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Au Québec comme dans l’ensemble du monde occidental, les jeunes sont de plus en plus nombreux à détenir un diplôme et leur niveau de scolarité est de plus en plus élevé. Au cours des dernières décennies, d’une part, les politiques visant à démocratiser le système éducatif en offrant au plus grand nombre l’égalité des chances d’accès à l’éducation afin de faire respecter le principe démocratique fondamental du droit à la connaissance et d’autre part, la nécessité d’une scolarisation de masse et d’un accroissement du niveau de qualification de la main-d’oeuvre pour soutenir une économie fondée sur le savoir et les avantages technologiques, ont donné lieu à un afflux croissant de diplômés sur le marché du travail. Parallèlement, l’aspiration des individus à accéder aux emplois les plus qualifiés et les mieux rémunérés a contribué à la production accrue de titres scolaires. Quelle a été la dynamique de cette production au Québec ? Dans quelle mesure cette production est-elle arrimée aux besoins de l’économie et à l’évolution de l’emploi et comment le marché du travail absorbe-t-il cette offre croissante de diplômés ? Le diplôme permet-il encore au titulaire d’accéder à un emploi qu’il devrait être en mesure de lui garantir ?

Pour répondre à ces questions, nous nous proposons de présenter dans cet article la dynamique de la croissance du nombre de diplômés au Québec au cours des dernières décennies et sa diffusion au sein des professions et dans la population active et d’analyser le mécanisme d’absorption des diplômes par le marché du travail. À partir de données statistiques et des résultats d’autres recherches, nous exposerons dans un premier temps, l’évolution de la diplomation et la composition des catégories professionnelles et de la population active en regard de la proportion de diplômés et du niveau de diplôme. Dans un deuxième temps, nous donnerons un aperçu de l’étendue du phénomène de déclassement ou de suréducation entraîné par ces évolutions au Québec. Nous présenterons, dans un troisième temps, les causes macro et microéconomiques du déclassement et les stratégies d’adaptation des jeunes face à la dépréciation du diplôme[1].

Hausse d’éducation et diffusion des diplômes dans les catégories professionnelles et dans la population active

Nous présenterons d’abord l’évolution de la diplomation au Québec, depuis 1976, aux niveaux secondaire, collégial et universitaire afin de prendre le pouls de la croissance du nombre de diplômés, puis nous ferons état de la diffusion des diplômes dans les catégories professionnelles et dans la population active entre 1996 et 2001.

La diplomation au Québec

Depuis les années 1960, nous assistons à d’importantes mutations du système d’éducation québécois qui ont eu comme résultat une hausse substantielle de l’accès à l’enseignement secondaire, collégial et universitaire ainsi qu’une diffusion de plus en plus large des diplômes au sein des jeunes générations. Les données disponibles du MEQ nous indiquent qu’entre 1982-1983 et 2001-2002, le taux d’accès à la 5e secondaire a fait un bond de 17,4 points de pourcentage, passant de 56,7 % à 74,1 %. Le taux d’accès au collégial pour l’ensemble des filières générale et technique a, pour sa part, connu une hausse de 20 points de 1975-1976 à 2001-2002. Il est alors passé à 59,3 %, après avoir atteint un sommet de 63,2 % en 1995-1996. Au niveau universitaire l’accès au baccalauréat a connu une hausse de près de 20 % de 1984-1985 à 2002-2003. Le taux d’accès à la maîtrise a atteint en 2002-2003, 11,5 %. Les données du MEQ indiquent également que le pourcentage de sortants du système d’enseignement n’ayant obtenu aucun diplôme a chuté de 25,4 points de 1976 à 2001, passant de 43 % à 17,6 % (MEQ, 2003). La part des jeunes sortant avec un diplôme s’est donc substantiellement accrue au cours de cette période. Cette croissance a été particulièrement importante aux niveaux secondaire et collégial dans les filières professionnelle et technique. Ainsi la proportion de sortants de l’enseignement détenant un diplôme de formation professionnelle au secondaire était en 2000-2001 de 23,5 % alors qu’en 1975-1976, elle n’était que de 14,5 %. Cette évolution va dans le sens d’une valorisation plus forte par les jeunes et leurs familles du choix des filières professionnelle et technique et témoigne d’une plus grande attention aux débouchés professionnels accessibles à l’issue des formations. Ces filières sont censées permettre l’acquisition rapide d’un diplôme facilitant l’insertion professionnelle tout en autorisant en même temps la poursuite des études, contrairement aux filières générales qui impliquent un engagement de plus longue durée dans la formation. En revanche, la proportion de sortants des filières de formation générale du secondaire et du collégial n’est que de 1,1 point supérieure en 2000-2001 à ce qu’elle était en 1975-1976 (21,3 % contre 20,2 %). Cette proportion a enregistré un sommet de 31,3 % en 1985-1986, puis elle a connu une décroissance jusqu’en 2001. À titre d’exemple, notons qu’entre 1992 et 2001, le nombre de diplômes décernés au secteur technique au collégial est passé de 13 517 à 17 652 tandis que, durant la même période, au secteur préuniversitaire, ce nombre a décru, passant de 25 416 à 23 309 (MEQ, 2001). Pour ce qui est de l’enseignement universitaire, les données du tableau 1 montrent une forte tendance à la hausse du taux d’obtention d’un diplôme depuis 1976.

Les probabilités d’obtenir un diplôme universitaire se sont grandement améliorées depuis 1976. En 2001, plus d’un quart des jeunes Québécois pouvaient espérer obtenir un baccalauréat. Le taux d’obtention du grade de bachelier[2] est passé de 14,9 % en 1976 à 29 % en 1996. Sur l’ensemble de la période répertoriée (1976-2001), les femmes ont progressé davantage que les hommes. Pour la maîtrise, le taux d’obtention d’un diplôme s’est accru de près de 5 points de pourcentage entre 1976 et 2001, ce qui signifie une multiplication par trois du nombre annuel de diplômes émis. Le taux d’obtention d’un doctorat est également en hausse, passant de 0,4 % à 1,0 % pour cette même période[3]. Les femmes ont connu un taux d’obtention plus élevé pour les diplômes de baccalauréat et de maîtrise, alors que les hommes sont toujours plus nombreux à obtenir un doctorat. Cependant, bien que les femmes restent minoritaires à ce niveau d’études, elles ont obtenu en 2001, 43 % des doctorats décernés, une augmentation de 15 % par rapport à l’année 1986. À ce rythme, on doit s’attendre à voir bientôt un changement du rapport hommes / femmes pour ce niveau de diplôme.

Tableau 1

Taux d’obtention des grades universitaires selon le sexe, différentes années, Québec

 

1976

1986

1991

1996

2000

2001

Baccalauréat

14,9

19,0

23,6

29,0

26,6

25,6

Sexe masculin

16,7

18,1

20,0

22,7

21,5

20,5

Sexe féminin

13,1

19,9

27,3

35,5

31,9

31,0

Maîtrise

2,7

3,9

4,4

6,0

7,1

7,3

Sexe masculin

3,5

4,4

4,4

5,8

6,7

6,8

Sexe féminin

1,9

3,4

4,3

6,3

7,6

7,8

Doctorat

0,4

0,5

0,6

0,9

1,1

1,0

Sexe masculin

0,6

0,7

0,9

1,2

1,2

1,1

Sexe féminin

0,2

0,3

0,4

0,6

0,9

0,9

Source : MEQ, 2003, tableau 5.7.

