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L’élection québécoise de 2018 marque une rupture. Pour la première fois en près de cinq décennies, un nouveau parti a pris le pouvoir. L’élection de la Coalition avenir Québec (CAQ) s’est produite après une ouverture lente et progressive du système partisan québécois. Amorcée dès 2003, cette ouverture s’est réalisée aux dépens du Parti libéral du Québec (PLQ) et du Parti québécois (PQ), puisque seuls ces deux partis s’échangeaient le pouvoir depuis 1970.

Avec l’institutionnalisation de l’Action démocratique du Québec (ADQ), aujourd’hui intégrée à la CAQ, puis avec celle de Québec solidaire (QS), un réel multipartisme s’est progressivement installé à l’Assemblée nationale. Au sujet de l’élection de 2012, Bastien, Bélanger et Gélineau soulignaient d’ailleurs :

Le dernier réalignement en date est survenu à la suite de l’introduction, par René Lévesque et son parti, le PQ, de l’enjeu de la souveraineté du Québec dans le débat politique. On constate toutefois que le bipartisme PLQ-PQ connaît aujourd’hui des signes d’affaiblissement.

Bastien, Bélanger et Gélineau, 2013, p. 11

On aurait donc assisté à un réalignement graduel de l’électorat et des forces politiques, mais aussi des enjeux structurant le débat politique; le résultat électoral de 2018 en serait l’aboutissement.

Lors de ce scrutin, le statut constitutionnel du Québec n’aura effectivement pas été un enjeu central et ce, pour une grande partie de l’électorat. Un sondage postélectoral mené par la sociologue Claire Durand (2019) dès le lendemain de l’élection révélait que le changement était le principal enjeu ayant mobilisé les électeurs de la CAQ. Dans les raisons données expliquant le vote selon le parti politique, les électeurs de la CAQ et de QS étaient moins de 1 % à identifier la question nationale comme un enjeu structurant. Ce chiffre s’élevait à près de 14 % chez les électeurs du Parti québécois et à 7 % chez les électeurs libéraux. Cette érosion sur la question de l’indépendance, qui structurait le système partisan québécois, est d’ailleurs documentée (Mahéo et Bélanger, 2020; Grégoire, Montigny et Rivest, 2016; Dufour et Montigny, 2020). Daoust et Jabbour (2020) constatent également une érosion importante depuis 2007, qui doit cependant être nuancée puisque cet enjeu mobilise encore une certaine partie de l’électorat. L’élection de 2022 permettra donc de mesurer si le réalignement observé en 2018 est durable.

Or, cette transformation du système partisan a jusqu’à maintenant entraîné la perte du statut de parti dominant du Parti québécois (PQ). Auparavant principal vecteur du nationalisme québécois, il fut relégué au statut de quatrième parti représenté à l’Assemblée nationale. Il est même remplacé depuis 2018 par une Coalition avenir Québec (CAQ) au pouvoir qui porte un programme autonomiste. Illustrant le déclin du nationalisme indépendantiste comme élément électoral structurant, le nationalisme autonomiste de la CAQ s’exprime plutôt dans le contexte fédéral canadien. En parallèle, en supplantant le PQ en nombre de députés tout en le dépassant sur sa gauche, Québec Solidaire (QS) a mis fin à l’hégémonie partisane du parti de René Lévesque sur le mouvement souverainiste.

Des évènements historiques marquants ont eu un impact considérable sur la popularité de l’option indépendantiste, tout comme la socialisation politique avant l’âge adulte (Vallée-Dubois, Dassonneville et Godbout, 2017). Un déclin de l’option s’opère néanmoins depuis le référendum de 1995. Il s’accompagne particulièrement d’une baisse de l’appui à l’indépendance parmi les nouvelles générations (Dufresne, Tessier et Montigny, 2019; Mahéo et Bélanger, 2018). En décrivant comment le développement économique et social du Québec aurait privé les indépendantistes d’un puissant levier de mobilisation, Langlois (2018) avance d’ailleurs que le mouvement indépendantiste serait « victime » de sa réussite.

