Comptes rendus

Hughes Théorêt, La peur rouge. Histoire de l’anticommunisme au Québec, 1917-1960, Québec, Septentrion, 2020, 215 p.[Notice]

  • Marcel Fournier

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Spécialiste de l’histoire des mouvements politiques d’extrême droite au Québec, Hughes Théorêt a consacré sa thèse de doctorat, qui est devenu son premier livre, aux chemises bleues d’Adrien Arcand. Il s’intéresse aujourd’hui au communisme. Donc d’un côté le fascisme et de l’autre, le communisme : ce sont deux faces du « grand malheur du siècle », qui, pour reprendre le titre de l’ouvrage d’Alain Besançon, ont ébranlé dangereusement les fondations de l’Europe. Le Québec comme le Canada ont participé à la Seconde Guerre mondiale, mais de loin : ils n’ont pas été directement confrontés à ces deux « dangers », fort différents l’un de l’autre. Nous avons surtout eu peur du communisme, qui est apparu comme une « menace », un « péril », une « plaie saignante ». Théorêt s’intéresse moins au mouvement communiste lui-même qu’à la peur qu’il a suscitée au Québec et au Canada. C’est, à ses yeux, un mouvement si important qu’il constitue même la « clé qui permet de comprendre le Québec pendant trois décennies » (p. 14). Aussi, regrettant le très peu d’ouvrages consacrés à la question de l’anticommunisme, l’auteur entend réparer cette lacune. De l’anticommunisme il est habituellement question, quoique souvent rapidement, dans tout ouvrage d’histoire générale du Québec sur les décennies 1930, 1940, 1950. Comme le note Théorêt, il en est largement question dans mon Communisme et anticommunisme au Québec, qui porte plus spécifiquement sur l’histoire du Parti communiste au Québec, son idéologie, son organisation, ses membres, ses actions. Théorêt fournit une étude assez exhaustive de l’histoire de l’anticommunisme au Québec grâce au dépouillement de plusieurs journaux et revues et aussi d’archives diverses, celles par exemple du Musée de la police du Service de police de la Ville de Montréal et du Séminaire de Trois-Rivières, fonds Maurice Duplessis. Je me limiterai à trois commentaires. Le premier concerne la période analysée, assez longue, presque trop : de l’année de la Révolution Russe en 1917 à celle de la mort du premier ministre Maurice Duplessis en 1959. La fondation du Parti communiste du Canada date de 1924 et son déclin coïncide largement avec l’Affaire Gouzenko marquée par l’arrestation et la condamnation de Fred Rose au milieu et à la fin des années 1940. Or s’agissant de l’anticommunisme au Québec, on voit bien que ses « belles » années sont celles des décennies 1920, 1930 et 1940. D’ailleurs, les données que collecte Théôrêt pour les revues et journaux (les tracts de l’École sociale populaire, Jeunesse, L’Action nationale, Le Devoir, la Presse, La Patrie) couvrent précisément ces décennies, tout se passant comme si la peur du communisme était fonction de son dynamisme au Québec et au Canada. Un dynamisme, certes, fort relatif mais qui, comme l’indique le titre de l’ouvrage, faisait peur. Toute la question est de savoir quelle fonction a pu remplir cette peur au Québec dans les années 1920-1940. D’un côté Théorêt montre combien actifs et inventifs furent les militants communistes, mais de l’autre il défend la thèse selon laquelle pendant la première moitié du 20e siècle au Québec, la « peur rouge » n’aura été finalement qu’un « épouvantail » (p. 207). Il n’y aurait donc pas de raison d’en faire tout un plat! Mon deuxième commentaire touche la distinction entre « anticommunisme religieux » et « anticommunisme de plume », qui est floue : s’agit-il de distinguer les auteurs ou le contenu des interventions? Les interventions d’un laïc tel Esdras Minville tout comme les déclarations des évêques et des textes de la revue mensuelle de l’École sociale populaire sont présentées dans deux chapitres distincts. Une analyse sociologique plus fine …