In memoriam

Paul Bernard (1945-2011)[Notice]

  • Simon Langlois

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  • Simon Langlois
    Département de sociologie
    Université Laval

Né le 1er mars 1945, Paul Bernard est décédé à Montréal le 6 février 2011. Détenteur d’un doctorat en sociologie de l’Université Harvard (1974) sous la direction de Harrison Whyte, il a été professeur au département de sociologie de l’Université de Montréal durant toute sa carrière, jusqu’à sa retraite en juin 2010. La mort l’a arraché prématurément, non seulement à une retraite bien méritée, mais aussi à de nombreux travaux scientifiques qu’il avait encore le projet de poursuivre – à un autre rythme, mois effréné que celui avait été le sien jusque là – et à de nombreux engagements dans la cité, soucieux qu’il était de mettre ses connaissances et le savoir scientifique qu’il a contribué à construire au service de ses concitoyens. Vérité et pertinence – nous reprenons ces mots de Fernand Dumont – tels sont les deux grandes caractéristiques de l’oeuvre et du travail de Paul Bernard, tels sont les deux dominantes de son apport à la sociologie et à la société québécoise, jusqu’à son décès prématuré. Paul Bernard était en effet préoccupé de produire un savoir scientifique tirant profit de connaissances théoriques, mais aussi un savoir susceptible de fonder des relectures théoriques, comme l’avait enseigné Robert K. Merton, un auteur qui a marqué notre génération de sociologues. Il était par ailleurs préoccupé de mettre ses connaissances et découvertes en application, de les mettre à contribution pour la construction d’un monde meilleur, pour le développement social. Les savoirs qu’il a livrés, il les voulait pertinents pour l’avancement de sa société. À l’Université de Montréal, Paul Bernard a été influencé par la pensée et les enseignements de Jacques Dofny, alors intéressé par la sociologie du travail, le syndicalisme et les études sur les classes sociales et sur la mobilité sociale. Il a travaillé sur un grand nombre d’objets d’étude – inscrits dans le vaste champ de la stratification sociale – depuis la mobilité sociale, l’emploi et les professions, les classes sociales et les statuts sociaux, la pauvreté, la flexicurité, les inégalités sociales et de santé, les indicateurs sociaux et les statistiques sociales. Il s’est intéressé aux politiques publiques, à la mutation de l’État-providence, au développement social. Paul Bernard était aussi préoccupé d’épistémologie, de réflexions théoriques sur ses objets de recherche qu’il n’étudiait pas dans une étroite perspective positiviste. Paul Bernard a donné des travaux méthodologiques de premier plan, notamment sur l’analyse de la causalité en sciences sociales, une grande question qui animait les débats sociologiques dans les années 1970, pour laquelle il a toujours maintenu un intérêt comme le montre un article qu’il a fait paraître en 2007 dans Blackwell Encyclopedia of Sociology, « Social change and causal analysis », pour ne citer qu’une publication récente. Sa contribution a été importante sur ce plan dans l’enseignement au sein de son département universitaire, où il a contribué à former bon nombre d’étudiants en les initiant à la rigueur scientifique et en les associant à ses propres recherches empiriques. Dans les dix ou quinze dernières années de sa vie active, il s’était engagé à fond dans la promotion des « études de parcours de vie », une perspective à la fois théorique et méthodologie à laquelle il tenait fermement. Il en avait fait sa préoccupation permanente. Il dirigeait, avec la collaboration de Susan McDaniel, la préparation d’un numéro spécial de la revue Analyse de politiques sur les parcours de vie. Je l’ai côtoyé dans plusieurs comités et rencontres scientifiques – à l’Institut de la statistique du Québec, à Statistique Canada et au Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion (CEPE) du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale du …