Comptes rendus

Alexandre Stefanescu (dir.), René Lévesque. Mythes et réalités, Montréal, VLB éditeur, 2008, 249 p.[Notice]

  • Anne Legaré

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La lecture de cet ouvrage, qui rend compte des échanges qui ont eu lieu à Montréal le 23 novembre 2007, rappelant le décès, vingt ans plus tôt, de René Lévesque, représente une rare synthèse des interrogations que son action a suscitées. Plusieurs contributions de cet ouvrage apportent un éclairage approfondi pour tous ceux qui s’interrogent sur les transformations du Québec par suite des objectifs qu’il lui a fixés. L’ouvrage cerne avec justesse l’ensemble des questions, des problèmes, des interprétations de cet héritage. Le livre est accompagné du CD d’un discours inédit de René Lévesque, prononcé en la salle du Gesù le 9 mai 1964, adressé aux étudiants du Collège Sainte-Marie et dont l’enregistrement est impeccable. Ce document suffit à lui seul pour comparer le destinataire du projet de Lévesque au projet identitaire qui taraude le mouvement souverainiste aujourd’hui. De plus, on comprend que Lucien Bouchard a su respecter, sinon imiter, le ton oratoire fort modeste qui caractérise René Lévesque, gage de son succès. Le colloque et le livre sont construits autour de quatre principaux thèmes : les mythes et réalités qui façonnent l’image de René Lévesque, puis les influences qu’il a subies et l’héritage qu’il a laissé et, enfin, l’interprétation de son engagement social et national. Aux fins de cette brève étude, je m’en tiendrai aux enjeux les plus discutés, laissant injustement de côté plusieurs contributions qui font aussi la qualité de ce livre. C’est pourquoi, en respectant l’ordre d’exposition de ces textes, je mettrai l’accent sur ce qui me paraît ouvrir davantage sur les débats actuels. En guise de mise en bouche, un texte de Daniel Jacques aura un effet d’interpellation, même si c’est sur un mode refroidissant. Jacques propose par fines touches une critique de l’« impuissance à penser l’histoire » de celui qui, au soir du premier référendum, ne saisissant pas le caractère sacré de cet acte politique, a entraîné l’incapacité des souverainistes à penser cette défaite. Jacques précise que le premier référendum « ne devait pas être utilisé comme un instrument de la politique ordinaire, réutilisable à volonté, rechargeable à perpétuité » (p. 26). Cette seule problématique, non reprise dans la suite des exposés, pose dans des termes nouveaux le poids intrinsèque de l’échec dans la logique éternelle de recherche de « plénitude politique » qu’est la souveraineté. Éloignée de tout souci stratégique ou tactique tel celui qui a dominé abusivement l’imaginaire de cette quête, cette pensée amène à dépasser les évidences rationalistes qui caractérisent souvent les analyses politiques et engage un rapport à l’histoire débarrassé de volontarisme, ce qui permet de nommer ce qui n’a pas encore été nommé. Un ensemble de textes interrogent le rapport de Lévesque à la social-démocratie, puis au nationalisme. Là aussi, des pièces maîtresses dépassent la routine des représentations habituelles. Serge Denis offre un très long développement sur le rapport de Lévesque au mouvement ouvrier dans le cadre de l’histoire internationale de ce mouvement. Cette méthode présente un double avantage, celui d’extraire la réflexion de son localisme tout en rappelant, comme il se doit, les profondes transformations de la social-démocratie au cours des cinquante dernières années (surtout en Europe), permettant ainsi de soustraire la critique des réformes de Lévesque à un cadre figé de nature appropriée. Denis peut ainsi aborder l’action de Lévesque en faisant ressortir sa spécificité en contexte nord-américain. Il évite d’accabler son parti d’interprétations inappropriées qui le soumettraient au déterminisme d’un parti ouvrier inexistant. Ce texte d’une trentaine de pages, souligne le double caractère de l’engagement de Lévesque : « […] à la fois simple et complexe. Simple, parce que René Lévesque ne présenta jamais la démarche …