Comptes rendus

Jacques Rouillard, L’expérience syndicale au Québec. Ses rapports avec l’État, la nation et l’opinion publique, Montréal, VLB éditeur, 2008, 385 p.[Notice]

  • Jean-François Tremblay et
  • Carole Gagnon

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Le syndicalisme québécois est riche, plural et non linéaire. Des contributions qui témoignent de la multidimensionnalité de l’action syndicale comme moteur du développement de la société et de l’émancipation des travailleurs sont non seulement bienvenues mais nécessaires. C’est dans cette lignée que s’inscrit manifestement l’ouvrage de Jacques Rouillard, L’expérience syndicale au Québec. L’auteur présente un bilan fondé sur l’analyse des rapports des syndicats avec l’État, de leur vision du nationalisme et de l’opinion publique à leur endroit. Ces trois thèmes circonscrivent les trois parties de ce recueil regroupant dix textes accompagnés d’une conclusion générale. D’entrée de jeu, l’auteur esquisse les grandes étapes des rapports du mouvement syndical avec le système politique. On considère d’abord l’action de représentation qui, dans ses structures d’intervention et ses revendications, témoigne de la prise de conscience des syndicats de l’insuffisance de la négociation collective dans l’entreprise et de l’importance de l’intervention étatique. En abordant le sujet de l’action politique partisane des années 1940, l’auteur dépeint la difficulté d’implanter dans un milieu catholique et francophone l’idéologie sociale-démocrate véhiculée par les partis fédéraux d’inspiration travailliste et l’échec, dans les années 1960, de la formation d’un parti autonome des travailleurs à l’échelle provinciale. L’avènement d’un tel parti aurait été contré par le Parti québécois dont l’orientation sociale-démocrate et le projet de société lui ont valu rapidement l’assentiment d’une majorité de syndiqués. Enfin, à la lumière de l’expérience de la participation à des organismes consultatifs, du corporatisme catholique et des sommets socioéconomiques, Rouillard explore l’implication des syndicats dans les décisions politiques, s’arrêtant notamment sur certains résultats peu fructueux de ces expériences néocorporatistes. Le regard sur les années 1950-1970 révèle le revers important essuyé par le syndicalisme québécois dans sa capacité à défendre les travailleurs et à façonner la société, en raison de l’effet conjugué de facteurs macroéconomiques. En s’intéressant à « l’ancêtre » de la Fédérations des travailleurs du Québec (FTQ), la Fédération provinciale du travail du Québec, Rouillard met en relief l’opposition idéologique entre syndicats internationaux et syndicats catholiques ainsi que l’antisyndicalisme et la menace de l’intervention accrue du gouvernement Duplessis dans le domaine social. L’auteur brosse également un portrait de l’instance qui représentait les syndicats internationaux auprès des pouvoirs municipaux à Montréal (1897-1920) et dont les revendications ont placé les assises de leur projet de société. En abordant la question du nationalisme, Rouillard identifie dans l’orientation de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) - Confédération des syndcats nationaux (CSN) trois périodes qui en délimitent l’expression : la première (1921-1960) témoignant d’un nationalisme canadien dans l’appui de la CTCC à l’indépendance politique du Canada face à la Grande-Bretagne et à l’égalité culturelle et linguistique des deux peuples fondateurs ; la seconde (1960-1980) traduisant un nationalisme axé sur le Québec dans le virage de la CSN vers la prédominance du français et l’idée de l’indépendance qui s’impose progressivement dans les années 1970 ; la troisième (1980-2007) révélant un nationalisme québécois qui s’affirme davantage dans un choix clair en faveur de la souveraineté du Québec dans les années 1990, option reléguée à l’arrière-plan dans les années 2000. Examinant les réclamations de la CTCC (1921-1960) et sa position sur l’autonomie provinciale en matière de politiques sociales, l’auteur note dès 1926 un changement de perspective où la défense et la protection des travailleurs priment sur la ferveur antiétatiste des débuts et la préservation de cette autonomie, pourtant revendiquée en relations du travail. Dans le positionnement des syndicats internationaux-FTQ à l’égard du nationalisme, Rouillard identifie trois phases : le discrédit (1897-1960) d’un nationalisme canadien-français associé aux valeurs du clergé catholique se traduisant dans la promotion du fédéralisme centralisateur et de …