Comptes rendus

Sébastien Vincent, Ils ont écrit la guerre, Montréal, VLB éditeur, 2010, 312 p.[Notice]

  • Jane McGaughey

Après que Hong Kong eut été prise par les Japonais en 1941, le signaleur Georges Verreault a été prisonnier de guerre jusqu’en août 1945. Hygiène déficiente, malnutrition et malaria : son expérience de la Deuxième Guerre mondiale a été complètement différente de celle des soldats canadiens qui ont combattu en Italie ou en Normandie. Dans Ils ont écrit la guerre, Verreault et le petit nombre d’autres soldats canadiens-français qui ont couché leurs souvenirs sur papier ont enfin une voix dans l’historiographie de la guerre. Après la présentation de ses sources, Vincent pose une question intéressante : quelle est la relation entre voir et savoir pour des gens qui ont combattu « au ras du sol », d’une part, et les historiens qui essayent de situer le passé dans un contexte plus large, d’autre part. Il n’y a pas de réponse univoque à cette question, mais elle continue à se poser dans tout le reste du livre. Les chapitres deux à cinq étudient principalement les conditions et les expériences des champs de bataille pour l’infanterie. Une des sections les plus remarquables est la discussion de l’odeur du champ de bataille, « un vaste charnier ». Ceci rappelle le travail d’Éric Leed sur le labyrinthe des fossés dans la Première Guerre mondiale, où les soldats ont vécu parmi les cadavres. L’air portant l’odeur de la bataille est bien présent dans la prose de Vincent. Beaucoup d’analyses portent sur les fantassins, et on peut se demander ce qu’il en est des expériences de la mort chez les aviateurs et les marins. De plus, quelles sont les différences entre la perception de la mort parmi les soldats canadiens-français et celle des autres Canadiens n’ayant pas été élevés dans le giron de l’Église catholique ? Dans certains cas, la prise en compte du genre aurait ajouté à la profondeur de l’analyse, notamment dans le bref examen de la sexualité parmi les soldats où l'auteur aurait pu s'interroger sur la masculinité chez les volontaires canadiens-français, particulièrement en développant la réflexion sur la prostitution, l’homosexualité et la masturbation, sujets pourtant abordés. Dans le même sens, l’esprit de corps souligne l’importance des confréries pour les soldats canadiens-français, venant d’une société plus patriarcale que leurs compagnons canadiens-anglais. Enfin, la plus grande critique que l’on peut adresser à Vincent est qu’il ne situe pas ses analyses dans des débats plus larges sur l’identité canadienne-française. Les sources doivent être évaluées non seulement pour leur mérite individuel, mais également pour ce qu’elles indiquent au lecteur au sujet des militaires du Québec, au-delà du contexte de l’histoire canadienne. De plus, en quoi les militaires québécois étaient-ils différents d’autres combattants, à part, bien sûr, la langue ? Il me semble que plusieurs des sources de Vincent indiquent des similitudes entre les soldats alliés et leur expérience de la mort, de l’emprisonnement et de la douleur. Le livre souffre de l’absence d’une définition concrète de la façon dont les soldats canadiens-français étaient différents de leurs contemporains et de ce qu’une telle différence pourrait avoir signifié dans l’expérience du champ de bataille.