Comptes rendus

Guy Berthiaume, Claude Corbo et Sophie Montreuil (dir.), Histoires d’immigrations au Québec, Québec, Presses de l’Université du Québec et Bibliothèque et Archives nationales, 2014, 256 p.[Notice]

  • Victor Piché

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  • Victor Piché
    Université de Montréal

J’aurais bien aimé avoir pu profiter de cet ouvrage lorsque j’ai écrit l’histoire de l’immigration au Québec au début des années 2000 (voir Un siècle d’immigration au Québec : de la peur à l’ouverture). C’est dire à quel point l’ouvrage édité par Guy Berthiaume, Claude Corbo et Sophie Montreuil constitue un apport considérable à la compréhension de l’immigration au Québec dans une perspective historique. Le livre est écrit en grande partie par des experts, dont la plupart sont membres des groupes en question. De plus, chaque chapitre est illustré par des témoignages provenant de personnalités issues du groupe. Une des grandes qualités de l’ouvrage est de réussir le défi de présenter les histoires d’immigration avec un cadre d’analyse commun qui structure les chapitres de façon comparable. De plus, le tableau chronologique qui va de 1840 à 2000, constitue un outil pédagogique fort utile. Les histoires d’immigration concernent en fait 14 groupes présentés en ordre chronologique. Afin de faciliter la discussion, je vais regrouper les groupes d’immigrants en trois grandes périodes, qui constituent le reflet à la fois de la conjoncture politique et économique et des besoins en main-d’oeuvre du Canada et du Québec véhiculés par la politique d’immigration. La première période fait référence à ce que j’appellerais la « vieille » immigration, couvrant les années 1840-1945. Cette période est surtout caractérisée par un contexte politique visant le peuplement, dans le cadre d’une industrialisation émergente et en croissance rapide. Les quatre groupes retenus représentent bien cette période : il s’agit des groupes écossais, irlandais, italiens et yiddish. Évidemment, ces quatre groupes se différencient sur plusieurs points. D’abord, les groupes écossais et irlandais font partie de l’immigration britannique, qui est à l’origine de la constitution d’un des deux groupes fondateurs du Canada (avec les Canadiens français). Ces deux groupes se sont fondus dans ce que l’on appelle aujourd’hui le groupe anglophone. Catherine Bourbeau affirme même que le groupe écossais est maintenant peu connu et souvent évacué de la mémoire collective. Enfin, les deux groupes ont cessé de se renouveler avec la fin de l’émigration dans les années 1960. Dans son chapitre, Simon Jolivet nous rappelle que le groupe irlandais (surtout les élites protestantes) s’est rangé du côté du gouverneur britannique dans le but d’assurer la continuité de la monarchie constitutionnelle, d’accueillir les immigrants des îles britanniques et d’entreprendre l’assimilation des francophones canadiens (p. 27). Le groupe italien se démarque de façon importante des deux premiers groupes. Le chapitre de Bruno Ramirez est exemplaire à bien des égards, en ce qu’il documente de façon approfondie le rôle des réseaux et des intermédiaires dans le recrutement de travailleurs italiens, de même que le rôle de la réunification familiale, favorisée par la composante de parrainage de la politique d’immigration. Enfin, Pierre Anctil nous rappelle l’importance du groupe juif d’origine est-européenne, comme en témoigne le fait qu’entre 1900 et 1950, le yiddish est la troisième langue au Québec. L’histoire de ce groupe nous permet de constater, d’une part, la compartimentation ethnoreligieuse rigide de Montréal à cette époque et, d’autre part, le rôle politique important de ce groupe dans les mouvements de gauche. La deuxième période couvre la période de l’après-guerre, 1945-1970, et comprend les groupes polonais, sépharades, grecs et portugais. Cette période se caractérise par la reprise économique et de nouveaux besoins en main-d’oeuvre. Les quatre groupes de cette période ont plusieurs choses en commun, dont l’insertion économique dans un marché de travail en expansion, surtout dans des emplois moins qualifiés, et une insertion linguistique limitée à cause d’un système d’éducation ségrégé. Néanmoins, quelques particularités méritent mention. Par exemple, on apprend que les agents de …

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