Notes critiques

Sinistres climatiques et défaillances technologiques : la nature se venge-t-elle ?Raymond Murphy, Leadership in Disaster. Learning for a Future with Global Climate Change, Montréal/Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2009, xi, 406 p.[Notice]

  • Louis Guay

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Que peut-on apprendre de la tempête de verglas de janvier 1998 ? Que nous enseignent les réactions sociales et institutionnelles à cet événement ? Si ces événements « extrêmes » sont annonciateurs d'autres qui risquent de se produire plus fréquemment dans un climat plus chaud, comment évaluer la dépendance des sociétés contemporaines aux systèmes techniques et leur confiance en leurs propres systèmes organisationnels ? Si la catastrophe n’est pas arrivée, à quoi cela est-il dû ? À un changement météorologique favorable, aux systèmes techniques qui ont tenu le coup, malgré les fortes pressions exercées sur eux, ou à la manière dont les organisations et les décideurs ont répondu à la situation d’urgence ? Ces questions sont posées dans un ouvrage remarquable de Raymond Murphy qui, jusqu’à tout récemment, était professeur de sociologie de l’environnement à l’Université d’Ottawa. Le titre peut, par un rapprochement avec leadership in disarray, semer l’ambiguïté. L’ouvrage ne conclut, cependant, pas que les leaders ont mal fait leur travail durant la crise et ont perdu leurs points de repère ; face à la crise, ils ont réagi de manière responsable. Des erreurs ont certes été commises et des zones sont demeurées longtemps après la tempête privées d’électricité, mais les organisations de gestion de crise ont réussi à réduire et à limiter les dégâts. Les dommages matériels ont été considérables, mais on a évité la catastrophe et la perte de vies humaines a été contenue : 18 au Québec et en Ontario, 17 aux États-Unis (p. 136). Ce qui est le plus intéressant dans cet ouvrage, c’est qu’il ne juge pas de l’extérieur ce qui s’est produit, mais essaie de comprendre de l’intérieur comment les choses se sont bousculées en interrogeant après coup les hommes et les femmes (bien que pas tous), qui ont été au-devant de la scène et qui ont pris des décisions souvent dans une zone qui leur était inconnue. Les leaders dont parle l’ouvrage sont bien sûr les élus (peu d’entre eux ont joué un rôle de premier plan, comme le premier ministre du Québec, qui a refusé d’être interrogé, le maire de Montréal, qui a accepté volontiers, ou le gouverneur de l’État du Maine, qui s’est prêté au jeu sociologique), les dirigeants des sociétés d’État comme Hydro-Québec et les organismes de la sécurité publique et civile. La région de Montréal a été la plus touchée, mais d’autres régions, dans le Maine, dans l’État de New York, dans l’est de l’Ontario, ont aussi été victimes du verglas et de ses conséquences coûteuses et désastreuses. L’enquête de Murphy est comparative, ce qui l’enrichit beaucoup. Elle permet de faire apparaître les similitudes et les différences. Une différence entre autres saute aux yeux. Alors que les États américains et l’Ontario ont été prompts à décréter l’état d’urgence, le Québec n’a pas senti le besoin de le faire, malgré une forte présence militaire venue en aide aux forces de l’ordre débordées. L’ouvrage est divisé en quatre parties. Il démarre avec une élaboration théorique qui emprunte à plusieurs domaines de la sociologie des risques et de l’environnement. Murphy y mobilise de nombreux auteurs et diverses approches pour comprendre les relations sociales à l’environnement. La deuxième partie relate ce qui s’est passé comme si on y était. Il s’agit d’un fil des événements précis et richement fourni en nombreux détails. Le livre aurait pu être plus généreux en images et photos. La troisième partie analyse les entretiens que l’auteur a pu recueillir auprès des décideurs au-devant de la scène. La dernière partie s’ouvre sur l’avenir et réfléchit sur les effets plus ou moins prévisibles des changements climatiques. Quelque part …

Parties annexes