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Mine, travail et société à Kirkland Lake est une étude vraiment bien documentée. Les éditions Prise de parole ont valorisé le travail de Guy Gaudreau, Sophie Blais et Kevin Auger dans leur présentation des réalités canadiennes du travail à la mine de Kirkland Lake des années 1930 à la grève de 1941-1942. Dans une perspective historique, cet ouvrage est centré sur l’ouvrier mineur de carrière et sur les réalités de la vie à la mine. Pour présenter ces réalités, les auteurs ont eu accès aux archives administratives de l’époque ce qui leur permet de tracer le portrait des salaires, des emplois, des accidents, des congés sans solde et, quelques fois, des justifications lorsqu’il y a licenciement. De plus, ils ont utilisé les journaux qui permettent de tracer le portrait des passions dans le sport et la musique et des besoins au travers de la publicité. Il faut garder en tête que c’est le quotidien à Kirkland Lake qui est présenté de manière exhaustive dans ce livre. Sans tomber dans la fiction, cette présentation historique nous fait voyager, on a l’impression d’y être.

L’ouvrage présente le mineur de carrière comme une personne qui a un capital. Il a les moyens de se permettre de prendre des congés sans solde parce qu’il n’a pas nécessairement besoin de chaque jour de travail pour être capable de bien vivre, et ce, avant même l’arrivée des syndicats. Nous découvrons tout un quotidien d’art, de sport, de travailleurs qui s’absentent du travail pour participer à des compétitions, pour vivre leur passion. Que ce soit dans la musique ou le sport, les ouvriers représentaient la mine de Kirkland dans les compétitions contre les autres mines. À travers les extraits de journaux, on prend la mesure de la fierté collective dans les réussites. Cet ouvrage nous présente un univers où l’ouvrier mineur de carrière est l’élite ouvrière de l’époque parce qu’il est parmi les ouvriers les mieux rémunérés pour son travail. La précision du portrait d’un ouvrier mineur de carrière est, certainement, un ajout important de cet ouvrage à la réflexion. Le propos des auteurs nous invite à remettre en question la vision de l’ouvrier comme victime. C’est rafraîchissant par comparaison à la perspective marxiste qui a tendance à voir l’ouvrier comme une personne aliénée.

L’auteur principal part de son vécu personnel pour postuler une distinction entre les mineurs de fond et ceux de surface. Le travail de surface étant réservé aux nouveaux travailleurs ou ceux proches de la retraite, ce serait, entre autres, un moyen d’intégrer la mine pour ensuite pouvoir descendre au fond. Les trois quarts des travailleurs de la mine sont des travailleurs du fond. À travers la lecture, on sent que l’auteur essaie de cerner en quoi ces deux univers sont différents l’un de l’autre. Cette distinction fond/surface est centrale dans l’interprétation des données, elle est le fil d’Ariane des différents chapitres. Il faut évidemment garder en tête la perspective historique de l’ouvrage : on n’interprète pas de manière sociologique en quoi précisément les travailleurs de fond se différencient de ceux de surface.

Bref, les auteurs présentent un portrait historique de l’ouvrier mineur de carrière dans son quotidien. Ils nous invitent à partager leur fierté dans l’atteinte de leurs objectifs au travail, leurs épanouissements dans le sport ou la musique et aussi leurs tristesses et frustrations devant les accidents de travail et les trop nombreux deuils de collègues qui étaient souvent aussi des amis.