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En ce qui a trait à la réussite aux études, les données du tableau 2 indiquent que, depuis 1988, la proportion de sortants de l’enseignement ayant obtenu un baccalauréat ou une maîtrise est en croissance.

Tableau 2

Proportion de sortants des programmes conduisant au baccalauréat, à la maîtrise ou au doctorat, ayant obtenu leur diplôme selon l’année de la dernière inscription, Québec

 

1987-1988

1990-1991

1995-1996

1997-1998

1999-2000

2000-2001*

Baccalauréat

55,9

61,5

65,9

65,8

65,5

67,0

Maîtrise

56,1

64,5

65,6

66,1

67,4

69,3

Doctorat

48,7

52,3

56,3

54,1

54,1

53,3

* Estimations

Source : MEQ, 2003, tableau 3.6 (a), 3.7 (a), 3.8 (a).

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Au baccalauréat, entre 1988 et 2003, la proportion des sortants ayant obtenu un diplôme a augmenté de 11 points tandis que pour la maîtrise, cette proportion a fait un bond de 13,2 points. Au doctorat, 53,3 % des sortants avaient obtenu leur diplôme en 2000-2001 comparativement à 48,7 % en 1987-1988.

En somme, les données présentées indiquent que depuis les dix à trente dernières années, les taux de diplomation et le nombre de diplômés au Québec ont considérablement augmenté, c’est-à-dire que, premièrement, de plus en plus de personnes obtiennent un diplôme, la proportion de ceux qui ne détiennent aucun diplôme atteignant actuellement un niveau relativement bas comparativement aux années antérieures et, deuxièmement, le niveau de scolarité atteint est de plus en plus élevé, le taux d’obtention d’un baccalauréat dépassant actuellement les 25 %. Structurellement, l’offre de main-d’oeuvre juvénile devient d’année en année plus diplômée. Il faut cependant noter qu’à partir plus ou moins du milieu de la décennie 1990, les taux de diplomation ont, globalement, enregistré une croissance plus modeste, voire une décroissance dans certains cas. On peut voir dans cette relative stabilisation des niveaux d’éducation et de formation soit 1) l’effet d’un simple mouvement conjoncturel ou de l’atteinte d’un niveau maximum de développement de l’éducation, contraint par l’état du système éducatif et les politiques suivies (les compressions budgétaires ont frappé les universités, ce qui a réduit dans une certaine mesure leur capacité d’accueil et d’encadrement des étudiants), soit 2) le résultat de la manière dont les jeunes envisagent la formation au regard de la situation du marché du travail qui est devenu plus ouvert à partir de 1996, ce qui a probablement incité plusieurs jeunes à abandonner ou à reporter leur projet d’études[4].

Progression du niveau de diplôme dans l’ensemble des professions

Si l’on analyse le processus de diffusion des diplômes dans l’ensemble des grandes catégories professionnelles entre 1996 et 2001, dates des deux derniers recensements pour lesquelles nous disposons de données statistiques, on constate les évolutions suivantes.

Entre 1996 et 2001, la part des non-diplômés dans l’ensemble des grandes catégories professionnelles a diminué, passant de 21,9 % à 19,6 %. Les professions liées aux sciences sociales, à l’enseignement, à l’administration publique et à la religion (catégorie E) ont connu une légère hausse de leur proportion de travail- leurs non diplômés, atteignant 3,5 % en 2001, comparativement à 1,6 % en 1996 (tableau 3).

De 1996 à 2001, la proportion des diplômés de l’école secondaire dans l’ensemble des professions répertoriées est en baisse de 0,8 de point, passant de 26,6 % à 25,8 %. Les professions liées à la gestion (catégorie A), aux affaires, à la finance et à l’administration (catégorie B) et aux arts, à la culture, aux sports et aux loisirs (catégorie F) ont perdu respectivement 1,2 point, 3,3 points et 1,6 point de leur proportion de travailleurs détenant un certificat d’études secondaires. La certification scolaire de niveau secondaire ne suffit plus pour ces catégories de professions, les exigences se situant dorénavant aux niveaux postsecondaire et universitaire. À l’inverse, la part des diplômés du secondaire est en hausse pour les autres catégories de professions comme le secteur de la santé (de 11,9 % à 12,2 %), des sciences sociales, de l’enseignement, de l’administration publique et de la religion (de 4,6 % à 7,2 %) ou le secteur de la transformation, de la fabrication et des services d’utilité publique (de 29 % à 31 %). Par ailleurs, la part des diplômés des études postsecondaires est en croissance pour toutes les catégories professionnelles ; la proportion s’élevait à 35,9 % en 2001 alors qu’elle était de 33,8 % en 1996.

Les données du tableau 3 indiquent également qu’en 1996, 17,7 % de la population du Québec détenait un diplôme universitaire (baccalauréat, certificat universitaire, diplôme en médecine, maîtrise et doctorat), alors qu’en 2001 cette proportion est passée à 18,7 %. La part des diplômés universitaires (tous les niveaux confondus) est en croissance au sein des catégories liées à la gestion (catégorie A), aux affaires, à la finance et à l’administration (catégorie B), au secteur de la santé (catégorie D), aux métiers, au transport et à la machinerie (catégorie H) et à la transformation, à la fabrication et aux services d’utilité publique (catégorie J), ce qui peut signifier une diffusion accrue de la hausse d’éducation au sein des catégories professionnelles plus exposées au développement technologique et organisationnel. Une présence plus forte des NTI ainsi qu’un changement plus accentué du contenu du travail dans ces catégories de professions peuvent entraîner en effet une élévation de la demande des compétences signalées par un diplôme. La part des diplômés universitaires est en diminution pour les professions liées aux sciences naturelles et appliquées et les professions apparentées (catégorie C), aux sciences sociales, à l’enseignement, à l’administration publique et à la religion (catégorie E) et au secteur des ventes et services (catégorie G). Cette diminution de la part des diplômés universitaires au sein de ces catégories de professions peut s’expliquer essentiellement par les mouvements de création et de destruction d’emplois qui favorisent dans certains cas l’augmentation d’un stock d’emplois qui demande moins de qualification. Dans certains secteurs de l’économie, il y a une plus forte croissance de postes vacants qui ne demandent pas de diplômes universitaires. Ainsi, les enquêtes de la Fédération canadiennede l’entreprise indépendante (Doug et Dulipovici, 2001) constatent par exemple que dans le secteur des ventes et des services, les candidats les plus difficiles à trouver sont ceux qui ont une qualification de niveau secondaire ou collégial[5]. Par ailleurs, on enregistre une relative stabilité de la proportion des diplômes universitaires au sein des catégories de professions liées aux arts, à la culture, aux sports et aux loisirs (catégorie F) et à celles relatives au secteur primaire (catégorie I). Il est à remarquer qu’en 2001, sur le plan de l’utilisation des diplômes de baccalauréat, les sciences sociales, l’enseignement, l’administration publique et la religion (catégorie E) emploient à elles seules presque autant de travailleurs diplômés (40,2 %) que la santé (14,8 %) et les sciences naturelles (26,4 %) réunies, situation qui indique que le développement de l’économie du savoir implique dans une forte mesure les sciences sociales.

