Corps de l’article
L’ouvrage publié sous la direction de Jean-Pierre Brun et Pierre-Sébastien Fournier vise à faciliter l’accès à un large public de certaines publications scientifiques de chercheurs de la Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail de l’Université Laval. Ce public intéressé par les enjeux contemporains de la santé et sécurité du travail (SST) retrouvera ainsi regroupés dans un seul document les résultats de travaux de recherche disséminés à travers la littérature scientifique et souvent moins accessibles. Pour présenter un intérêt supplémentaire, un tel regroupement doit toutefois être construit autour d’un fil conducteur qui dans le livre, s’articule autour des nouveaux enjeux de SST et des stratégies de prévention, soit les deux parties du livre composées chacune de cinq chapitres. Évidemment, un choix a été fait parmi l’éventail des problèmes de SST traités et certaines problématiques actuelles n’ont pas été abordées : travail des jeunes, travail féminin, travail des immigrants, etc. Il n’en demeure pas moins que les problématiques traitées sont de plus en plus l’objet de préoccupations importantes dans le domaine de la SST.
Les problématiques en émergence traitées dans le livre sont les risques psychosociaux (Vézina, Bourbonnais, Brisson, Trudel), le harcèlement psychologique (Brun, Kedl), la violence en milieu de travail (Dompierre, Gérard, Laliberté, Bégin), la conciliation travail-famille (Chrétien, Létourneau) et finalement, la sécurité dans les petites entreprises (Champoux, Brun). L’émergence de ces problèmes ne signifie pas que les risques plus traditionnellement associés aux accidents du travail et aux maladies professionnelles sont disparus des milieux de travail, mais elle témoigne de préoccupations plus récentes dans le domaine de la SST. Les transformations sociales et économiques imposent de nouvelles contraintes aux entreprises dont les travailleurs subissent les contrecoups. La compétitivité accrue, l’intensification du travail, les changements organisationnels et technologiques, l’individualisation des rapports de travail et la baisse des solidarités, pour ne nommer que ces dimensions, entraînent des effets négatifs que les entreprises ne peuvent plus ignorer. L’objectif de rendre les milieux de travail parfaitement sécuritaires est encore loin d’être atteint et cette partie du livre propose une intégration des préoccupations émergentes en SST à l’intérieur même de la gestion des entreprises. D’ailleurs, cette partie ne se contente pas de décrire les problématiques en émergence, mais elle propose également des pistes de solution pour régler ces problèmes.
La portion du livre qui s’intéresse aux stratégies de prévention porte plus spécifiquement sur le droit de retour au travail et l’obligation d’accommodement (Laflamme), le perfectionnement des compétences (Fournier), la formation pour éliminer les contraintes posturales (Montreuil, Laflamme, Brisson, Teiger), les interventions externes et l’influence du contexte de l’établissement sur l’implantation des mesures préventives (Baril-Gingras, Bellemare, Brun) et le transfert des connaissances (Laroche). Selon l’orientation qui s’en dégage, les stratégies de prévention ne sont pas circonscrites dans le temps, mais elles s’inscrivent plutôt dans un processus continu. La durabilité de la prévention ne peut être assurée par des mesures ponctuelles (par exemple, une formation ad hoc), mais elle doit plutôt s’intégrer à une démarche proactive qui doit tenir compte des transformations internes et externes que vivent les entreprises, que ce soit sur les plans technologique, organisationnel, économique ou social. En plus de s’inscrire dans un processus continu, les stratégies de prévention font appel à la mobilisation des ressources internes et externes pour que la SST soit réellement intégrée aux activités des entreprises et non plus traitée de façon isolée et inefficace. Un appel est lancé pour une révision des politiques publiques et des exigences légales en matière de SST. Le régime québécois de SST, orienté vers la prise en charge par les milieux de travail de leurs propres problèmes, montre une limite pratique importante dans le sens que les milieux les moins structurés ont souvent un plus haut niveau de risques, tout en disposant de ressources moindres et en faisant moins appel aux ressources externes.
Le livre étant un collectif d’auteurs, l’orientation générale de chacune des deux parties brièvement esquissée ci-dessus n’apparaîtra pas toujours évidente pour le lecteur. Celui-ci pourrait d’ailleurs s’intéresser à un chapitre en particulier puisque chacun apparaît comme une gestion par problème où les auteurs tentent de circonscrire les caractéristiques d’une problématique spécifique pour proposer des solutions possibles. L’introduction et la conclusion permettent toutefois d’établir les liens entre les différents chapitres que le lecteur aurait intérêt à consulter. Une constante se dégage d’ailleurs tout au long des chapitres, soit de traiter les différents problèmes sur un plan organisationnel et non strictement individuel avec des pistes de solutions qui peuvent intéresser non seulement les organisations, mais également les décideurs et la société en général. En rééditant des textes déjà publiés, le livre n’a pas la prétention d’apporter une contribution originale et supplémentaire à la connaissance scientifique dans le champ de la SST. Par contre, il s’inscrit dans une volonté manifeste d’apporter une valeur ajoutée en rendant plus accessibles les résultats de la recherche scientifique. Le transfert des connaissances et leur applicabilité dans les lieux de travail sont d’ailleurs au coeur de cet ouvrage et nous sentons bien la volonté des auteurs que leurs travaux contribuent à apporter des solutions durables aux problèmes de SST vécus par les travailleurs.