Grand entrepreneur en organisations catholiques en tous genres, le jésuite Joseph-Papin Archambault mettait sur pied, en 1913, la Ligue des droits du français, d’où émergeait un périodique en 1917, L’Action française. Il en confiait la direction au journaliste Omer Héroux, tandis que Lionel Groulx en prenait rapidement la direction intellectuelle. Traumatisés par la condamnation papale, en 1928, du quotidien français homonyme – mais nullement homologue – les responsables troquèrent leur raison sociale pour L’Action canadienne-française, qui ne fit pas de vieux os. En 1933, toutefois, Esdras Minville, alors professeur aux HEC, relançait le périodique – à l’instigation plausible de Groulx, ce que l’histoire ne dit pas – sous le titre L’Action nationale, maintenant centenaire. Considérant que le premier demi-siècle de la revue a été retracé par quelques historiens, Lucia Ferretti ne s’y attarde pas et nous propose plutôt la suite de l’histoire. Tout juste nous fournit-elle quelques points de repère, sans donner notamment de précisions sur « la crise qui a failli la tuer dans les années 1950 » (p. 22) ni signaler qu'André Laurendeau en fut le directeur de 1937 à 1943 et de 1949 à 1953 (avec un mandat de député entre les deux). On apprend que François-Albert Angers quitte la direction en 1967 (p. 22) et seulement plus loin qu’il l’assumait depuis 1959. Elle ne dit rien non plus de la Ligue qui a relayé celle de 1913, ni ne précise son rapport avec la revue. Le lecteur aurait apprécié qu’on lui ouvre un peu plus de champ, dans une « Introduction » – dont Ferretti fait l’économie – qui aurait repris succinctement l’histoire de ce premier demi-siècle. Le début de ce qui deviendra pour L’Action nationale son second demi-siècle coïncide avec une conjoncture marquante, si ce n’est un évènement charnière, de l’histoire du Québec. C’est l’année d’Expo 67 et des remises en question constitutionnelles au moment du centenaire de la Confédération : Commission interprovinciale Robarts, Rapport Laurendeau-Dunton, tome 1, Assises nationales des États généraux du Canada français, précédées du « Vive le Québec libre » de juillet. Puis ce sera la fondation du Parti québécois et la crise linguistique de Saint-Léonard, avec en contrepoint l’effervescence contre-culturelle et la floraison des groupes marxistes. Pour la revue, c’est aussi la mort de Groulx en mai 1967 et celle de Laurendeau en juin 1968, qui enterrent symboliquement son demi-siècle. La conjoncture se ferme avec la crise d’Octobre 1970, alors que s’amorce l’ère de centralisation outaouaise, du néolibéralisme et des « droits » de l’individu, où se dissolvent les libertés et les privilèges. Puis le verrou de la Constitution de 1982. Bien que L’Action nationale « porte le grand projet des États généraux » (p. 18), auxquels elle « apporte un concours essentiel » (p. 20), Ferretti n’en traite pas non plus, se bornant à quelques informations, en indiquant notamment que la revue leur a consacré trois gros numéros. Le premier, en novembre 1967, reproduisait les documents de travail préliminaires aux assises nationales du même mois, dont les actes sont publiés en février 1968. Finalement, les actes des assises de mars 1969 paraissaient en mai-juin, dans un fort volume de 650 pages. Les États généraux « réunirent 2 400 délégués élus par 29 000 associations [...] À travers eux, c’est une nation mobilisée pour la première fois de son histoire invitée à s’exprimer sur les questions constitutionnelles » (p. 21), conclut Ferretti. La cité historienne n’a guère davantage traité le sujet. Rien, bien sûr, dans le gros Durocher/Linteau, que la question nationale n’intéresse pas; un paragraphe dans L’Histoire du Québec pour les nuls d’Éric Bédard, sous le chef « …
Lucia FERRETTI, L’Action nationale. Le long combat pour le Québec, Del Busso, 2019, 314 p.[Notice]
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Nicole Gagnon
Professeur de sociologie à la retraite, Université Laval