Tableau 3

Répartition de la population selon les catégories professionnelles et le plus haut diplôme obtenu, 1996 et 2001, en %

1996

Total

A

B

C

D

E

F

G

H

I

J

Aucun grade, certificat, diplôme

21,9

14,3

11,9

4,1

8,5

1,6

8,5

28,1

37,5

47,4

44,7

Certificat d’études secondaires

26,6

24,5

36,3

10,1

11,9

4,6

19,3

33,6

26,3

25,5

29,0

Diplôme d’études postsecondaires et inférieur au baccalauréat*

33,8

31,8

37,6

47,2

51,7

20,4

38,7

31,6

34,8

23,8

24,1

Baccalauréat

11,7

18,8

10,8

26,6

12,8

43,2

23,2

5,6

1,2

2,6

1,8

Certificat ou diplôme universitaire supérieur au baccalauréat

1,7

3,0

1,4

2,3

1,3

9,3

2,6

0,4

0,1

0,3

0,2

Diplôme en médecine

0,7

0,2

0,1

0,3

10,0

0,4

0,1

0,1

---

0,1

---

Maîtrise

3,0

6,7

1,8

7,4

2,7

15,7

7,0

0,5

0,1

0,3

0,2

Doctorat

0,6

0,7

0,1

2

0,9

4,8

0,6

0,1

---

---

---

Total

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

2001

Total

A

B

C

D

E

F

G

H

I

J

Aucun grade, certificat, diplôme

19,6

12,5

10,0

3,3

6,4

3,3

7,2

26,9

33,6

44,0

41,3

Certificat d’études secondaires

25,8

23,3

33,0

10,1

12,2

7,2

17,7

34,6

26,6

25,7

31,0

Diplôme d’études postsecondaires et inférieur au baccalauréat*

35,9

32,7

40,9

48,4

51,8

24,0

41,6

32,7

38,2

27,0

25,0

Baccalauréat

12,4

20,1

12,0

26,4

14,8

40,2

23,0

4,8

1,4

2,5

2,1

Certificat ou diplôme universitaire supérieur au baccalauréat

1,7

3,2

1,8

2,5

1,3

7,2

2,7

0,5

0,2

0,3

0,3

Diplôme en médecine

0,7

0,2

0,1

0,2

9,6

0,4

0,1

---

---

---

---

Maîtrise

3,3

7,3

2,1

7,4

2,9

13,6

7,1

0,5

0,2

0,4

0,3

Doctorat

0,6

0,7

0,1

1,7

1,0

3,9

0,6

---

---

---

---

Total

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

A : Gestion, B : Affaires, finances et administration, C : Sciences naturelles et appliquées et professions apparentées, D : Secteur de la santé, E : Sciences sociales, enseignement, administration publique et religion, F : Arts, culture, sports et loisirs, G : Ventes et services, H : Métiers, transports et machinerie, I : Professions propres au secteur primaire, J : Transformation, fabrication et services d’utilité publique.

* Comprend le certificat ou diplôme d’une école de métier, certificat ou diplôme collégial, certificat ou diplôme universitaire inférieur au baccalauréat. --- : Pourcentage inférieur à 0,1.

Source : Statistique Canada, Recensement de la population 2001, catalogue 97F0017SCB01006. Calculs de l’auteur.

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Transformation des diplômes de la population active

L’analyse de la diffusion des diplômes dans la population active (tableau 4) indique que la part des non-diplômés et des titulaires d’un diplôme d’études secondaires dans la population active a diminué depuis 1996 au profit d’une formation plus élevée, soit une formation de niveau postsecondaire ou universitaire.

Tableau 4

Répartition de la population active en %, selon le plus haut diplôme obtenu et les catégories d’âges, 1996 et 2001, Québec

Diplôme

1996

2001

Total

15-24 ans

25-29 ans

Total

15-24 ans

25-25 ans

Aucun grade, certificat ou diplôme

36,8

38,3

19,7

32,8

35,2

16,9

Certificat d’études secondaires

25,0

32,6

22,1

24,6

32,3

18,0

Diplôme d’études postsecondaires et inférieur au baccalauréat*

26,0

24,1

37,1

28,5

27,4

40,4

Baccalauréat

8,0

4,5

16,4

9,2

4,4

18,4

Certifcat ou diplôme universitaire supérieur au baccalauréat

1,2

0,2

1,4

1,4

0,3

1,7

Diplôme en médecine

0,5

0,1

0,6

0,5

0,1

0,7

Maîtrise

2,1

0,2

2,6

2,5

0,3

3,7

Doctorat

0,4

---

0,1

0,5

---

0,2

Total

100

100

100

100

100

100

* Comprend le certificat ou diplôme d’une école de métier, certificat ou diplôme collégial, certificat ou diplôme universitaire inférieur au baccalauréat.

Source : Statistique Canada, Recensement de la population 2001, catalogue 97F0017XCB01006. Calculs de l’auteur.

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La part des diplômés universitaires au sein de la population active est en croissance constante (tableau 4). Cette croissance est particulièrement forte pour la population des 25 à 29 ans. La part des bacheliers de cette catégorie d’âge est passée de 16,4 % en 1996 à 18,4 % en 2001 tandis que pour les titulaires de maîtrise, elle est passée de 2,6 % à 3,7 %. Si la tendance se maintient, cette cohorte fera augmenter la part des titulaires de diplôme postsecondaire parmi les autres groupes d’âge au fur et à mesure que les personnes qui la composent vieilliront.

Parallèlement à la hausse du niveau d’éducation de la population active québécoise, on enregistre une baisse de la catégorie des sans diplôme et une hausse de la proportion des titulaires de diplômes postsecondaires, le rapport « travailleurs ayant un diplôme du postsecondaire sur l’emploi total » étant actuellement de six sur dix (CETECH, 2004). L’évolution des niveaux de diplôme et des structures des catégories socioprofessionnelles converge vers une élévation de la qualification sanctionnée par un diplôme. Le poids des diplômés s’est accentué dans les différentes catégories socioprofessionnelles et particulièrement dans les catégories du secteur primaire et des transformations. Cette augmentation du niveau d’éducation ainsi que la propagation de plus en plus de diplômés au sein des emplois contribuent à maintenir un très bon taux d’emploi de la population québécoise (qui atteint la barre des 60 % en 2003) mais suscitent des interrogations sur les mécanismes d’absorption du flux des diplômés. Cette hausse de certification et de qualification de l’offre de travail est-elle adéquatement absorbée par le marché ? La hausse du niveau de diplôme trouve-t-elle sa justification dans le fonctionnement du marché du travail ? Une façon de répondre à ces questions est d’analyser la relation formation-emploi, c’est-à-dire le lien entre les diplômes des individus et les qualifications des emplois et plus particulièrement les situations de déclassement engendrées par les évolutions décrites antérieurement.

