Comptes rendus

Nicole Rousseau et Johanne Daigle, Infirmières de colonie. Soins et médicalisation dans les régions du Québec, 1932-1972, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2013, 459 p.[Notice]

  • Éric Gagnon

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  • Éric Gagnon
    Centre de santé et de services sociaux de la Vieille-Capitale – centre affilié universitaire, Québec
    eric.gagnon@csssvc.qc.ca

Au début des années 1930, des infirmières furent envoyées dans les paroisses nouvellement ouvertes à la colonisation pour y assurer des services de santé. Sous l’égide du Service médical aux colons (SMC), 174 postes sont ainsi créés au fil des ans dans des dispensaires implantés dans diverses régions, principalement l’Abitibi-Témiscamingue, le Saguenay-Lac-St-Jean, le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie et la Côte-Nord. Pendant une quarantaine d’années, les infirmières de colonie ont offert un service médical aussi complet que possible, compte tenu de leurs ressources, et à un coût raisonnable pour les colons. Solution temporaire pour des régions où les médecins faisaient défaut, et économiquement avantageuse pour le gouvernement qui en assumait la plus grande partie des coûts, ce service d’urgence va être maintenu jusqu’à l’implantation de l’assurance-hospitalisation et l’assurance-maladie. C’est cette histoire que retracent Nicole Rousseau et Johanne Daigle dans une étude fouillée, basée sur des entretiens avec d’anciennes infirmières et les archives du SMC (principalement la correspondance), une histoire qui raconte leurs relations, et parfois leurs démêlés, avec les autorités gouvernementales et médicales, et qui s’attarde longuement sur leurs conditions de travail et la nature des soins dispensés. L’infirmière de colonie était d’abord sage-femme : assister les femmes en couches fut sa première mission. Elle prodiguait également des soins aux jeunes enfants, et traitait les blessures qu’on ne manquait de se faire dans un milieu où le travail forestier était important. Elle soignait les infections, les pneumonies et diverses maladies liées au froid, à l’insalubrité et aux déficiences alimentaires. Les extractions dentaires, l’enseignement hygiéniste, les petites chirurgies faisaient également partie de ses tâches. Lorsqu’elle n’était pas en mesure de traiter la personne malade, elle se transformait en ambulancière, recourant, selon le lieu, la saison et l’époque, au traîneau à chien, à l’attelage de bovins, au snowmobile, à la voiture, au bateau ou à l’avion. Dans des conditions souvent difficiles en raison de nos hivers, de l’éloignement et de la pauvreté des colons, elles vont ainsi aider de petites communautés, de 400 à 1 200 âmes, à faire face à la maladie et aux accidents. Si leur pharmacie est relativement bien pourvue pour l’époque, certaines auront aussi recours aux remèdes traditionnels et, si elles ont reçu une formation avant de partir pour la colonie, elles ne refuseront pas l’assistance et l’enseignement des sages-femmes. Les infirmières de colonie ont dû faire preuve d’une grande disponibilité, sollicitées à toute heure du jour et de la nuit pour se rendre au domicile des personnes ou les recevoir au dispensaire. Elles ont aussi dû faire preuve de courage, de polyvalence et d’imagination, afin de trouver une solution à toutes sortes de situations (comme bricoler un incubateur avec des bouteilles d’eau chaude ou immobiliser une fracture avec des écorces d’arbre). Elles exercent une présence rassurante, et plusieurs témoignages laissent penser qu’elles étaient très appréciées des colons. Les auteures de l’ouvrage n’ont aucune peine à faire partager au lecteur leur admiration pour ces femmes. À l’heure où les services de santé se préoccupent de plus en plus du soutien et du suivi « dans la communauté », l’expérience des infirmières de colonie revêt une certaine actualité. Leur mission et leur approche ne correspondent-elles pas à ce dont notre système de santé a le plus besoin aujourd’hui : des soignants de première ligne, travaillant à proximité des populations, avec une approche globale et préventive, peu coûteuse de surcroît? N’avons-nous pas perdu quelque chose avec la médicalisation, c’est-à-dire avec le recours plus systématique aux médecins et à une certaine approche curative, sophistiquée et coûteuse, se demandent Rousseau et Daigle? Si les infirmières de colonie devaient faire des actes réservés aux …