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Cet ouvrage collectif réunit des juristes qui connaissent bien le terrain sur lequel s’élabore aujourd’hui la réflexion sur la reconnaissance de l’adoption coutumière. Il rejoint des préoccupations très larges concernant les droits des Autochtones et les défis du pluralisme juridique, mais aussi l’enjeu de la réforme du régime québécois d’adoption amorcée depuis quelques années par le ministère de la Justice. Il est très accessible aux non-juristes et, dans son ensemble, constitue une introduction passionnante aux dimensions juridiques des revendications autochtones à l’égard de l’autodétermination.

L’introduction expose brièvement la situation de pluralité juridique pour les Autochtones au Québec et présente l’architecture de l’ouvrage, qui comporte trois parties. La première partie décrit les pratiques d’adoption coutumière chez les Inuits du Nunavik (M. Larivière) et les Premières Nations du Québec (M. Côté). Elle ouvre ensuite sur le repérage d’interfaces entre l’adoption coutumière et l’adoption légale, tenant compte du projet d’introduire en droit québécois l’adoption sans rupture et le partage et la délégation de l’autorité parentale (C. Lavallée). La deuxième partie aborde le droit international et les tensions qui opposent souvent le droit à l’autodétermination des peuples autochtones et les droits de l’enfant visé par l’adoption coutumière (M. Paré). Elle apporte les arguments juridiques soutenant la reconnaissance de cette dernière, tout en soulignant les limites posées par la Charte des droits et libertés de la personne (K. Montminy). Elle montre comment le cadre constitutionnel canadien protège l’autonomie du droit ancestral autochtone (G. Otis). La troisième partie traite des aspects concrets d’une reconnaissance de l’adoption coutumière : l’attribution du statut d’Indien à l’enfant adopté selon la coutume par l’administration fédérale canadienne (M. Reiher), le contexte d’émergence des demandes de reconnaissance au Québec et les exemples proposés par d’autres législatures canadiennes (A. Fournier) et, dans une perspective d’anthropologie juridique, les modalités de reconnaissance du don direct d’enfant dans la France d’outre-mer (G. Nicolau).

Le consensus qui se dégage de l’ouvrage est que la subordination coloniale de l’ordre juridique autochtone au droit étatique doit faire place à une coordination plus égalitaire respectueuse de l’altérité des peuples autochtones. Cela implique une mise en perspective des droits et libertés individuels et des droits de l’enfant, en accordant toute leur validité aux principes internationaux et constitutionnels qui soutiennent le droit des peuples autochtones à l’autodétermination et à la protection de leurs pratiques culturelles et de leurs institutions. Le droit québécois devrait donc s’abstenir de contrôler, restreindre ou réglementer le recours à l’adoption coutumière autochtone dans les dispositions visant à la reconnaître. Selon le court addendum qui conclut le livre, le projet de loi présenté par le ministre de la Justice en juin 2012 respecterait assez bien cette approche (Fournier, Otis et Lavallée). Il n’a pas été débattu et, depuis lors, une nouvelle version a été déposée. Lorsqu’elle sera soumise au débat parlementaire, cet ouvrage majeur constituera une référence incontournable pour développer une vision éclairée de l’avenir de l’adoption coutumière.