Le déclassement ou la suréducation : approches interprétatives, méthodes d’appréhension et aperçu de la situation au Québec

Le déclassement ou la suréducation se définit comme la situation qui caractérise un individu dont le niveau de formation dépasse celui normalement requis pour l’emploi occupé. L’interprétation de ce phénomène et l’analyse de ses causes et de ses effets varient en fonction des approches théoriques retenues pour l’interpréter et des méthodes utilisées pour le mesurer. Dans cette section, nous allons présenter 1) les approches interprétatives et les méthodes d’appréhension du déclassement, et 2) un aperçu de la situation au Québec. Le cadre théorique sous-jacent à l’analyse générale du déclassement dans le contexte de cet article s’inscrit dans la perspective de l’individualisme méthodologique (Boudon et Bourricaud, 1982). Nous nous rapportons principalement à des comportements individuels et à leur agrégation mais ces comportements ne constituent pas pour autant le fait d’individus désincarnés mais, au contraire, d’individus situés socialement qui appartiennent à une famille mais aussi à d’autres groupes sociaux et disposent de ressources non seulement économiques mais aussi culturelles (Boudon, 1977 ; Vultur, 1997). Épistémologiquement, l’analyse et l’explication du phénomène de déclassement font place aux comportements des acteurs sociaux qui sont des individus ou des groupes mais également à l’influence des structures (générationnelles et professionnelles) dans le sens où celles-ci conditionnent la liberté d’action de ces acteurs. Sur cet aspect, nous rejoignons Max Wéber qui, dans une lettre à l’économiste marginaliste Robert Lieffman, en 1920, cité par Mommsen (1965), écrivait : « La sociologie, elle aussi (c’est-à-dire comme l’économie) doit être conduite de façon individualiste du point de vue méthodologique » et notre analyse se trouve en « rapport de congruence » avec les thèses des auteurs classiques néowébériens Collins (1979) et Archer (1979), qui ont abordé l’éducation en référence à la compétition entre groupes sociaux et ont adopté une méthode explicative appliquée au champ de l’éducation conformément à laquelle les actions individuelles résultent d’une combinaison entre deux facteurs, à savoir les structures et le contexte social, d’une part et les objectifs et les préférences individuelles, d’autre part (Archer, 1979, p. 35). Nous postulons ainsi que les individus ou les groupes sociaux sont des agents de causalité et que ce sont les idées et les jugements de valeur des premiers et les intérêts des deuxièmes qui dirigent leurs actions. La structure explicative et interprétative du déclassement repose donc sur le principe de l’individualisme méthodologique au sens où le phénomène est interprété essentiellement comme résultat de l’agrégation des actions des acteurs sociaux (que ceux-ci soient des individus ou des groupes), agissant selon une rationalité située, déterminée par les ressources dont ils disposent et les contraintes structurelles qui caractérisent la société, notamment celles liées à l’organisation du système de formation et du marché du travail.

Les approches du déclassement et les méthodes utilisées pour le mesurer

Quatre approches sont utilisées pour rendre compte du phénomène de déclassement :

  1. L’approche par le capital humain (Becker, 1964) avance que la formation constitue un investissement conduisant à accroître les capacités productives d’un individu. Ces capacités se trouvent en relation directe avec la qualification et le salaire qui sont, à leur tour, positivement corrélés. Par ailleurs, la formation ne constitue qu’un élément parmi d’autres du capital humain à côté de l’expérience, des caractéristiques individuelles, du savoir-faire pratique, etc., qui donnent, tous ensemble, la mesure de la compétence d’une personne. Selon cette approche, sur le marché du travail, les entreprises adaptent leurs emplois au stock de compétences existant, ce qui rend impossibles les situations de déclassement[6].

  2. La théorie de l’appariement (Jovanovic, 1979) pose que le déclassement est un phénomène temporaire lié au manque d’information des demandeurs d’emploi (sur les emplois disponibles ou sur les caractéristiques des emplois) et des entreprises (sur les compétences détenues par les personnes à la recherche d’emploi). Le modèle s’appuie sur l’hypothèse de l’hétérogénéité des travailleurs et de l’information imparfaite. Le déclassement n’est qu’un accident au début du parcours d’insertion, les individus déclassés ayant tendance à quitter leur emploi en vue d’en obtenir un autre, mieux adapté à leurs compétences. Après avoir obtenu certains contrats ou traversé des périodes de chômage ou d’emplois précaires, l’individu aura, en fin de parcours, un emploi adapté à ses aptitudes et à ses compétences[7].

  3. La théorie du signal (ou du filtre) (Spence, 1974) apporte une réponse aux difficultés de la théorie du capital humain. Cette théorie postule d’abord que l’employeur ne connaît pas la productivité de celui qui demande un emploi. Il ne possède que quelques caractéristiques, soit inaltérables (âge, sexe, ethnie) nommées « indices », soit contrôlables (expérience, qualification) nommées « signaux ». De par son expérience, un employeur est en mesure d’établir un certain nombre d’indices et de signaux correspondant à un niveau de productivité, donc à un salaire donné. Le diplôme est alors perçu comme un signal, témoignant des aptitudes individuelles acquises, en mesure de réduire les incertitudes ou les risques face à la qualité de la main-d’oeuvre.

  4. La théorie de la concurrence pour l’emploi ou le modèle de « job competition » (Thurow, 1975) s’appuie sur deux hypothèses : 1) l’équilibre entre l’offre et la demande de travail se réalise par les quantités d’emplois et 2) la productivité est une caractéristique de l’emploi et non du travailleur. L’individu doit, en effet, acquérir les qualifications pour le poste demandé à l’intérieur de l’entreprise. Dans ces conditions, le salaire est attaché à l’emploi et non à l’individu. À partir de ces deux hypothèses, le diplôme est perçu comme un signalement des aptitudes, déterminant l’accès à l’emploi de l’individu à être formé par l’entreprise. Ainsi, l’entreprise embauche non pas les plus productifs, mais les plus aptes à être formés rapidement, diminuant les coûts de formation pour l’employeur. La concurrence pour l’emploi se manifeste par la constitution d’une file d’attente où les plus diplômés se trouvent en haut de liste. Cette théorie est radicalement opposée à celle du capital humain. La théorie de la concurrence pour l’emploi ne repose pas, en effet, sur un arbitrage entre le rendement et les investissements de l’individu, mais sur une concurrence entre les individus où les plus diplômés remportent. Conformément à cette théorie, poursuivre ses études, c’est « être dans la course ».

Ces approches théoriques du déclassement, fondées sur le principe de l’individualisme méthodologique qui fait de l’acteur individuel ou collectif l’unité de référence première de l’analyse sociologique ont, chacune, des limites et des capacités explicatives différentes. Ainsi, dans une perspective basée sur le capital humain, la suréducation peut résulter d’un choix délibéré de l’individu, dans la mesure où un emploi de bas niveau offre une bonne occasion d’investissement. La théorie du signalement, quant à elle, centrée sur l’entreprise, prend en compte l’outil de sélection que représentent les diplômes et explique le déclassement par la tendance des employeurs à sur-sélectionner la main-d’oeuvre jeune. La vision du fonctionnement du marché du travail comme « file d’attente », propre à la théorie de la concurrence pour l’emploi, explique le développement des situations de déclassement par la pénurie d’emplois qualifiés (introduisant donc dans le schéma explicatif des éléments structuraux) sans pour autant enlever à l’individu la capacité stratégique de s’en sortir. À niveau de diplôme donné et pour un type d’emploi défini, en fonction de la longueur de la file d’attente, les individus peuvent, soit prolonger leur attente (choisissant le chômage, par exemple), soit changer de file en postulant pour des emplois moins qualifiés. Enfin, dans la perspective de la théorie de l’appariement, le déclassement est une erreur de parcours dans le processus de transition de l’école au marché du travail ou dans la phase initiale de recherche d’un emploi adéquat et il est censé se résorber avec le temps. Il apparaît évident, et c’est leur principale limite, que ces théories placent sur un plan second l’influence structurelle des systèmes économique et d’éducation et insistent essentiellement sur les mécanismes d’ajustement entre l’offre et la demande ainsi que sur les stratégies des individus pour expliquer et indiquer des solutions aux situations de déclassement.

