Comptes rendus

Laura Atran-Fresco, Les Cadiens au présent. Revendications d’une francophonie en Amérique du Nord, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2016, 263 p. (Coll. Langues officielles et sociétés.)[Notice]

  • Leslie Choquette

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Ce livre sur les Cadiens de la Louisiane tire son origine d’une thèse de doctorat soutenue à la fois en France (en sociologie) et en Louisiane (en études francophones). L’auteure y analyse trois processus de revendication identitaire chez ce groupe ethnique états-unien défini comme une « communauté francophone en situation minoritaire » (p. 46). Il s’agit 1) de l’intégration au monde francophone tant institutionnel que culturel, 2) de l’institutionnalisation par la promotion de l’enseignement primaire en français et de la langue et de la culture cadiennes au niveau universitaire, et 3) de la conscientisation de la jeunesse au fait français. L’auteure commence par rappeler l’histoire des Cadiens (ou Cajuns), ces réfugiés de la diaspora acadienne arrivés en Louisiane entre 1763 et 1785. Concentrés dans les bayous de la partie sud de la colonie espagnole, devenue État américain en 1812, leurs descendants mènent une vie marginale et « résolument entre soi » (p. 20), surtout après la Guerre civile. Avec l’interdiction du français à l’école en 1915 et 1921, le français cadien devient une « langue essentiellement orale » (p. 68), doublement dévalorisée par rapport à l’anglais majoritaire et au français des Créoles blancs, souvent d’origine française. Le résultat en est la « transformation rapide et presque radicale de l’unilinguisme francophone en unilinguisme anglophone » chez les Cadiens au cours du 20e siècle (p. 34). Depuis les années 1960 s’amorce pourtant un mouvement de « renaissance culturelle cadienne » (p. 3) chez de jeunes universitaires à Lafayette, influencés à la fois par le mouvement des droits civiques aux États-Unis et par la Révolution tranquille du Québec. Ce sont les stratégies mises en place par cette petite élite cadienne qu’examine l’auteure. L’intégration de la francophonie louisianaise au monde francophone officiel et son institutionnalisation au niveau de l’État sont facilitées par l’intérêt de celui-ci pour le tourisme. Bref, la valorisation du caractère français de la Louisiane fait partie de sa mystique comme « un milieu exotique, étrange et insolite » (p. 50), en plus d’attirer des visiteurs de pays francophones. Malgré le caractère très divers de la francophonie louisianaise historique, aux origines laurentienne, française, africaine, acadienne et dominguoise, elle se polarise depuis les années 1960 autour de la cadienneté, et non de la créolité. « Un tel choix traduit à l’évidence le désir de l’élite de la Louisiane française d’assurer à la région une identité “blanche” » (p. 30). La Louisiane ne fait pas partie de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) mais se fait représenter à sept Sommets, tenus en France, au Canada, en Roumanie et en Suisse. (Elle ne participe pas à ceux qui se tiennent au Sénégal, à l’Île Maurice, au Bénin, au Liban et au Burkina Faso.) En 2015 elle devient membre de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), et la ville de Lafayette (dont le maire cadien ne parle pas français) rejoint l’Association internationale des maires francophones (AIMF). Aujourd’hui le jeune Réseau des villes francophones et francophiles d’Amérique (RVFFA), créé en 2015 par le Centre de la Francophonie des Amériques (CFA), comprend onze villes louisianaises. L’intégration des Cadiens à la francophonie culturelle se fait à l’écrit par la littérature et à l’oral par la musique. Depuis les années 1970, une poignée d’écrivains produisent un « corpus mince » (p. 84) constitué de poèmes, de pièces et de contes en français cadien, pour lequel ils établissent des normes orthographiques. Mais « l’absence flagrante d’héritiers de cette génération » d’écrivains « fait douter de l’existence à venir d’une nouvelle production d’oeuvres franco-louisianaises » (p. 85). En revanche, la musique cadienne jouit d’une renommée internationale, même si « le français …