Comptes rendus

Michèle Dagenais, Montréal et l’eau. Une histoire environnementale, Montréal, Boréal, 2011, 306 p.[Notice]

  • Louis Guay

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L’histoire environnementale s’est développée au rythme de la multiplication des problèmes écologiques et de la complexité des questions écologiques. Le domaine est relativement nouveau au sein de la discipline historique, mais il connaît des heures de production intense. Les livres sur le sujet se multiplient ; les objets de recherche sont souvent locaux, sur des aspects particuliers de l’environnement, mais de grandes fresques historiques sont aussi écrites. L’historien J.R McNeill a, en 2000, publié une histoire environnementale du 20e siècle (Something New Under the Sun). D’autres auteurs sont encore plus ambitieux, proposant des histoires environnementales de l’humanité, comme Clive Ponting, un politologue (A Green History of the World, 1991, 2007) ou l’historien Donald Hughes (An Environmental History of the World, 2001). Dans un domaine particulier, le géographe historien Michael Williams a écrit une magistrale histoire universelle de la forêt et de son exploitation (Deforesting the Earth, 2003). Au Canada, pour ne prendre que deux exemples, Yves Hébert a publié une histoire des idées écologiques au Québec (Une histoire de l’écologie au Québec, 2006) et le géographe Graeme Wynn une histoire environnementale du nord canadien (Canada and the Arctic North, 2007). Ces oeuvres, couvrant de longues périodes historiques, comme tous les autres travaux d’histoire environnementale locale, contribuent à montrer avec force les effets des actions et des activités humaines sur la nature. Elles exposent aussi les changements dans les rapports entre sociétés et nature. Il va sans dire que l’histoire environnementale est une histoire sociale de l’environnement et qu’elle n’est pas une histoire de la Terre ou du climat sur la très longue durée, comme le beau livre de Pascal Acot Histoire du climat, 2004. Ce champ disciplinaire est maintenant bien établi depuis la création de deux revues scientifiques internationales, Environmental History (fondée en 1989) et Environment and History (fondée en 1995). Notons que la seconde a publié en 2004 un numéro spécial sur l’état des connaissances en histoire environnementale par grandes régions du monde ou continents (Afrique, Chine, Amérique du Nord, Australie, Europe), qui montre la richesse et la variété des études et des travaux dans un champ relativement nouveau de l’histoire académique. L’historienne Michèle Dagenais, qui a publié une étude sur l’administration montréalaise de 1900 à 1950 (Des pouvoirs et des hommes, 2000), poursuit ses recherches sur la région de Montréal en traitant, si j’ose dire, de l’eau. Son approche s’établit sur la longue durée : de la naissance de la ville à aujourd’hui, elle note que l’eau a toujours été à Montréal un atout, mais aussi un risque, voire un danger. Les inondations sont fréquentes, le fleuve est capricieux selon le rythme des saisons, la qualité de l’eau est souvent menacée. Il reste toutefois que les riverains du fleuve, des rivières et des lacs qui encerclent l’archipel d’Hochelaga ont été forcés d’apprendre à vivre avec les variations des niveaux de l’eau, avec la force de l’eau et avec les distances que les plans d’eau créent. C’est ce rapport à l’eau, un rapport social, à la fois économique, sanitaire, technologique et symbolique que l’auteure décrit avec brio. L’eau fait partie de la géographie de Montréal et de sa région. Souvent un obstacle ou une contrainte, elle est aussi une opportunité et un atout. La vocation portuaire internationale de la ville, bien qu’elle ait perdu en importance, est due au fleuve. La ville ne manque pas d’eau, c’est parfois même le contraire qui se produit. De plus, l’eau représente un défi technologique et sanitaire. Il faut franchir les rivières et le fleuve, en maîtriser …