Quant aux méthodes utilisées pour mesurer le phénomène du déclassement, dans les différents travaux empiriques (Forgeot et Gautié, 1997 ; Hartog, 1997 ; Battuet al., 2000), trois approches sont envisagées.

  1. L’approche subjective (WA – worker self-assessment) repose sur le sentiment des individus à l’égard de leur emploi. C’est le travailleur lui-même qui spécifie le niveau d’éducation requis pour remplir une fonction. En demandant au travailleur de préciser si, par rapport à son propre niveau d’éducation, un niveau de scolarité plus élevé ou moins élevé est requis pour accomplir les tâches de son travail, on peut alors identifier qu’un individu se perçoit comme étant surqualifié ou non.

  2. L’approche objective des concordances réalisées (RM – realised matches) utilise un seuil statistique du déclassement. L’éducation requise est établie à partir de niveaux moyens atteints par les travailleurs occupant un poste ou exerçant une profession. La surqualification est ainsi définie à partir d’une comparaison entre les années de qualification acquises par l’individu et le niveau de qualification moyen à l’intérieur de la profession du travailleur.

  3. L’approche objective de l’analyse du poste de travail (JA – job analysis) est fondée sur l’évaluation des emplois par des analystes d’emploi qui définissent le niveau de qualification et le type d’éducation requis pour chaque occupation. Aux États-Unis, le Dictionary of Occupational Title (DOT) et au Canada, la Classification Nationale des Professions comprennent, dans une perspective adéquationniste, la nomenclature des niveaux de diplômes et des niveaux d’emploi.

Aperçu du déclassement au Québec

À partir de perspectives théoriques différentes et complémentaires mobilisées à divers degrés et de méthodes différenciées (notamment WA et RM), les recherches québécoises ou canadiennes sur la question du déclassement, peu nombreuses (Montmarquette et Thomas, 2003 ; Frenette, 2000 ; Vahey, 2000 ; Lavoie et Finnie, 1997) ont tenté d’appréhender ce phénomène sans toutefois réussir à circonscrire, de manière exhaustive, son étendue et son incidence sur le marché du travail.

Lavoie et Finnie (1997), à partir des données de l’Enquêtenationale auprès des diplômés[8], ont analysé le phénomène de la suréducation pour les cohortes de 1982, 1986 et 1990. Leurs analyses montrent que pour l’ensemble du Canada, dans le cas de la cohorte de 1982, deux années après la fin de leurs études, 40 % des détenteurs d’un baccalauréat, 63 % des titulaires d’une maîtrise et 38 % des titulaires d’un doctorat étaient surqualifiés par rapport à l’emploi détenu. Pour la même cohorte, cinq ans après la fin des études, ces proportions avaient diminué à 25 % pour les détenteurs d’un baccalauréat, à 53 % pour les titulaires d’une maîtrise et à 36 % pour les docteurs. Pour la cohorte de 1986, deux ans après la fin des études, les proportions de surqualifiés étaient de 39 % pour les détenteurs d’un baccalauréat, de 62 % pour les détenteurs d’une maîtrise et de 32 % pour les docteurs. Pour la cohorte de 1990, ces proportions avaient décru à 28 %, 56 % et 28 % pour les trois niveaux de diplômes respectifs.

Dans la perspective de l’approche subjective (WA – worker self-assessment) et à partir des données canadiennes tirées de l’enquête National Survey of Class Structure and Labour Process in Canada (NSCS) de 1982[9], Vahey (2000) a constaté que 30 % des hommes et 32 % des femmes se disent surqualifiés. La surqualification est plus développée pour la catégorie des jeunes, 57 % des hommes et 33 % des femmes entre 18 et 26 ans se considérant comme surqualifiés par rapport à l’emploi qu’ils occupent.

Pour le Québec, les données tirées de l’Enquêtenationale auprès des diplômés et du Suivi de l’enquête nationale auprès des diplômés exploitées par Frenette (2000) selon la même méthode subjective (WA) exposée plus haut, nous offrent quelques éléments d’information sur l’étendue du phénomène de surqualification.

Le tableau 5 fait état des pourcentages de diplômés surqualifiés selon le niveau de scolarité. Les taux de surqualification vont de 27 % à 48 % pour les titulaires d’un diplôme d’études collégiales, d’un baccalauréat ou d’un doctorat. Les taux les plus élevés de surqualifiés s’observent dans le cas des titulaires de maîtrise qui s’étendent de 55 % à 79 % et s’appliquent à l’ensemble des cohortes. Par exemple, 62 % des diplômés masculins ayant obtenu un grade de maîtrise en 1990 étaient, 5 ans après l’obtention de leur diplôme, surqualifiés par rapport à leur emploi. Pour les femmes de la même cohorte, cette proportion était de 55 %. La meilleure situation s’enregistre au baccalauréat où le taux de surqualification était, toujours pour la cohorte de 1990, de 28 % pour les femmes et de 23 % pour les hommes. La forte surqualification dans le cas des diplômés de la maîtrise signifie-t-elle que l’obtention d’une maîtrise est inutile et que le système produit trop de diplômes de ce niveau ? Bien que cette question peut se poser avec pertinence aussi bien sur le plan individuel que social, il faut faire preuve d’une grande prudence si l’on veut donner une réponse affirmative. Comme le signalent Finnie (2001, p. 17) et Frenette (2000, p. 10), il arrive souvent que les employeurs exigent officiellement un diplôme de niveau baccalauréat à l’embauche, mais qu’il soit nécessaire de détenir une maîtrise pour avoir des chances d’obtenir le poste. Cette situation remet en question notamment l’utilisation qui est faite des compétences de ces diplômés.

Tableau 5

Pourcentage des diplômés surqualifiés pour leur emploi principal selon le sexe, cohorte de 1982, 1986 et 1990, Québec

 

Cohorte de 1982

Cohorte de 1986

Cohorte de 1990

1984

1987

1988

1991

1992

1995

H

F

H

F

H

F

H

F

H

F

H

F

Études collégiales

35

32

39

41

37

37

27

31

39

40

37

36

Baccalauréat

29

32

25

28

36

47

29

41

28

31

23

28

Maîtrise

79

71

72

63

68

67

62

67

64

57

62

55

Doctorat

44

---

43

---

35

45

37

39

24

31

26

30

--- : Échantillon trop petit pour présenter les données.

