour l’histoire dépassait largement la recherche d’un terrain de jeu pour expérimenter le potentiel explicatif d’un modèle. Tout en poursuivant de nombreuses recherches dans les domaines de l’économie et de l’administration publique, il entreprend donc, en collaboration avec Wallot, une véritable carrière parallèle d’historien. Cet ouvrage permet au lecteur de suivre l’itinéraire et de connaître les principaux résultats des recherches découlant de cette association unique, par son ampleur et sa durée, de deux chercheurs provenant de disciplines distinctes. Nous pouvons esquisser leur apport respectif à cet ouvrage. Ce ne serait toutefois là que conjectures car ce duo a réussi à imposer une écriture et une signature uniques, celle de Paquet-Wallot. Cet ouvrage comprend onze chapitres qui reprennent grosso modo le contenu d’articles, de chapitres de livres et d’une brochure de la Société historique du Canada. Le chapitre 2 portant sur la question de l’émigration des Canadiens français aux États-Unis fait ici exception puisqu’il est tiré d’un article publié conjointement par Gilles Paquet et Wayne R. Smith dans L’Actualité économique en 1983. L’inclusion de ce texte ne nous semble toutefois pas très pertinente compte tenu de sa dimension périphérique par rapport à la problématique générale qui a encadré, voire commandé, les nombreux travaux de Paquet-Wallot. Nous y reviendrons. L’avant-propos, l’introduction et la conclusion fournissent par ailleurs de manière claire et explicite cette problématique générale qui réunit, telle une trame de fond, une imposante production scientifique. Dans chacun des chapitres, les deux auteurs ont effectué une mise à jour de leurs textes initiaux intégrant les acquis de travaux plus récents d’autres chercheurs. Cependant, ils ont davantage renforcé que nuancé leur …