Pour les cinquante ans de Recherches sociographiques[Notice]

  • Simon Langlois

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  • Simon Langlois
    Rédacteur

« Notre société est peu connue » lit-on dans l’article liminaire du premier numéro publié au moment où la Révolution tranquille prenait son véritable élan. Ce n’est plus le cas en 2009. Avec le recul, Recherches sociographiques peut s’enorgueillir sans fausse modestie d’avoir largement contribué au développement et à la diffusion de connaissances scientifiques sur la société québécoise et ce, par son orientation pluridis-ciplinaire qu’elle n’a jamais abandonnée. S’y retrouvent pas moins de 1 002 articles et notes critiques – ainsi que plusieurs milliers de comptes rendus d’ouvrages – qui constituent un capital de connaissances accumulées, maintenant disponible en ligne pour consultation facile partout sur la planète. La perspective de la revue sur le Québec est celle de la sociographie. C’est là le créneau qui a fait son originalité dès le départ, mais aussi sa grande utilité, sa pertinence dans la cité. Connaître le monde qui est le nôtre, étudier avec méthode la société dans laquelle nous vivons s’imposent comme une nécessité pour orienter l’action collective, éclairer les débats d’idées. La revue va donc continuer d’occuper ce créneau de la recherche sociographique et de la diffusion de connaissances scientifiques sur la société québécoise. Les vocables sciences et scientifiques ont en effet été dès le départ accolés à la sociographie qu’entendait pratiquer Recherches sociographiques en 1960. À notre époque tentée par le relativisme, il faut réaffirmer cette orientation, ce choix de publier des connaissances empiriquement fondées, des savoirs solides. À l’encontre de cette approche, les relativistes soutiendront que « tout savoir est teinté d’idéologie » ou encore, que « la science n’est pas neutre ». Cette critique doit être rejetée. La science se distingue de l’idéologie en ce qu’elle explicite les règles du jeu qu’elle suit, qu’elle précise ses méthodes, qu’elle formalise ses bases théoriques, qu’elle soumet à examen par les pairs les conclusions et interprétations qu’elle tire des données. « Les limites de la raison d’un savant, ce sont les raisons d’un autre savant » écrit fort justement Maxime Parodi (La modernité manqué du structuralisme, Paris, PUF, 2004, p. 163). Georg Simmel explique que le savant, comme tout être humain, commet des erreurs, notamment en acceptant des propositions implicites déterminantes et parce que ses moyens sont limités. La révélation de ces erreurs et de ces implicites, loin d’engendrer le scepticisme du relativiste, conduit plutôt « à l’accès progressif à la vérité » dont parlait Karl Popper. C’est dans cet esprit que Recherches sociographiques maintient – et a développé encore davantage ces dernières années – l’examen critique des travaux faits dans la cité savante. Les notes critiques, les symposiums critiques et les comptes rendus consacrés à l’examen de la production de plus en plus abondante sur le Québec sont reconnus comme des marqueurs identitaires de notre revue. La sociographie pratiquée dans la revue a toujours été pluridisciplinaire. On consultera les sommaires des dernières parutions ou la liste des comptes rendus publiés pour s’en convaincre. À l’heure de la spécialisation grandissante et des savoirs de plus en plus pointus, la perspective pluridisciplinaire s’impose encore et toujours pour comprendre et interpréter notre société. L’article liminaire du premier numéro de Recherches sociographiques formulait le souhait de publier davantage d’études comparées avec d’autres sociétés. Cette orientation n’a pas inspiré autant de travaux qu’on l’aurait souhaité. La revue a bien publié en 2002 un numéro spécial dans cette perspective – Au Québec et ailleurs : comparaisons de sociétés – mais il y a eu finalement assez peu de véritables études comparées dans nos pages, mis à part ce numéro spécial. Il y a là une lacune qui mériterait d’être comblée dans les années à …