Source : « Enquête nationale auprès des diplômés, différentes années » dans Marc Frenette (2000). Données compilées par les auteurs.

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Dans le cas des diplômés d’études collégiales et de maîtrise, les hommes sont susceptibles d’être plus surqualifiés que les femmes tandis que pour les diplômés du baccalauréat et du doctorat, la tendance est inverse (les femmes sont plus susceptibles d’être surqualifiées que les hommes).

En prenant en compte le champ d’études, les données exploitées par Frenette indiquent une forte surqualification chez les diplômés du collégial en arts et sciences humaines, autres sciences de la santé, en sciences naturelles et zootechnie, en services de protection, en services de secrétariat et en autres services aux entreprises. En revanche, la surqualification est faible chez les diplômés en soins infirmiers et en technologies médicales. Chez les diplômés universitaires, la surqualification est élevée pour les titulaires d’un diplôme en beaux-arts et sciences humaines et dans les autres sciences sociales, ainsi que pour les diplômés de sexe masculin en économie et en sciences agricoles et biologiques. Au contraire, les taux de surqualification sont faibles pour les diplômés en génie et informatique, en droit et en sciences médicales. Au niveau de la maîtrise, les diplômés en éducation affichent des taux élevés de surqualification, alors que la surqualification est relativement faible chez les diplômés des autres sciences de la santé.

Dans l’ordre temporel, les taux de surqualification ont diminué et cette évolution s’effectue de façon constante entre les cohortes de 1982, 1986 et 1990 pour les titulaires de maîtrise et de doctorat. Pour les diplômés du collégial et du baccalauréat, la diminution s’observe entre les cohortes de 1982 et 1990, après une hausse du déclassement pour la cohorte de 1986. Cette situation peut être à la fois attribuable aux acteurs de la demande de travail et à ceux de l’offre de travail. Du côté de la demande, le processus de « relèvement discret des compétences demandées par les employeurs » (Finnie, 2001) a mené à une augmentation plus rapide du niveau de scolarité exigé pour différents types d’emploi que le niveau de diplôme atteint par les diplômés. Par exemple, là où l’employeur aurait exigé auparavant un diplôme de niveau baccalauréat, il exige désormais un diplôme de maîtrise sans pour autant que la nature du travail ait changé (Green, McIntosh, Vignoles, 2000, p. 51). Une meilleure adéquation entre les demandeurs d’emploi et l’offre de travail a été également possible grâce aux informations sur le marché du travail acquises à travers les divers dispositifs publics d’aide à l’insertion, les services d’orientation des écoles et les mécanismes de publicité et de recherche de compétences mis en place par les entreprises. Du côté de l’offre, on peut compter le processus de relatif ralentissement du taux de croissance de la diplomation qui réduit l’afflux des diplômés sur le marché du travail ainsi que les sorties du marché du travail des baby-boomers qui laissent vacants de nombreux postes qualifiés. À cela s’ajoutent les éléments d’une conjoncture économique favorable qui a fait en sorte que le marché du travail au Québec est devenu de plus en plus ouvert.

Montmarquette et Thomas (2003) ont utilisé l’approche objective des concordances réalisées (RM) pour analyser le phénomène de la surqualification, à partir des données des recensements de 1991 et de 1996. Ils ont ainsi comparé les années de qualification acquises par un travailleur avec le niveau de qualification moyen à l’intérieur de la catégorie d’occupation du travailleur[10]. Les auteurs ont ainsi mesuré 1) l’étendue et l’évolution du phénomène de surqualification au Québec à l’intérieur des catégories socioprofessionnelles regroupées ensuite par niveaux d’études[11] et 2) la proportion de personnes surqualifiées à l’intérieur des domaines d’études[12].

Les données du tableau 6 indiquent que les professions qui exigent un degré de scolarité plus élevé sont celles où la surqualification est la moins forte. À l’inverse, dans les professions qui requièrent un plus faible taux de scolarité, on retrouve les plus forts taux de surqualifiés, ce qui peut signifier que les jeunes « préfèrent occuper un emploi pour lequel ils sont surqualifiés plutôt que de ne pas avoir d’emploi » (Montmarquette et Thomas, 2003, p. 19). La surqualification a diminué fortement pour les catégories « personnel administratif et de bureau », « surveillants» et «travailleurs qualifiés » et a augmenté pour toutes les autres. Dans l’ensemble, de 1991 à 1996, la surqualification a diminué d’environ 10 points de pourcentage. En ce qui a trait au niveau d’études, pour la même période, les données exploitées par Montmarquette et Thomas indiquent une diminution de 69 % du taux de surqualification pour le niveau universitaire et de 28 % pour le niveau collégial. Par contre, la surqualification a augmenté de 7 % pour le niveau secondaire. De même, les individus qui détiennent un diplôme du secteur postsecondaire sont plus susceptibles d’être surqualifiés que ceux qui n’en détiennent pas et les diplômés en sciences et en commerce sont moins surqualifiés que les diplômés du domaine des lettres (tableau 7). De 1991 à 1996, la surqualification diminue fortement dans tous les domaines sauf pour la catégorie des non-diplômés du postsecondaire pour qui l’amplitude de la variation est plus faible.

Tableau 6

La surqualification par catégories socioprofessionnelles, Québec, 1991 et 1996 (en %)

Catégories socioprofessionnelles

1991

1996

Professionnels

38,8

---

Cadres supérieurs

18,8

21,7

Semi-professionnels

10,5

12,4

Cadre-intermédiaires

14,2

16,7

Personnel administratif

37,2

5,7

Personnel de bureau

35,9

5,7

Surveillants

33,4

8,6

Personnel intermédiaire

31,6

37,6

Personnel spécialisé

33,3

36,2

Travailleurs qualifiés

36,1

23,5

Contremaîtres

19,1

26,5

Autre personnel

33,9

40,5

Travailleurs manuels

39,5

43,0

Autres travailleurs

40,7

41,8

Total

31,9

22,1

Source : Montmarquette et Thomas (2003). Données compilées par les auteurs.

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La surqualification touche plus les jeunes que les adultes, plus les hommes que les femmes et les personnes mariées plus que les célibataires. La première situation peut s’expliquer par le fait que 1) à l’embauche, le manque d’expérience des jeunes est compensé par un relèvement de la part des employeurs du niveau de diplôme requis pour le poste à combler et 2) les jeunes acceptent plus facilement de travailler en situation de surqualification en la considérant comme temporaire. Dans le deuxième cas, l’effet de la discrimination positive en faveur des femmes augmente, pour les hommes, la probabilité d’être surqualifié, tandis que dans le troisième, les contraintes liées à la mobilité géographique dues au mariage sont susceptibles de faire entrave à l’adéquation entre le niveau de scolarité et l’emploi occupé.

Tableau 7

Pourcentage des personnes surqualifiées selon le domaine d’études, 1991 et 1996, Québec, en %

Données d’études

1991

1996

Lettres

54,6 %

32,7 %

Commerce

52,2 %

26,2 %

Sciences

44,5 %

30,0 %

Aucun diplôme du postsecondaire

15,5 %

13,6%

Total dans la population

31,9 %

22,1 %

Source : Montmarquette et Thomas (2003). Données compilées par les auteurs.

