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Ce livre est l’issu du colloque « De Mémoires à Territoire » organisé à la veille de la fermeture de la toute première exposition permanente du Musée de la civilisation du Québec (MCQ). C’est un ensemble de dix-sept communications réparties dans cinq thèmes, et se clôturant par une analyse d’ensemble et une bibliographie en rapport avec Mémoires.

Même si Yves Bergeron et Philippe Dubé affirment, avec raison, à la fin de l’introduction, que « les textes de ce recueil dépassent largement l’exposition Mémoires », force est de constater que tout a été écrit pour/sur Mémoires et autour d’elle. On pourrait dire que le recueil est une biographie de l’exposition montée à partir de divers récits livrés par des personnes détenant, chacune, des segments de l’histoire ou des histoires de vie de Mémoires. Il fait voyager le lecteur des origines de Mémoires aux valeurs positives ou négatives, autrement appelées leçons, de l’exposition.

Intitulée « Désirs de Mémoires », la première partie du recueil rappelle le contexte sociopolitique et muséal dans lequel fut conçu le MCQ, en général, et l’exposition Mémoires, en particulier. Ce n’est donc pas par hasard que cette section rassemble les textes des personnes ayant été directeur du MCQ (Yves Bergeron), membre de l’équipe (Raymond Montpetit), et chargé de projet (Philippe Dubé) de l’exposition dont il est question dans ce recueil. Outre le fait que le texte de Bergeron rappelle la genèse du grand projet de musée du gouvernement québécois qui remonte à 1967, il souligne également les facteurs ayant permis au MCQ de marquer les esprits à son ouverture en 1988. Pour Montpetit, Mémoires cristallisait « plusieurs enjeux caractéristiques de la conscience du Québec de la fin des années 1980 » (p. 26) et s’illustrait par son caractère interprétatif et de médiation.

La deuxième section qui a pour titre « Fabrique de Mémoires » est constituée de quatre contributions et se dessine comme la première, à travers une mise en évidence de certains points à retenir de l’exposition, parmi lesquels l’analyse de la sémantique du « concept de mémoire » et le rappel de quelques souvenirs de l’exposition (J.-P. Desaulniers). Les principes de départ, le cheminement, le foisonnement des messages, la perception de Mémoires et le poids des écrits tels Les lieux de mémoire de Pierre Nora et Philippe Joutard, qui ont orienté l’équipe du musée y sont évoqués (J. Mathieu). La contribution d’Andrée Gendreau traite des défis posés par la gestion des équipes et les modèles de recherches qui connurent le jour grâce à Mémoires.

Dans « Théâtre de Mémoires », Dany Vallerand promène le lecteur dans le contexte d’ouverture, la problématique, les objectifs, la démarche, les moyens mobilisés, la philosophie, le marketing. Mémoires aurait en effet servi d’outil de marketing auprès des dignitaires, révélant la société québécoise aux étrangers. Il replonge les lecteurs dans les années 1980, marquées par l’éclosion des politiques culturelles et la position critique de Jean Trudel, qui remettait en cause la compétence de l’équipe du MCQ. Le plan de de l’exposition Mémoires et les images se trouvant dans cette partie servent de supports mémoriels sur Mémoires. On y trouve l’analyse des codes mémoriels et discursifs de l’exposition. Le travail de décorticage des ensembles communicationnels et de conservation de l’exposition tant sur le plan matériel qu’immatériel, est fait par Jean Davallon. Annette Viel rappelle que le musée est un lieu de mémoire et d’interprétation et que Mémoires représente des trajectoires identitaires.

La quatrième partie, « Expérience de Mémoires », présente un ensemble de données fournies par des personnes ayant, d’une manière ou d’une autre, fréquenté l’exposition Mémoires. Lucie Daignault analyse le contenu du livre d’or, des données d’enquêtes et de groupes de discussion en rapport avec Mémoires. Le rapport que les guides entretiennent avec les visiteurs est analysé par Catherine-Cécile Dubuc. Pour elle, Mémoires touchait aux sensibilités de toutes les couches sociales de la société québécoise.

« Leçons de Mémoires », cinquième partie du recueil, est une sorte de rétrospective de Mémoires qui fait voyager le lecteur à travers les éléments ayant contribué au succès de l’exposition, les palliatifs trouvés à certaines lacunes et la réception. Une lecture critique de l’exposition y est réalisée par Cécile Sauvage sur la base des appréciations faites par les visiteurs. Les initiatives entreprises pour trouver une solution aux lacunes de l’exposition, n’ayant pas réservé de grandes plages à la vie des femmes, y sont élucidées (Marie-José des Rivières). Mais le recueil ne fait pas que l’éloge de Mémoires, la contribution de François Mairesse qui la met en parallèle avec les musées de renom d’Europe et d’Amérique, lui accorde une valeur minime et en présente le succès comme atypique et lié à la quête d’identité québécoise. Le recueil se termine par la synthèse de Philippe Joutard.

Pour conclure, l’on peut dire que Mémoire de Mémoires est le nouveau musée où est exposée et se conserve désormais Mémoires. Le recueil immortalise l’exposition dans le musée-livre en l’enrichissant d’ensembles scénographiques que constituent les différents thèmes dont les contributions forment les éléments muséographiques.