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Dès les premières lignes de l’ouvrage Scandales politiques. Le regard de l’éthique appliquée le lecteur ne peut être qu’enchanté. L’approche proposée est novatrice et pourrait constituer un outil des plus intéressants pour les intervenants en éthique, appliquée. En effet, l’idée de vérifier si, par-delà l’agent pointé du doigt, on ne trouverait pas un contexte organisationnel déficient et ultimement, une nécessité de développer un modèle de management des risques éthiques est totalement rafraichissante. Le cadre général proposé, c’est-à-dire celui de faire émerger des archétypes comportementaux, culturels et structurels propres aux scandales politiques est des plus stimulants. Cependant, une fois la lecture terminée, nous ne pouvons que constater que la marchandise n’a pas été livrée. En effet, la démonstration n’est guère convaincante.

Tout d’abord, il faut comprendre que cet ouvrage ne fait qu’un survol rapide de six scandales politico-administratifs canadiens et québécois (scandale des commandites, Shawinigate, l’affaire Radwanski, Oxygène 9, le cas Frigon et M3i). Scandales politiques. Le regard de l’éthique appliquée comporte de nombreux défauts, dont des sections d’analyse et de synthèse beaucoup trop courtes. Cependant, les failles les plus importantes se situent au plan méthodologique, car ces dernières ont des répercussions considérables sur la qualité du travail final. Ainsi, très peu de détails sont donnés au sujet de la méthodologie utilisée et plusieurs lacunes sont à souligner (il manque parfois des dates dans les notes en bas de page, l’ouvrage ne comporte aucune bibliographie, etc.). Les quelques notes en bas de page laissent croire que la presse écrite et les publications gouvernementales sont les sources fondamentales de cet ouvrage. Il est d’ailleurs étonnant de constater qu’aucun entretien dirigé ou semi-dirigé ne semble avoir été réalisé, et ce, en sachant qu’au début de l’ouvrage les auteurs ont posé leur conception ontologique des scandales comme étant des phénomènes sociaux et culturels complexes. Dès lors, comment peuvent-ils comprendre la réalité sociale et culturelle complexe des organisations qu’ils étudient ? Et surtout, comment pourront-ils ultimement fournir un outil pour les intervenants en éthique sur le terrain en ne livrant aucun renseignement sur leur méthode de travail ?

Après la lecture des six chapitres de ce livre, qui sont parfois redondants et de qualité inégale, un défaut d’ailleurs souvent reproché aux ouvrages collectifs, les conclusions nous laissent sur notre faim ; en effet, elles ne sont pas des plus étonnantes. Les conflits d’intérêts ou l’apparence de conflits d’intérêts se retrouvent au coeur de tous les scandales étudiés, il y a souvent de l’ingérence politique importante dans les dossiers étudiés, un laxisme en matière de surveillance est souvent observable, l’entourage des élus est une zone à risque et, à l’intérieur des organisations, c’est le service d’acquisition des biens et services ainsi que celui d’autorisation et de vérification des dépenses qui sont les plus exposés ; enfin, la nomination est une situation considérablement à risque, etc... Bref, aucun apport majeur à la littérature.

En fin de compte, cet ouvrage en apparence très prometteur est quelque peu décevant. Il s’apparente beaucoup plus à un travail de type exploratoire qu’à un véritable travail de consolidation théorique ou de développement d’une méthodologie d’intervention. Cependant, Scandales politiques. Le regard de l’éthique appliquée présente brièvement plusieurs grands scandales qui ont occupé une place importante dans l’actualité québécoise et canadienne des dernières années. Dès lors, le livre pourrait intéresser les membres du grand public qui désirent parfaire leurs connaissances sur certains scandales politico-administratifs canadiens et québécois ainsi que les étudiants de niveau collégial ou de premier cycle universitaire en sciences humaines et sociales.

Nous attendons donc la suite de cet ouvrage avec impatience et nous espérons que, dans ce second tome, les auteurs pourront présenter en détail l’outil d’intervention en éthique appliquée au contexte organisationnel qu’ils auront développé. À ce moment, leur modèle de management des risques éthiques pourra fort probablement constituer un apport majeur à la littérature sur les scandales et dans le domaine de l’éthique appliquée.