Comptes rendus

Patrick Imbert (dir.), Le Canada et la société des savoirs. Le Canada et les Amériques, Ottawa, Chaire de recherche de l’Université d’Ottawa : enjeux sociaux et culturels dans une société du savoir, 2007, 180 p.[Notice]

  • Yves Gingras

…plus d’informations

Voici un petit ouvrage collectif paru « à compte d’auteur » car il n’émane pas de presses universitaires ou commerciales mais directement de la « Chaire de recherche de l’Université d’Ottawa : enjeux sociaux et culturels dans une société du savoir ». Il est composé de trois articles précédés d’une brève introduction du titulaire de cette chaire, Patrick Imbert, qui signe aussi le premier chapitre intitulé « Société du savoir et transformations culturelles » qui forme près de la moitié de l’ouvrage. Le second de Robert Boily d’Inforex inc. porte sur les « Problématiques et défis liés au savoir scientifique et technologique à l’aube du XXIe siècle ». Enfin, le dernier chapitre signé par Pierre Lévy de l’Université d’Ottawa aborde la vaste question de la société du savoir et du développement humain à partir de sa propre conception de « l’intelligence collective ». Ce qui frappe le plus dans ce petit ouvrage est le haut degré de généralité des discours et la grande quantité et diversité d’auteurs qui sont cités sans que cela semble bien nécessaire car rien n’est approfondi et tout reste à la surface des choses et ressemble souvent à du « name dropping ». Par exemple, on peut lire « comme le souligne Pierre Lévy, un cortex cérébral interconnecté mondial se met en place » (p. 40). Belle métaphore mais qui ne dit pas grand-chose en fait. On y trouve peu de données sur l’ampleur réelle de cette société du savoir au Canada par exemple où l’économie réelle semble encore fortement liée aux ressources forestières et minières. Les quelques statistiques proposées ne sont que livrées sans analyse (p. 67-70). Le tout est en effet un amoncellement de descriptions diverses sans trop de cohérence. On y propose des définitions diverses, mais peu utiles, dont celle sur le changement donne une idée du ton du livre : « Le changement peut être envisagé comme lié au déplacement et à la rapidité, et visant l’expansion maximum vue comme accumulation, complexification et destruction créatrice » (p. 35). Autre exemple d’un discours qui ne dépasse pas les généralités et présente comme allant de soi les prévisions souvent superficielles des gourous qui s’amusent (et s’enrichissent) à prédire l’avenir : « Les richesses créées dépendent de plus en plus des productions liées à la cybernétique, aux biotechnologies, et à leur capitalisation dans des banques de données comme les séquences d’ADN. On assiste à l’universalisation de la sémiotisation du monde naturel… » (p. 37). Évidemment, en disant « de plus en plus », on est immunisé contre l’erreur, mais on ne donne aucune idée de l’ampleur exacte des contributions de ces secteurs à l’ensemble de l’économie. Et ce, d’autant plus que « cybernétique » est un terme très vague. On se demande après cela comment il se fait que les sciences sociales sont parfois perçues comme du verbiage… Le chapitre 2 aborde lui aussi des questions diverses sans trop d’ordre. L’auteur, qui présente davantage ses réflexions personnelles fondées sur quelques lectures de sources secondaires ou tertiaires, y donne même une liste des prix Ig Nobel, ces Nobel « ignobles » attribués aux auteurs de travaux scientifiques aux allures bizarres. Il aborde des sujets anciens comme les publications scientifiques et les fraudes mais sans trop se soucier des travaux des sociologues des sciences sur ces questions depuis des décennies. Enfin, au chapitre 3, Pierre Lévy présente son programme de recherche qu’il synthétise en un diagramme. Comme toujours dans ces schémas, les flèches joignent tous les éléments entre eux, ce qui montre bien que le monde est « complexe ». Ici « l’intelligence collective », placée …