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Facteurs explicatifs du phénomène de déclassement et stratégies d’adaptation

Les données présentées plus haut indiquent un accroissement continu de la certification scolaire ainsi que l’existence au Québec du phénomène de déclassement qui toutefois, depuis le début des années 1990, semble s’atténuer. La proportion de suréduqués demeure néanmoins importante. Quels sont les facteurs explicatifs du phénomène et quelles stratégies les jeunes adoptent-ils pour lui faire face ?

Facteurs explicatifs du déclassement

Deux catégories de facteurs explicatifs peuvent être considérées à la source du phénomène de suréducation. La première catégorie regroupe les facteurs macroéconomiques et la deuxième, ceux liés à l’agrégation des comportements individuels des jeunes.

Sur le plan macroéconomique, un des facteurs explicatifs du déclassement est la hausse de certification de l’offre de travail, qui est due au renouvellementdémographique. La simple action du temps fait en sorte que le niveau de diplôme de la population active augmente indépendamment de la demande de force de travail. La forte tendance à l’allongement des études s’est traduite 1) par une élévation du niveau moyen de formation au fil des générations et 2) par un afflux de plus en plus important de diplômés du postsecondaire (collégial et universitaire) sur le marché du travail. Des générations de plus en plus diplômées se trouvent sur le marché du travail tandis que des catégories âgées, moins diplômées, partent à la retraite. Le renouvellement démographique provoque un phénomène de substitution des individus moins diplômés par des jeunes plus titrés, ce qui se traduit dans un niveau de diplomation moyen plus élevé des actifs occupés[13].

La deuxième explication macroéconomique du déclassement est la hausse du niveau de compétences requises pour un poste. L’augmentation de la part des diplômés au sein des catégories socioprofessionnelles peut en partie découler de la hausse de la demande de formation de la part des employeurs liée au progrès technique et aux nouvelles formes d’organisation du travail (Mercure, 2000). L’évolution des métiers se dirige vers plus de spécialisation (résultat des besoins croissants de professionnels et de techniciens appelés à gérer les innovations technologiques et organisationnelles) et vers plus de polyvalence (résultat du nécessaire fonctionnement en réseau qui requiert de la part des individus une adaptation à des outils plus complexes, une plus grande capacité d’abstraction et des facultés accrues à décider en temps réel). Ces phénomènes se traduisent par une augmentation du nombre de diplômés dans les catégories socioprofessionnelles correspondantes. Par conséquent, les professions font un appel préférentiel à certaines catégories de diplômés parce que leur niveau de qualification l’exige. La hausse de certification comble la pénurie de compétences. Dans ce cas, la production de diplômés est une réponse aux besoins du marché et la hausse de certification correspond à une augmentation des besoins en compétence pour occuper des emplois de plus en plus qualifiés. Sur ce plan, si les prévisions déduites de l’analyse démographique nous informent sur l’évolution de la scolarité, elles ne peuvent pas nous renseigner sur les professions et les types particuliers de compétences qui seront le plus en demande dans l’avenir et cela à cause de l’ampleur du processus de création et destruction d’emplois[14] et des changements inattendus susceptibles de se produire dans le domaine technologique notamment et qui modifieront la demande pour les divers types de travailleurs.

En somme, les situations d’inadéquation entre formation, d’une part, et qualification, d’autre part, menant au phénomène de suréducation résultent d’un décalage entre 1) le rythme de progression du nombre de diplômés et celui des postes de travail qualifiés et 2) le niveau de compétence requis par les professions et les exigences des employeurs en matière de qualification. Dans le premier cas, ce décalage est le résultat d’une plus grande disponibilité des diplômés sur le marché du travail, le flux de production des diplômes, conséquence des politiques de certification du système éducatif, étant indépendant des besoins du marché (Béduwé et Espinasse, 1995). Dans ce cas, les professions absorbent les diplômés dans des proportions dictées par la production du système éducatif. Les structures de compétence des professions ont ainsi tendance à se reproduire en lien direct avec l’offre des diplômés qui sont absorbés par l’économie (qui doit en permanence renouveler ses actifs) mais sans que cela corresponde à un appel au diplôme de la part des catégories professionnelles[15]. Dans le deuxième cas, le déséquilibre résulte des relèvements quantitatifs de la demande de qualification des entreprises, relèvements qui cependant peuvent n’être qu’un effet de l’offre, les structures de compétence des professions ayant tendance à se reproduire proportionnellement à l’offre de diplômés.

Quelle que soit l’origine macroéconomique de la suréducation, le phénomène s’amplifie ou diminue dans le temps comme résultat de l’agrégationdes comportements individuels. Ainsi, pour un individu, la suréducation est souvent une situation temporaire, résultat de la conjoncture économique (insuffisance globale de la demande de force de travail) ou d’une information imparfaite sur le marché du travail susceptible d’ajustement dans le temps. Dans des périodes de rareté relative des emplois, les jeunes sont susceptibles d’accepter plus fréquemment des emplois sous leur qualification, faute de trouver des emplois adaptés à leur formation. Dans ce cas, la croissance économique soutenue est le meilleur remède au déclassement. Dans une perspective basée sur la théorie du capital humain, la suréducation provient d’un choix délibéré, dans la mesure où l’emploi de bas niveau offre une bonne occasion d’investissement. Étant donné l’importance de la formation sur le tas (learning by doing) comme indicateur de compétence, certains jeunes acceptent consciemment un emploi sous leur qualification certifiée afin de pouvoir accumuler de l’expérience professionnelle et bonifier ainsi leur formation initiale. La suréducation offre ainsi aux jeunes des avantages futurs en raison de l’expérience acquise en cours d’emploi et leur permet de progresser vers des postes de niveau supérieur. Plusieurs études (Hartog, 1997 ; Montmarquette et Thomas, 2003) montrent en effet que la suréducation s’atténue avec l’âge et l’expérience. Par ailleurs, la transition entre les études et le travail étant aujourd’hui plus un processus qu’un événement portant une date précise (Finnie, 2001 ; Vultur, 2003), le déclassement se présente souvent comme une situation à court terme qui se résorbe plus tard par un reclassement. Les données fournies par l’étude de Frenette (2000, p. 8-9) montrent justement que la situation d’emploi change entre la deuxième et la cinquième année suivant l’obtention du diplôme et que le déclassement diminue à tous les niveaux de scolarité (excepté les diplômés du collégial pour qui le taux de surqualification augmente au cours de cette période). L’acceptation des situations de déclassement à long terme peut par ailleurs révéler une préférence pour la stabilité de l’emploi au détriment de sa qualité ou de sa rémunération (Trottier, Cloutier et Laforce, 1994).

Stratégies d’adaptation à la dépréciation du diplôme

Le déclassement s’inscrit dans un processus plus large de dépréciation du diplôme. La production accrue de titres scolaires et l’hétérogénéité des filières au sein de chaque niveau de formation a réduit la confiance que les différents acteurs portent dans le système de certification scolaire (Gamel, 2000). Le diplôme « générique » n’est plus perçu comme un passeport automatique pour l’emploi ; il est devenu une condition de plus en plus nécessaire et de moins en moins suffisante pour l’accès à l’emploi et l’exercice du travail.

