Comptes rendus

Marie McAndrew, Micheline Milot, Jean-Sébastien Imbeault et Paul Eid (dirs), L’accommodement raisonnable et la diversité religieuse à l’école publique, Éditions Fides, Montréal, 2008, 295 p.[Notice]

  • Leah Bassel

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Cet ouvrage présente 18 interventions des journées d’étude organisées par la Chaire de recherche du Canada sur l’Éducation et les rapports ethniques et le pôle « Religion et ethnicité » du Centre d’études ethniques des universités montréalaises sur la question des « accommodements raisonnables » et, plus généralement, la place de la diversité religieuse dans les normes et pratiques de l’école et de la société québécoises. L’ouvrage a pour mission de nourrir une réflexion nuancée et complexe chez les personnes intéressées à la prise en compte de la diversité religieuse à l’école publique. Il cible trois questions: pourquoi, jusqu’où et comment accommoder ? Les réponses sont riches et multiples, avec des contributions universitaires au carrefour des disciplines scientifiques telles que le droit, la sociologie, les sciences de l’éducation, la philosophie. Mais la force de l’ouvrage réside dans le mélange d’acteurs qui font entendre leurs points de vue. Au lieu de restreindre la discussion au champ universitaire ou au domaine des experts de politique publique, le livre réussit à créer un espace de discussion qui fait entendre des voix croisées. Les experts scientifiques analysent le contexte juridique, sociologique et institutionnel en pleine mutation et aussi la situation québécoise au-delà de l’école, notant les écueils à éviter. Les acteurs du terrain (directeur d’école, animateur de vie spirituelle, président d’un organisme représentant une communauté religieuse, conseiller en relations interculturelles) interviennent tout comme ceux qui affrontent des défis semblables en France, Grande-Bretagne, à Toronto. Les membres d’organismes représentant deux groupements religieux du Québec, les protestants et les juifs, s’expriment également. Ce mélange de perspectives permet de cerner l’écart entre théorie et pratique et de le creuser ; il montre qu’une compréhension solide de l’approche juridique est essentielle (cf. les contributions de José Woehrling et Solange Lefebvre) mais insuffisante si isolée (cf. les chapitres d’Emilio Panetta, Marie McAndrew). Le lecteur comprend qu’on ne peut pas faire abstraction de l’école et la réduire à une étude de cas où les questions d’accommodement sont soulevées. Plusieurs contributions analysent ce lieu de contestation mais aussi de dialogue et de compromis avec sa logique institutionnelle, sa hiérarchie et ses objectifs. Divers acteurs prennent la parole et expliquent les défis de leur travail et les différents partenaires impliqués : enseignants, gestionnaires, animateurs, agents de formation, directeurs d’école. Ainsi les étapes sont tracées entre le « haut », par exemple le jugement de la Cour suprême dans le cas Multani accordant le droit à un étudiant sikh de porter son kirpan à l’école sous conditions, et le « bas », les conditions concrètes dans lesquelles les « cas » émergent et les tentatives (réussies ou pas) de résolution au niveau local avant de passer par la voie juridique. Ici l’ouvrage bénéficierait d’une place accordée aux voix des étudiants eux-mêmes, les acteurs le plus directement concernés par les normes et pratiques énoncées dans ce volume et trop souvent absents de telles discussions de règle générale. Les contributions sont plutôt optimistes et consensuelles, peu critiques face aux institutions publiques. Il y a carence de discussion et débat sur la discrimination dite « structurelle » qui est imbriquée dans les institutions et qui peut agir même malgré la bonne foi des acteurs individuels, ce qu’on appelle « institutional racism » dans le cas anglais. Une contestation plus radicale des institutions est essentielle pour interroger l’exercice subtil et même inconscient du pouvoir au sein des institutions comme l’école, la police et les cours de justice. Selon certains, ces dernières ne peuvent pas jouer un rôle d’arbitrage ou de détection neutre parce qu’elles sont constituées par et impliquées dans les relations sociales inégales axées sur …