Comptes rendus

Jacques Roy, Entre la classe et les mcjobs. Portrait d’une génération de cégépiens, Québec, INRS – Les Presses de l’Université Laval, 2008, 140 p. (Regards sur la jeunesse du monde.)[Notice]

  • Louise Corriveau

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Ce livre est un prolongement d’un rapport de recherche, publié en 2008, sur le travail rémunéré et la réussite scolaire chez les cégépiens. À partir de ce « socle premier », Roy élargit la perspective et veut inscrire ce portrait des cégépiens dans ce qu’il appelle « une perspective générationnelle ». L’auteur souhaite mieux faire connaître la réalité des cégépiens et déboulonner les mythes et préjugés dont seraient victimes les jeunes, préjugés qui seraient d’ordre générationnel. Dans le premier chapitre, à partir d’une revue de la littérature, l’auteur développe la thèse de l’existence d’« un fonds commun teintant les valeurs, les comportements, les habitudes de vie et les aspirations d’une génération donnée ». Dans le cas de nos collégiens, ce fonds serait marqué par deux traits contextuels, soit la mondialisation et la révolution numérique, et par cinq traits générationnels. Une vie marquée par de multiples transitions dans la vie personnelle et professionnelle due à la rapidité des changements est le premier trait auquel s’ajoutent la non-contestation de la société et de ses règles au profit d’une recherche d’intégration et de mobilité sociale, le travail atypique, la désynchronisation des temps sociaux où travail et étude se chevauchent et, finalement, la relativité des valeurs ou l’éclatement des courants sociaux et culturels. On peut avoir des réserves sur certains de ces traits ou leurs illustrations. Par exemple, faut-il voir les changements de programme que font les étudiants comme la preuve d’un cheminement non linéaire ou comme le fait que, depuis toujours, le cégep assume une fonction d’orientation professionnelle ? Notons aussi la faible résonance de ces traits dans le reste du texte. Par ailleurs, même s’il affirme ne pas réduire l’identité des cégépiens à leurs seules caractéristiques générationnelles, ce point de vue traverse tous les chapitres du livre et la construction et l’interprétation des données, laissant de côté d’autres aspects qui auraient été très pertinents, particulièrement les références au milieu social. Le deuxième chapitre décrit le profil général des cégépiens à partir d’un sondage (échantillon de 1 729 étudiants de 51 collèges sélectionnés de façon aléatoire en tenant compte des secteurs d’études, de la répartition sur le territoire du Québec et du type d’institutions, privées ou publiques, etc.). Nous devrions plutôt les appeler « collégiens » puisque l’échantillon comporte des élèves des collèges privés (5 %). Outre la description des variables sociodémographiques habituelles (âge, sexe, programme), l’auteur dresse des « profils » construits à partir de mesures d’association : étudiants bénéficiant du soutien parental, déterminants familiaux de la réussite, étudiants peu ou pas satisfaits d’eux-mêmes, étudiants déprimés. Roy montre l’importance de la famille pour les collégiens et le rôle déterminant de celle-ci dans la réussite et la persévérance scolaire. C’est là un apport très intéressant. On peut regretter cependant de ne voir que très rarement le poids de certains facteurs, comme la scolarité de la mère ou l’encouragement de l’un et l’autre des parents, dans la réussite et la persévérance. Il en sera malheureusement de même à travers tout le livre. Ainsi, parmi les 16 caractéristiques d’un étudiant déprimé, certaines auraient-elles plus de poids, comme de mauvaises conditions de travail ou moins d’appui des parents au plan financier ? La méthode choisie, déterminer des caractéristiques générationnelles, semble exclure ce type d’analyse et, un peu partout, provoque un malaise. Le chapitre sur les valeurs est construit sur le même modèle. Cette fois, le poids de chacun des énoncés est présent. Ici, c’est l’interprétation des données qui cause problème. Là où Roy voit une cohérence dans les valeurs des collégiens, j’y vois de la dispersion. Aucune valeur nommée par ceux-ci ne dépasse 50 % des …