Le déclin de l’indépendantisme ne marquerait cependant pas nécessairement le déclin du nationalisme québécois. Bélanger, Nadeau, Henderson et Hepburn (2018) soulignent que la promotion de l’identité et des intérêts régionaux sont toujours portés par les partis politiques québécois. La question nationale joue encore un rôle clé dans la structuration du comportement électoral au Québec. Le nationalisme incarné par la CAQ ne serait d’ailleurs pas étranger à son élection (Cossette-Lefebvre et Daoust 2020).

Plusieurs travaux rappellent aussi que le nationalisme s’est manifesté différemment au Québec selon les époques. Bref, il évolue dans le temps. Bouchard (2013) évoque dans sa description succincte du mythe national fondateur québécois des images aussi familières que tragiques. Le Québec francophone des années 1840-1940 y est décrit comme une petite nation victime, abandonnée par la France et battue par les Britanniques, regrettant son âge d’or d’avant la Conquête et vouée à un destin fait de marginalité et de craintes d’anglicisation. Selon Balthazar (2013, p. 137), ce n’est qu’à l’approche de la Révolution tranquille des années 1960 qu’il migrera de la souche canadienne-française catholique, née pour un petit pain, à un modèle de nation axé sur un État séculier qui se ferait « un instrument d’émancipation collective ».

Toujours selon Balthazar (2013, p. 141), les Québécois seraient toutefois ambigus quant à ceux qui font partie de cette collectivité. Si celle-ci ne se limite plus à l’origine ethnique canadienne-française, la maîtrise de la langue française et un certain attachement à la culture nationale constitueraient des critères d’inclusion majeurs. À ce propos, Rousseau (2016) note qu’il s’installera dès la Révolution tranquille une tension entre nation et religion. La nation qui a fait de la laïcité l’une de ses valeurs cardinales ne « pense pas » le fait religieux, qu’il s’agisse de sa propre identité historique ou de l’aménagement du vivre-ensemble dans un contexte de pluralisme. Cet « impensé » se retrouvera, des décennies plus tard, en 2014, au centre du débat sur la Charte des valeurs du gouvernement du PQ. Celui-ci opposera deux factions nationalistes qui revendiquent le monopole du discours normatif sur la nation, soit les libéraux-pluralistes et les républicains-conservateurs. Cela aura pour effet, selon Mathieu et Laforest (2016), de diviser profondément la coalition nationaliste-indépendantiste de l’époque, qui ne semble plus s’entendre sur la nature de son projet de pays. Cela dit, Blanchet et Medeiros (2019) soutiennent que le nationalisme québécois se distingue bel et bien des mouvements populistes de droite qui s’étendent dans de nombreuses sociétés occidentales.

En réponse au nationalisme indépendantiste, Balthazar (2001) décrit un nouveau nationalisme autonomiste. Celui-ci viserait au maintien et l’émancipation d’une identité nationale ou régionale, sans pour autant déboucher sur l’accession à la souveraineté entendue dans son sens classique. Boily (2009) ancre plutôt le nationalisme de cette troisième voie alors portée par l’ADQ de Mario Dumont dans la poursuite d’une tendance plus ancienne, celle de l’Union nationale (UN). Cet autonomisme insiste sur la volonté d’établir des relations bilatérales et d’égal à égal avec le Canada, souhaitant explicitement la réouverture du dialogue constitutionnel, sans toutefois amorcer de démarches vers l’indépendance. D’ailleurs, Gagnon et May (2009) avancent que l’autonomie était alors présentée (par Dumont) comme un juste milieu entre le fédéralisme incarné par les libéraux et la souveraineté prônée par le PQ (Gagnon et May, 2009).

En opposition au sécessionnisme, Keating (2012) considère que l’autonomie porte en elle le potentiel de négocier des formes complexes de partage du territoire qui dépasseraient les dynamiques de souveraineté, de possession ou de colonie. Dans ses travaux, Lecours va plus loin et analyse le caractère dynamique de l’autonomie. Là où s’observe une possibilité réelle et constante d’accroître l’autonomie d’une juridiction, cette autonomie devient un obstacle à l’indépendance. En revanche, une autonomie statique, stimulerait les mouvements indépendantistes. Il présente d’ailleurs la reconnaissance de la nation québécoise par le parlement canadien comme une mesure ayant eu un effet d’apaisement (Lecours, 2014; 2020).

