Comptes rendus

Diane Vincent, Olivier Turbide et Marty Laforest, La radio X, les médias et les citoyens. Dénigrement et confrontation sociale, Québec, Nota Bene, 2008, 206 p.[Notice]

  • Madeleine Pastinelli

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Quatre ans après la parution d’un ouvrage de Diane Vincent et Olivier Turbide consacré au style radiophonique de certains animateurs de radio extrême, les deux chercheurs, auxquels s’est jointe Marty Laforest, récidivent avec Radio X, les médias et les citoyens, un livre cette fois-ci exclusivement consacré à ce phénomène que fut la station CHOI-FM, plus particulièrement l’émission de son animateur vedette et le tapage médiatique qui entoura les différentes sagas politiques et juridiques dans lesquelles fut impliquée cette station en 2004. Abordant un corpus de données composé d’enregistrements de l’émission en question, de textes de presse relatifs à celle-ci, de blogues et de sites Web, les auteurs s’appliquent à éclairer non seulement les procédés langagiers et discursifs des animateurs de CHOI, mais aussi la résonnance, les effets et l’impact de leurs propos sur les discours qui se tiennent dans l’ensemble de l’espace médiatique québécois. D’entrée de jeu, je dois avouer que j’ai le plus souvent une grande admiration pour les travaux faits par les linguistes, cela parce que si leurs analyses s’avèrent éclairantes, il faut bien dire qu’elles reposent couramment sur des méthodes qui m’apparaissent comme fastidieuses, surtout lorsqu’il s’agit de passer des mois à compter des mots, des occurrences, à trier des qualificatifs, les classer, etc. Et c’est bien d’un travail de cet ordre dont il est ici question, les analyses présentées dans cet ouvrage s’avérant d’une grande rigueur et débouchant sur des conclusions tout à fait intéressantes. Bien que l’ouvrage réunisse un ensemble de travaux distincts (dont deux chapitres que Vincent et Turbide cosignent respectivement avec Catherine Villeneuve et Annie Bergeron), celui-ci n’en est pas moins doté d’une bonne cohérence d’ensemble, les chapitres s’enchaînant assez logiquement les uns à la suite des autres. Les auteurs procèdent d’abord à une brève présentation du genre radiophonique en cause, qui permet de replacer la station CHOI-FM dans le contexte d’un phénomène plus vaste, apparu d’abord aux États-Unis. Le premier chapitre est également l’occasion de faire un rappel de l’histoire de l’émission de Jeff Fillion et de fournir au lecteur quelques repères sur les notions de liberté d’expression et de liberté de presse comme elles s’appliquent dans le contexte juridique canadien. Le deuxième chapitre de l’ouvrage se penche sur les procédés utilisés par les animateurs pour dénigrer différents individus, mais aussi – et c’est ce qui fait tout l’intérêt de la démarche – sur les échos de ces pratiques de dénigrement tels qu’ils se manifestent dans les propos des auditeurs de la station autant que dans ceux de ses opposants. La démarche permet pour l’essentiel de montrer que les mêmes procédés de dénigrement sont utilisés par les uns et par les autres, chaque camp discréditant l’adversaire par le recours à des procédés semblables, dans une dynamique qui s’emballe et prend la forme d’une « spirale de violence verbale ». La résonnance des propos de l’animateur vedette de CHOI-FM dans l’ensemble de l’espace médiatique est également abordée dans le chapitre 5, cette fois sous l’angle de la manière dont ces propos circulent et sont repris dans d’autres médias. La démarche permet essentiellement de montrer que les propos dévalorisants de l’animateur suscitent quantité de discours dans l’espace public et que, peu importe ce qu’en disent ceux qui en parlent, ceux-ci sont amenés, pour en parler, à reproduire les propos en question sous une forme ou une autre. Ces deux chapitres supportent en fin de compte très bien l’une des conclusions des auteurs suivant laquelle les propos tenus sur les ondes de cette radio sont de nature à déboucher, à l’échelle de l’ensemble social, sur une banalisation du dénigrement et de l’injure, parce qu’ils …