Comptes rendus

Mira Falardeau, Histoire de la bande dessinée au Québec, Montréal, VLB éditeur, 2008, 191 p.[Notice]

  • Philippe Sohet

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  • Philippe Sohet
    Département de communication sociale et publique,
    Université du Québec à Montréal.
    sohet.philippe@uqam.ca

L’émergence des recherches sur la bande dessinée québécoise dans une perspective historique doit beaucoup aux travaux d’une poignée d’universitaires déterminés comme Yves Lacroix, André Carpentier ou Richard Langlois. Depuis quelques années, l’exhumation, à même les collections publiques québécoises, des réalisations de divers pionniers de la narration graphique aura stimulé un véritable redéploiement des recherches dans le domaine dont témoignent les travaux de Michel Viau, Sylvain Lemay et Mira Falardeau. Dans ce contexte, la parution d’une Histoire de la bande dessinée au Québec n’en devenait que plus attendue et pertinente. Pour ce faire, nulle autre plume que celle de Mira Falardeau semblait mieux convenir. Depuis près de trente années, les intérêts de la chercheuse se concentrent autour de la narration graphique et de l’humour visuel, principalement au Québec. Après avoir été de la première génération à y consacrer un mémoire de maîtrise (1978) comme son doctorat (1981), ce parcours l’aura conduite à enseigner le sujet, aussi bien au cégep (Sainte-Foy, Limoilou) qu’à l’université (Laval, Ottawa). Ses travaux, systématiquement, ont exploré le sillon de la narration visuelle québécoise : après La bande dessinée québécoise (Boréal, 1994) et Histoire du cinéma d’animation au Québec (Typo, 2006), une Histoire de la caricature au Québec est maintenant annoncée. La pertinence de ses travaux aura été à l’origine de quelques-unes des expositions les plus significatives sur le sujet : Les aventures de la bande dessinée québécoise (rétrospective au Musée du Québec, 1997), Les débuts de la bande dessinée québécoise de 1904 à 1908 (Bibliothèque nationale du Québec, 2004), Les histoires en images : ancêtres de la bande dessinée québécoise (Grande Bibliothèque, Montréal, 2008). Comme si cela ne suffisait pas à attester sa compétence en la matière, Mira Falardeau s’est fait également reconnaître comme dessinatrice à part entière par ses travaux au sein de diverses revues mais aussi par La mercière assassinée, album dessiné à partir d’un texte d’Anne Hébert (Éditions Soulières, 2000) et comme éditrice (Éditions Falardeau, créées en 1993). La dernière décennie aura été particulièrement déterminante pour le milieu de la bande dessinée québécoise. Les possibilités ouvertes par les technologies liées au Web et la naissance de jeunes maisons d’édition sont à l’origine d’une vitalité et d’une effervescence de la production graphique. Ces transformations importantes et les récentes redécouvertes de précurseurs québécois longtemps négligés appelaient donc une mise à jour de l’ouvrage (La bande dessinée québécoise) de 1994, ce que nous offre fort opportunément cette Histoire de la bande dessinée au Québec. Assez logiquement, la première partie de l’ouvrage s’attarde à extirper du purgatoire l’oeuvre et les noms de ces dessinateurs qui firent les beaux jours des lecteurs de La Patrie, Le Charivari canadien, La Scie illustrée et Le Canard au début du XXe siècle. Resurgissent ainsi pour notre plus grand bonheur les noms de Leggo, Nemo, Berthelot, Côté, Morisette, Barré, Bourgeois et d’autres, attestant de l’étonnante vigueur du milieu graphique québécois à l’époque. Rappelons au passage l’étude de Mira Falardeau qui en surprit plus d’un en affirmant ni plus ni moins que « La BD française est née au Canada en 1904 » (Communication et Langage, no 126, Paris, Nathan, 2000, p. 23-46). Cette imagerie propose en fait la mise en scène humoristique d’un imaginaire populaire face aux réalités politiques et sociales de l’époque. On saura gré à l’auteure de replacer ces productions des graveurs et illustrateurs du XIXe et du début du XXe siècle dans leur cadre et de décrire le contexte sociopolitique mais aussi technique et d’en identifier les principales influences (anglaises et françaises). Mais cette période prolifique pour la narration graphique …