Comptes rendus

Guy Bélanger, Alphonse Desjardins, 1854-1920, Québec, Septentrion, 2012, 688 p.[Notice]

  • Jean Gould

…plus d’informations

Alphonse Desjardins, fondateur des caisses populaires, avait déjà 45 ans lorsque la première caisse populaire fut fondée à Lévis, en 1900 ; c’est en quelque sorte une oeuvre de maturité. À sa mort, en 1920, il y avait déjà, au Québec seulement, environ 140 caisses populaires actives. Il avait réfléchi longuement la formule de la caisse populaire comme caisse coopérative d’épargne et de crédit, à responsabilité limitée, selon le principe d’un membre un vote, et qu’il voulait voir ériger dans le cadre de la paroisse canadienne-française. C’est le fruit de plusieurs années de lectures sur les expériences des banques populaires françaises, italiennes et allemandes ainsi que des coopératives anglaises. En outre, il eut une correspondance suivie avec les grandes figures de la coopération européenne, canadienne-anglaise et américaine. Ce fruit a mûri à l’ombre de l’activité d’un pamphlétaire préoccupé tant de la question sociale que du progrès de l’industrie. Il fallait éviter la fuite de l’épargne vers la ville et le Canada anglais et ainsi la mettre au service du « développement local ». Les caisses devront ainsi inculquer la vertu morale de l’épargne, éduquer le peuple, pourvoir à l’indépendance économique des familles et relever le « prestige de notre race ». Conservateur en politique, Desjardins s’illustra au service du parti à la fois comme journaliste, propriétaire de journal, rédacteur de discours et orateur. Il devait au Parti conservateur son poste de sténographe français du Sénat, auquel il fut nommé en 1892 et qui lui procura ressources et loisirs. Conservateur social, il critiqua le libéralisme économique et ses fruits, le capitalisme financier, la concentration de la propriété, ainsi que l’antagonisme des classes sociales. À titre de membre de l’action catholique, il voyait dans l’association un rempart contre l’usure, l’immoralité, l’individualisme, la pauvreté, ainsi qu’un moyen de renouveler la famille, l’agriculture et la nationalité. En même temps, membre de la Chambre de commerce de Lévis, Desjardins courtisa les banques et les industriels pour les voir s’établir dans sa ville natale afin de contrer les effets du chômage et de la pauvreté dans les classes laborieuses et de donner du crédit aux petits commerçants. Lors des années de maturation de son projet de caisse populaire, Desjardins sera à la recherche d’un cadre législatif fédéral, à la fois pour protéger les sociétaires, les officiers et les gérants des caisses mais aussi pour étendre son oeuvre à tout le Canada français. Cette loi, pour laquelle il s’est battu à plusieurs reprises, lui échappera toute sa vie, entre autres à cause de la pression de l’Association des marchands du Canada. Il se contentera donc de deux lois du Québec pour asseoir de façon plus ou moins précaire les caisses populaires. Cette léthargie contraste avec l’empressement qu’ont mis certains États américains à légiférer pour encadrer la vie des caisses fondées dans les paroisses franco-américaines. C’est entre 1907 et 1916 que l’activité de Desjardins comme pionnier de la coopération de crédit et d’épargne atteint son apogée. Il participe à la fondation de 136 caisses populaires lors de nombreux voyages faits dans tous les coins du Québec, en Ontario et dans quelques villes industrielles de la Nouvelle-Angleterre. Selon ses notes, il aura parcouru plusieurs dizaines de milliers de milles. Il est un conférencier et un expert en demande tant auprès des paroisses, des associations de tout genre, que des gouvernements. Ses articles et ses notes sont publiés dans les journaux, mais aussi par l’École sociale populaire sous forme de brochures. Il s’entourera de collaborateurs choisis surtout dans le clergé, notamment des prêtres du collège de Lévis, un collège industriel, où il fut étudiant et professeur de sténographie. Sa famille, …