Comptes rendus

Gilles Paquet, Gouvernance mode d’emploi, Montréal, Liber, 2008, 364 p.[Notice]

  • Francis Garon

…plus d’informations

  • Francis Garon
    Département de science politique,
    Collège universitaire Glendon,
    Université York (Toronto).
    fgaron@glendon.yorku.ca

Comment qualifier Gouvernance mode d’emploi de Gilles Paquet ? Une chose est sûre, l’auteur ratisse large. Il aborde plusieurs grands thèmes et enjeux de la gouvernance discutés dans divers types de littératures : l’évolution de la nature des relations entre le marché, les hiérarchies, les réseaux et les défis de coordination qui leur sont associés ; l’évolution des rôles respectifs des secteurs privé, public et social dans l’élaboration et la mise en oeuvre des politiques ; la question de l’architecture institutionnelle (la décentralisation et le fédéralisme fiscal) ; la théorie des organisations (apprentissage social et organisationnel) ; l’imputabilité et l’éthique dans un monde changeant, et bien d’autres. Plus spécifiquement, la thèse de l’auteur s’articule autour de l’idée que nous vivons dans un monde où « pouvoir, ressources et information sont vastement distribués » et dans lequel il n’y aurait plus vraiment de « maître du jeu ». En ce sens, et à l’instar de bien d’autres auteurs, il accrédite la thèse de la complexité toujours croissante des sociétés modernes et de la difficulté pour les acteurs de travailler efficacement autour de cette complexité. On parle d’un « double handicap », celui du « pluralisme contemporain » (identités fragmentées, demandes multiples, etc.) et de « nos capacités mentales inadéquates pour y faire face ». Ce double handicap mènerait donc à la « nécessité d’abandonner tout espoir de pouvoir s’en remettre à un leader ou à un État qui voudrait prétendre être le seul à tout ou à mieux savoir » (p. 18). Nous sommes également dans une approche qui vise le dépassement du « carcan scientifico-positiviste » dans lequel serait empêtrée la science sociale, pour refonder le tout dans une « approche gouvernance », qui allie pragmatisme et expérimentations, imagination et créativité, réflexivité et apprentissage collectif, et également courage d’agir, autant de la part des dirigeants que des citoyens. L’idée de mode d’emploi indique que la réflexion sur la pratique de la gouvernance d’aujourd’hui est affaire d’expérimentations, de développement de connaissances de « type delta » (savoir voir, savoir entendre, savoir sentir), d’essais-erreurs, d’intuitions et de reconstruction de logiques en apparence difficilement conciliables. L’ouvrage est découpé en trois parties, intitulées Outillages (six chapitres), Zones d’ombre (six chapitres) et Laboratoires (cinq chapitres). Reprenons ici certains éléments de chaque partie. Dans la partie Outillages, l’auteur part du principe que « les organisations qu’on veut gouverner sont des systèmes sociaux composés d’une structure, d’une technologie et d’un appareil théorique » (p. 39-40), ensemble de dimensions interreliées qui s’influencent mutuellement. Les chapitres de cette partie portent sur les différents types d’outils et d’arrangements institutionnels pouvant favoriser une meilleure gouvernance. Dans un chapitre sur la décentralisation, l’auteur avance que cette dernière rencontrerait des « blocages » – surtout au Québec – qui seraient dus à un « demi-siècle d’infantilisation du citoyen » et à un « dynamisme de conservation » empêchant le mouvement. Deux orientations sont alors proposées : « exorciser l’idolâtrie de la redistribution », qui va de pair avec la centralisation, et compter sur un « État transformé, un État dégraissé et flexible, un État stratège », capable d’assumer de nouvelles responsabilités d’animation. Les coupables habituels sont identifiés : « une certaine intelligentsia la dénonce puisqu’elle est condamnée à éroder le pouvoir de l’État… [et] les groupes d’intérêts qui profitent de l’ordre établi » (p. 47-48). L’e-gouvernance et les NTIC (chapitre 2) sont également au centre de l’approche de l’auteur. La nouvelle société de l’information a mené à un changement de contexte qui nous oblige à changer notre façon de voir et d’aborder les problèmes. C’est ainsi que, par exemple, on doit adapter la …