Comptes rendus

Étienne Talbot et Bernard Roy, Le Nord à bras-le-coeur. Récits d'infirmières et d'infirmiers, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2015, 187 p.[Notice]

  • Laurie Guimond

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Au plan sociétal, cet ouvrage est incontournable pour les professionnels de la santé et pour quiconque souhaite travailler dans le Nord. Il témoigne de réalités peu documentées, tant au point de vue professionnel (pratique en rôle élargi) qu’au point de vue des migrations des Néo-Nordistes (expériences antérieures et préparatoires, migration proprement dite, expériences post-migratoires). Peu d’outils de la sorte existent, hormis des guides d’information pratique préparés entre autres par des institutions publiques de la santé, des services sociaux et de l’éducation et visant à faciliter l’insertion sociale et professionnelle des praticiens qui séjourneront dans le Nord autochtone et allochtone. L’ouvrage permet également de faire connaître aux populations d’accueil et aux acteurs clés locaux et régionaux, la façon dont l’expérience nordique est vécue par les « sudistes » qui ont choisi de s’établir et de pratiquer leur profession dans leurs communautés. Il s’agit là d’un ouvrage inédit qui justifie la pertinence et le besoin de se pencher sur leurs expériences et parcours nordiques. En dépit de ses qualités et de son apport pratique, la portée scientifique du livre Le Nord à bras-le-coeur demeure limitée, ce qui apparaît surprenant compte tenu des remarquables parcours académiques et empiriques nordiques des éditeurs. Les brefs prologue et épilogue sont utiles, voire nécessaires, mais les clés de lecture qui s’y trouvent sont insuffisantes. L’ouvrage aurait bénéficié, d’une part, d’une note liminaire substantielle présentant le fil conducteur de l’ouvrage en le contextualisant dans la problématique des migrations et des mobilités professionnelles nordiques et des modes d’habiter qui s’y rattachent. Cela en évoquant les défis, entre autres de rétention, que ces mouvements de populations représentent pour les milieux d’accueil autochtones et allochtones. Une carte situant l’ensemble des communautés au nord du 49e parallèle aurait été un atout pour le lecteur non averti. Un détour méthodologique aurait bonifié l’interprétation des récits de vie (processus de recrutement des participants à l’ouvrage, mandat qui leur a été soumis, etc.). D’autre part, une synthèse étoffant l’ensemble des parcours migratoires qui sont présentés aurait fait ressortir les principales tendances et conféré une plus grande portée à l’ouvrage. En outre, une telle synthèse aurait permis d’apporter des éléments nuancés quant à la typologie tripartite réductrice des « expatriés » nordistes souvent véhiculée, à savoir les missionnaires, les mercenaires et les marginaux/mésadaptés, rappelée par l’une des auteures (p. 55-56). Les tendances transversales, dont certaines sont évoquées dans l’épilogue, sont pourtant aisément décelables à la lecture des récits des infirmières et infirmiers du Nord. En voici quelques-unes qui concernent le rôle déterminant : Au-delà de ces aspects lacunaires et de quelques coquilles, Le Nord à bras-le-coeur devrait être lu par tous les infirmières et infirmiers du Nord, actuels ou aspirants, ainsi que par les professionnels nordistes d’autres secteurs, car il décrit moult stratégies d’insertion et recèle autant de leçons à tirer des expériences de vie des « sudistes » qui s’établissent dans le Nord. Étayé par des témoignages qui ont nécessité une intime analyse de soi, il a le mérite de permettre une incursion dans les dits et non-dits de l’expérience de la nordicité.