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Voilà un livre de belle facture, sur papier glacé (difficile à annoter), avec une iconographie généreuse, parfois inédite ou rare, souvent artistique et pleine page, dûment créditée en fin de volume, après un index précieux. Soit un livre qui se donne volontiers au destinataire qui veut faire un survol de lieux de la capitale du Québec et de sa région. À peu de mots près du titre de la grande histoire de Québec, Histoire de Québec et de sa région, en trois tomes, fruit de douze années de recherches, que viennent de publier l’INRS et Les Presses de l’Université Laval.

C’est donc dire que le livre de Lacoursière et Caron n’entre pas dans la même optique de survol historique. À part les deux très brèves introductions de chacun des auteurs, on ne sait d’ailleurs jamais qui a écrit quoi, pas plus que l’on ne connaît les sources précises des renseignements lus, sauf une bibliographie partielle par régions traitées. On y écrit sur « Cap-Rouge », « Sainte-Foy », « Sillery », « La région nord de Québec » (L’Ancienne-Lorette, Wendake, Charlesbourg), « Beauport », « La Côte-de-Beaupré » (Boischâtel, L’Ange-Gardien, Château-Richer, Sainte-Anne-de-Beaupré, Saint-Joachim, Saint-Ferréol-les-Neiges), « L’Île d’Orléans » (zoom sur chacune des six paroisses) et finalement, pour un peu moins de la moitié du livre, sur « La ville de Québec ». Les auteurs subdivisent ce huitième chapitre en trois parties, soit le Québec des murs, les faubourgs Saint-Louis et Saint-Jean-Baptiste et la basse-ville, cette dernière n’abordant guère l’histoire de la ville ouvrière et populaire. À la fin de chaque chapitre, sont retenues et décrites quelques personnalités ayant marqué les endroits évoqués, surtout des hommes.

Le livre se présente comme centré sur les lieux plutôt que sur les événements. Il s’agit de partir d’eux pour en arriver aux faits comme le précise Jacques Lacoursière. Cela explique que tout commence avec Cap-Rouge, premier lieu de colonisation sous Cartier, le livre allant ensuite de lieu en lieu, dans la suite spatiale indiquée plus haut. À sa manière, le canevas rappelle un peu les livres documentés de la petite histoire d’un Pierre-Georges Roy, sauf que l’unité des têtes des huit chapitres regroupe les sujets. À partir d’un lieu général, les auteurs en retiennent d’autres qu’ils documentent. Ainsi, « Sillery » retient la maison des jésuites, le Bois-de-Coulonge, l’église Saint-Michel, l’avenue Maguire, Cataraqui et le collège Jésus-Marie. Après une brève introduction générale, ce modèle se reproduit d’un chapitre à l’autre. C’est un peu comme si l’ouvrage se faisait selon la documentation disponible. Pourquoi avoir retenu le collège Jésus-Marie plutôt que celui de Bellevue ? C’est à la discrétion des auteurs, devons-nous comprendre, qui invoqueront l’importance des lieux retenus.

Certes, le lecteur apprend bien des choses lecture faisant, mais qui en sait déjà beaucoup risque de rester sur sa faim car il y a forcément quantité de vides. Prenons le chapitre huit sur « La ville de Québec », par exemple : on y parle de douze églises et chapelles, mais aucunement de Saint-Sauveur, quartier populaire rempli d’histoire depuis Boisseauville, histoire évoquée aussi par Roger Lemelin au pied de la pente douce et de la Côte de l’Aqueduc qui faisaient les « soyeux » et les « mulots » du pied du cap. N’eût été du dernier texte sur le cimetière Saint-Charles, la basse-ville de Québec s’arrêterait au boulevard Langelier, cette basse-ville traversée d’est en ouest par la rue Saint-Vallier typiquement méandreuse, la Vaugirard de Québec. Pourquoi avoir retenu autant d’églises (24 en tout pour le livre), excluant Saint-Sauveur ou Saint-Charles de Limoilou, et son beau monument conventuel des capucins, dans le quartier populaire des chansonniers Brousseau ou Lelièvre ? Les références littéraires sont d’ailleurs minimales. Pourquoi aussi parler du monument aux religieuses enseignantes, rue des Jardins, sans signaler celui aux frères enseignants, rue Chauveau, ces humbles constructeurs de l’enseignement supérieur dont il n’est jamais question même quand on parle du nouveau campus de Laval dont ils donnèrent en partie le terrain ? Surtout qu’en signalant avec raison en ce sens, pour les filles, le travail de soeur Marie-des-Anges (Angèle Kirouac) et des soeurs de Jésus-Marie, il aurait été facile d’évoquer Marie-Victorin, son savant frère né à Québec, avec qui elle correspondait.

Quoi qu’il en soit et au-delà des attentes du lectorat devant un sujet aussi ambitieux en si peu d’espace, il faut souligner le grand savoir des auteurs et l’aspect pratique d’un tel ouvrage qui documente beaucoup de lieux, d’édifices et de maisons de Québec et de sa région. Un livre qui garde surtout mémoire du passé, souvent hanté par la « conquête » (sic), mot récurrent, évoquant même les « vaincus », où le Québec est constamment vu dans son syntagme de « province de… ». Comme à l’image de la photo ouvrant le chapitre sept sur « L’Île d’Orléans », où figurent des silos modernes d’une agriculture industrielle, qui arborent un drapeau du Canada en plein ciel bleu, évocation si lointaine de la finale du « Tour de l’Île » de Félix Leclerc chantant la venue possible d’une terre historique souveraine !