Face à cette situation, un des comportements adoptés par les jeunes générations est l’allongement des études. Pour éviter les difficultés d’insertion attribuables à un niveau de diplôme jugé insuffisant, on prolonge les études en espérant ainsi se démarquer sur le marché du travail, ce qui en bout de ligne, ne fait qu’accentuer le phénomène de dépréciation. Cette tendance semble en effet s’observer dans la forte croissance relative des effectifs de deuxième cycle universitaire depuis les années 1990 et dans la multiplication des formations complémentaires que l’on se donne pour devenir un candidat plus intéressant aux yeux de l’employeur. Les étudiants qui choisissent l’allongement des études sont guidés dans leur stratégie d’insertion professionnelle par l’espoir (et non pas la garantie) d’obtenir des rémunérations financières et en termes de statuts supérieures à la moyenne[16]. Étant donné le niveau inflationniste de la demande d’éducation, le diplôme universitaire ne peut garantir un niveau de rémunération ou une adéquation formation-emploi, qu’à un certain nombre de diplômés. Mais chaque étudiant pris en particulier n’a pas de raisons de renoncer aux avantages supplémentaires que le diplôme peut lui procurer même si la probabilité d’obtenir ces avantages n’est pas assurée. Lorsque les chances d’obtenir les avantages supplémentaires que le diplôme procure ne sont pas irréalistes, des étudiants ont rationnellement intérêt à prendre le risque des études longues[17].

Les phénomènes de dépréciation des diplômes et du déclassement poussent également les jeunes demandeurs d’emploi à choisir d’autres moyens de signalisation des compétences sur le marché du travail, les diplômes n’étant plus perçus comme le support le plus efficace pour remplir cette fonction (Gamel, 2000). La perte de valeur des titres suscite ainsi des stratégies qui tendent à entériner et renforcer leur dévalorisation au profit des comportements d’acquisition de nouvelles « cartes d’accès » au marché du travail et de l’expérimentation d’autres formes de reconnaissance qui permettent mieux que le diplôme de faire valoir le potentiel dont ils sont porteurs. Pour ceux qui refusent de s’adonner à la course au diplôme ou qui choisissent de faire le saut dans la vie active, l’adaptation à la perte de valeur du diplôme consiste dans des stratégies de développement de nouvelles formes de signalisation des compétences qui concernent notamment le poids accordé, soit à l’expérience, soit aux caractéristiques de personnalité, soit aux repères le plus immédiatement disponibles fondés sur les perceptions aléatoires des recruteurs (Bessy, 1997). Ces stratégies se traduisent souvent dans l’abandon des études. Ainsi, les données statistiques montrent qu’une proportion non négligeable de jeunes quitte le système de formation avant l’obtention du diplôme. L’augmentation du taux de fréquentation scolaire s’accompagne d’un taux élevé de sortie sans diplôme de l’enseignement secondaire et collégial qui a enregistré, depuis 1998, une légère tendance à la hausse. En 2001-2002, 43,1 % des élèves de l’enseignement professionnel au secondaire ont quitté les études sans diplôme et sans s’y réinscrire au cours des deux années qui ont suivi l’année de leur dernière inscription. Au niveau collégial, au cours de la même année, 31,4 % des élèves de la formation préuniversitaire et 42,7 % de ceux de la formation professionnelle ont quitté le système d’enseignement collégial sans diplôme (MEQ, 2003). Les jeunes cherchent des nouvelles « cartes » de signalisation des compétences, autres que les diplômes. Des études empiriques indiquent que les effets de l’expérience viennent concurrencer de plus en plus les effets du diplôme. Ainsi, beaucoup de jeunes Québécois sortis sans diplôme de l’enseignement secondaire ou collégial, interrogés dans le cadre d’une recherche menée à l’Observatoire Jeunes et Société estiment que le taux de rendement d’une année d’études supplémentaire est moindre que celui obtenu en travaillant et acquérant ainsi de l’expérience (Gauthier, Hamel, Molgat, Trottier et Vultur, 2004). Les travaux sur la notion de compétence montrent également que pour beaucoup de jeunes, la compétence individuelle n’est pas seulement une combinaison d’aptitudes acquises au cours de la formation mais aussi la capacité à souscrire à un certain nombre d’obligations implicites liées à des collectifs de travail et au processus de coopération qu’ils engendrent. La compétence concrète est alors indissociable des situations de travail et ne peut être produite par l’école seule (Terssac, 1992).

L’analyse des transformations de la relation entre formation et emploi au Québec montre a) que les diplômes ont tendance à se diffuser vers des catégories socioprofessionnelles où ils étaient moins présents auparavant et qu’ils progressent dans celles où ils étaient déjà bien implantés et b) que la performance en matière de formation et sa diffusion dans le système économique contribuent à alimenter le phénomène de déclassement ou de suréducation. Ce phénomène de nature complexe est structuré socialement par les modes et les politiques éducatives et de gestion de la main-d’oeuvre de même que par les comportements des acteurs sociaux. Ainsi, la concurrence entre divers groupes pour l’hégémonie professionnelle sur le marché éducationnel afin de préserver le monopole d’allocation des ressources et les stratégies mises en place à cet effet (Archer, 1979) de même que l’« épistémologie fautive » (Paquet, 2004) qui façonne les structures de l’éducation, constituent autant de facteurs qui interviennent dans le processus d’interaction entre les systèmes éducatif et économique pouvant contribuer à déséquilibrer l’offre de formation de celle de la demande du marché du travail. Dans la gestion de leur carrière, les jeunes prennent également des options qui ne répondent pas toujours aux besoins de compétences des entreprises et même parfois s’y opposent. Dans cette perspective, les différences de contenu et de temporalité entre les besoins et donc la demande de compétences exprimée par les entreprises et la production de générations diplômées par le système éducatif sont difficiles à anticiper. Le nombre des emplois existant dans les différentes professions et secteurs d’activité et le contenu de ces emplois se transforment rapidement, l’économie ne pouvant pas traiter, à elle seule, le problème du déclassement.

L’augmentation de la diplomation sans égard aux conditions du marché du travail conduit à un gaspillage de ressources intellectuelles et s’accompagne d’une détérioration de la position des moins qualifiés dans le système d’emploi, se traduisant par le phénomène qu’on appelle crowding out (Wolff, 2000). Ces constatations ne devraient toutefois pas nous conduire à penser qu’il y a trop de diplômés au Québec. L’existence de la suréducation ne remet pas en question les bénéfices du système d’éducation en général mais les bénéfices de l’éducation à l’intérieur du marché du travail. Il est sans conteste que l’éducation génère des externalités positives pour l’ensemble de la société et nous devons éviter de la justifier exclusivement en raison de son effet sur la productivité de la main-d’oeuvre. L’éducation est le moyen privilégié pour enrichir la vie des jeunes et en faire de meilleurs citoyens. Néanmoins, s’il est vrai que « plus on éduque, mieux c’est », il importe cependant de voir comment on forme et à quoi. La question de la suréducation et de la dévalorisation des diplômes est essentielle en regard de l’efficacité des politiques éducatives, compte tenu notamment de leur coût, et il nous semble important de s’intéresser de près à la nature des diplômes et à leur niveau quand on s’interroge sur leur adéquation à la demande des entreprises.