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Le présent ouvrage s’avère une analyse approfondie des divers facteurs composant les mouvements nationaux écossais et québécois. À partir d’un ensemble d’éléments allant de la culture aux évènements politiques en passant par les idéologies qui ont guidé les revendications nationales de deux sociétés, l’auteure met en scène une étude comparative faisant preuve d’une certaine rigueur intellectuelle et factuelle. En n’essayant pas à tout prix de mettre en parallèle les nationalismes écossais et québécois, elle réussit à dépasser les liens approximatifs, voire sans fondements, entre le Québec et l’Écosse. À ce titre, l’identification des différences et des similarités jette les bases historiques de ces deux nationalismes, mais sans tomber dans la comparaison facile et forcée. Peu d’éléments échappent à cette étude qui traite tout autant de langue que de religion, d’économie que de politique. Fort instructif, ce livre ouvre des perspectives intéressantes sur une vision élargie des mouvements nationalistes contemporains en s’ancrant, certes, dans l’histoire spécifique de ces nationalismes, mais également en montrant indirectement l’évolution intrinsèque des mouvements d’indépendance.

Quant au contenu à proprement parler, notons dans un premier temps que la méthode employée, et fort bien explicitée au demeurant, comprend trois étapes, soit une analyse de contenu des manifestes des partis politiques et une analyse statistique comparative des études électorales et des sondages d’opinion de 1997 à 2001 lors d’élections au Canada ou au Royaume-Uni. La dernière étape se base sur des entrevues effectuées avec des acteurs politiques écossais et québécois. Cette triangulation méthodologique, pour ainsi dire, fait l’originalité de l’approche comparative, et ce, même si on peut s’interroger sur les effets de l’inévitable hiérarchisation entre ces différentes données sur les résultats obtenus. Qui plus est, en utilisant des données récentes, l’auteure en oublie parfois l’ancrage historique de ces deux nationalismes, d’autant plus que l’approche très science politique se fait bien sentir tout au long de ce livre. En mettant l’accent sur la culture politique en Écosse et au Québec, l’auteure fait de la perception de l’inclusion et de celle de l’exclusion les principaux outils analytiques de son investigation. Cette approche est utilisée dans le but de prendre la mesure des degrés d’ouverture et de fermeture des deux nationalismes à l’étude, et également d’en mesurer la potentialité d’inclusion. Classique dans son approche des déterminants d’ouverture et de fermeture du nationalisme, cette étude se penche sur l’impact des agents de socialisation (famille, système d’éducation, Église…) sur la nature même des nationalismes québécois et écossais. À ce sujet, on ne peut s’empêcher de penser au travail pionnier d’un auteur comme Vincent Lemieux ou encore à d’autres classiques des sciences politiques. Sans faire appel à ces travaux, l’auteure se situe dans cette mouvance, ce qui renforce, à notre avis, la rigueur de la démarche. Bien que merveilleusement bien structuré, probablement parce que découlant d’une thèse de doctorat, cet ouvrage n’en demeure pas moins porteur d’un a priori quelque peu agaçant : celui qui considère que le nationalisme est le fait des « petits peuples ou nations » (le mot est de nous) et que, par le fait même, les États-nations juridiquement constitués, le Canada et la Grande-Bretagne, pour rester dans les mêmes entités géopolitiques, n’entrent pas dans la même catégorie. Qui plus est, le ton même de l’ouvrage oscille entre cette prise de position latente et une certaine rectitude politique de bon ton. S’intéresser aux nationalismes des petites nations, ce n’est pas qu’en mesurer le degré d’ouverture, c’est aussi mieux saisir la dynamique à l’origine de l’apparition et de l’évolution de ces mouvements. Ce devait être l’un des objectifs de l’auteure que de saisir cette dynamique, mais à ce niveau l’exercice n’est pas totalement réussi. Peut-être que la présence d’une conclusion reprenant les aspects les plus importants aurait permis de mieux clarifier certains points.

Cet ouvrage n’est pas dénué d’intérêt, loin s’en faut. Sa structure, sa clarté et une certaine originalité dans le traitement de l’approche comparative en font un livre pertinent sous plusieurs aspects. La démarche, scientifique, pourrait s’avérer quelque peu rébarbative à ceux qui recherchent un ton plus essayiste et moins scolaire tel qu’on le retrouve dans d’autres livres publiés sur des thématiques connexes. Certains s’y retrouveront, d’autres pourraient juger cette démarche à l’aune d’un certain camouflage idéologique qui cherche plus à juger ces nationalismes des petites nations et les revendications qui en découlent. Quoi qu’il en soit, l’exercice n’est pas vain et ce livre mérite certainement que l’on s’y attarde, et ce, indépendamment de nos allégeances politiques et idéologiques. La tangente résolument science politique comporte bien évidemment ses bons et ses moins bons aspects, mais il n’en demeure pas moins que l’auteure fait preuve d’ouverture dans son utilisation d’auteurs moins directement associés à la science politique per se.