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Les travaux et les intérêts de l’historienne de l’art Stéphanie Danaux, qui a récemment terminé un postdoctorat au Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoise (CRILCQ) auprès de Johanne Lamoureux et de Micheline Cambron de l’Université de Montréal, se situent au carrefour de l’histoire du livre et de l’histoire de l’art. Fort active dans le champ, elle a publié de nombreux articles scientifiques et a codirigé deux numéros thématiques, l’un dans Mens : revue d’histoire intellectuelle et culturelle avec Nova Doyon, l’autre dans Médias 19 avec Micheline Cambron. Dans cet ouvrage, issu de sa thèse de doctorat, Danaux nous présente l’évolution et les singularités du livre illustré francophone au Québec entre 1840 et 1940.

Pour mener à bien ce projet, l’auteure a rassemblé tout ouvrage littéraire comprenant au moins une illustration autre que la couverture ou de la décoration. Seule la photographie n’a pas été retenue. Au terme de cette recherche menée dans les archives, elle a ainsi constitué un corpus de plus de 250 livres illustrés, pour la plupart conservés à Montréal dans les collections de Bibliothèque et Archives nationales du Québec. S’appuyant sur la théorie de la médiation et la théorie des transferts culturels, Danaux considère non seulement « l’oeuvre en soi, mais l’oeuvre en situation, selon ses conditions de conception, de production, de diffusion et de réception » (p. 9).

Dix chapitres, regroupés en trois parties, composent l’ouvrage. Tous sauf le premier sont centrés sur l’action d’un personnage, artiste ou éditeur, qui a laissé sa marque dans le domaine du livre illustré. Dans la structure choisie, le 20e siècle se taille la part du lion : environ 200 pages sur 300 y sont consacrées, alors que la périodisation va pourtant de 1840 à 1940. Comme son titre l’indique, la première partie (p. 13-112) porte sur la naissance et l’essor du livre illustré (1840-1900). Le premier chapitre revient sur ces premiers moments, tandis que les deux autres sont des études de cas, respectivement sur Henri Julien et Charles Huot. La deuxième partie (p. 113-193) traite de l’« automatisation des pratiques (1900-1920) », autour de Cornélius Déom, Édouard Garand et Edwin Holgate. Enfin, la troisième partie (p. 195-304) traite de l’expérimentation et de la modernisation (1920-1940), Louis Carrier, Albert Lévesque (en deux chapitres, seule personnalité à bénéficier de ce traitement) et Henri Beaulac retenant alors l’attention de l’auteure.

Cet ouvrage est abondamment illustré : 120 images dont la qualité de reproduction est dans l’ensemble excellente. Cette iconographie abondante plaira assurément aux lecteurs, car elle permet de mieux apprécier le développement de la pratique de l’illustration au Québec. Elle nous laisse même sur notre faim, car bien des livres illustrés manquent forcément à l’appel. Il va sans dire que nous ne le reprocherons pas à l’auteure, car nous comprenons aisément combien certains choix éditoriaux ont pu être déchirants. Dans l’introduction, Danaux indiquait vouloir « raviver » par cet ouvrage la mémoire du livre illustré au Québec (p. 8). S’il nous est impossible de nous prononcer là-dessus, une chose est sûre toutefois : son ouvrage constitue une solide contribution à l’historiographie du livre et de l’art au Québec.