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La relation entre les entreprises publiques de mission commerciale et industrielle et l’État qui les crée est mal connue du citoyen et bien souvent lui semble contre nature ou, à tout le moins, ambiguë. Les débats entre les opposants à la création et au maintien de monopoles ou de quasi-monopoles de services publics et ceux qui y sont favorables posent la question de la pertinence de ce modèle de l’action étatique dans l’économie, tout comme ils soulèvent l’épineuse question de la rentabilité et de l’efficacité. Le cadre de référence étant, bien évidemment, toujours le même : la comparaison entre le secteur public et le secteur privé. Le choix d’Hydro-Québec par Roger Lanoue et Taïeb Hafsi comme cas d’étude est une décision judicieuse en raison de sa très grande proximité avec les modèles d’affaires privés.

Le mérite premier de cet ouvrage est de montrer qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre la finalité de rentabilité financière et la profitabilité sociale à condition que certains facteurs y concourent et, notamment, la gouvernance de l’entreprise. Pour les lecteurs auxquels le livre est destiné, le terme de gouvernance est davantage une expression populaire qu’une notion véritablement assimilée et comprise. Lanoue et Hafsi précisent et illustrent habilement ce concept par une narration bien informée de l’histoire de la plus importante des entreprises publiques du Québec. On voit clairement l’évolution du rapport entre l’organisme et son actionnaire unique au cours des quatre phases majeures de la croissance d’Hydro-Québec et, surtout, de quelle manière les principaux acteurs de cette transformation ont su naviguer dans les eaux toujours tumultueuses du changement.

Le lecteur appréciera aussi la dimension pédagogique de l’ouvrage qui se manifeste par dix recommandations pour le succès d’éventuels cas similaires. Ces recommandations touchent tous les aspects de la gestion d’une entreprise quelle que soit son univers d’appartenance, privé ou public. Si pour le chercheur la dimension historique est enrichissante, pour le praticien, la dimension prescriptive est sans nul doute porteuse d’enseignement. L’un et l’autre, malgré l’invitation faite au lecteur à ignorer la partie qui ne correspond pas à ses préoccupations, ont intérêt à lire l’ensemble de l’ouvrage pour en bénéficier pleinement.

D’un point de vue disciplinaire, ce livre, d’une ampleur plutôt modeste, n’apporte pas de connaissances nouvelles. Cela importe peu parce que son apport scientifique réside avant tout dans l’illustration de la mise en application de principes de saine gestion par des responsables qui ont su bien décoder l’évolution sociale, économique et culturelle d’une société.

En dépit de ses indéniables qualités, ce livre aurait été bien meilleur s’il avait été bien écrit. La facture de l’ouvrage est insuffisamment littéraire et pourrait décourager nombre de lecteurs, ce qui serait dommage. On pourrait souhaiter vivement une refonte du texte et une communication plus limpide. Mais cela demeure secondaire. Apprécions-le pour ce qu’il est : une leçon d’histoire administrative.