En plus d’établir des distinctions conceptuelles et d’illustrer les racines historiques des courants souverainistes et autonomistes du nationalisme québécois, cet article vise à comprendre l’évolution récente du nationalisme québécois. Plus précisément, repose-t-il sur de nouvelles bases? Nous suggérons que oui et formulons trois propositions :

  • P1) Le déclin du clivage Oui-Non sur la question de l’indépendance ne se traduit pas par un déclin de la présence du nationalisme québécois dans l’espace public.

  • P2) Le nationalisme québécois est désormais dominé par sa composante autonomiste qui s’appuie sur des éléments de discours récurrents.

  • P3) Le nationalisme autonomiste québécois contemporain n’est pas statique, mais dynamique.

Méthodologie

Pour vérifier la validité de ces propositions, nous avons procédé à une analyse documentaire des programmes électoraux de 2018 et à une analyse de discours. Nous avons donc procédé sur la base d’une démarche inductive. Selon Fortin-Dufour et Richard, « [c]ette stratégie se caractérise par le recours à des procédures systématiques d’identification des thèmes qui sont fréquents, récurrents, dominants ou significatifs dans les données » (Fortin-Dufour et Richard, 2017, p. 45). Deux des principes sur lesquels repose cette stratégie seraient : « 1) l’analyse des données est guidée à la fois par les objectifs de la recherche (logique déductive) et par l’interprétation des données brutes (logique inductive); 2) la principale fonction de l’analyse est le développement de catégories qui permettent de saisir le processus ou le phénomène à l’étude » (Idem).

Cette analyse de discours repose d’abord sur une base de données que nous avons développée à l’aide de l’outil Euréka. Nous avons ainsi réuni tous les articles francophones publiés au Québec depuis 2012. Pour constituer notre corpus, nous avons ensuite retenu les déclinaisons de « nationalisme » et « nationaliste » en utilisant le mot-clé « nationalis* ». Furent exclus les mots « nationalisation » et « nationaliser ». À cela s’ajoutent des extraits de discours et de conférences de presse de François Legault en lien avec le nationalisme québécois. Pour les textes de conférences de presse et de discours, nous avons retenu ceux disponibles sur le site de l’Assemblée nationale du Québec pour la même période.

En ce qui concerne l’analyse des programmes des partis, nous avons utilisé la base de données PolText. Les programmes de partis apparaissent d’ailleurs comme « les documents les plus représentatifs des positions défendues par les partis » (Pétryet al., 2017, p. 245). En lien avec nos propositions, notre objectif est ici d’évaluer la présence ou non d’enjeux associés au nationalisme québécois lors de l’élection de 2018 et ce, selon les partis. Nous procédons donc à une analyse manuelle sur la base d’une grille de codage construite en lien avec différentes dimensions associées au nationalisme.

Nous avons enfin utilisé notre base de données afin de comprendre la nature du nationalisme autonomiste de la CAQ. Cet exercice a permis d’identifier des catégories thématiques. Là aussi, nous avons procédé à une analyse manuelle de chacun des articles et discours. Des catégories ont ensuite été développées sur la base de la fréquence et de la récurrence des thèmes ciblés par le chef de la CAQ. Nous présenterons dans cet article les extraits les plus représentatifs associés à chacune de ces catégories.

Un poids médiatique accordé au nationalisme en croissance avant la pandémie

On pourrait croire instinctivement que le déclin de l’appui à l’indépendance du Québec s’accompagne nécessairement du déclin du nationalisme québécois. Pour évaluer la saillance du nationalisme au Québec en lien avec notre proposition P1, nous avons d’abord mesuré sa présence dans les médias écrits francophones. Sur la base de notre corpus construit avec Euréka, nous avons effectué une recherche plus précise avec les mots-clés : « nationalisme », « nationaliste » et « Québec ». Nous avons ensuite associé ces mots-clés à chacun des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale. Pour pouvoir effectuer une analyse longitudinale, nous avons procédé ainsi pour chaque année de 2012 à 2020.

Le graphique 1 permet d’illustrer l’évolution du nombre d’articles associés au nationalisme québécois pendant la période étudiée. On note une croissance constante du nombre total d’articles à partir de 2013, puis une hausse marquée de 2017 à 2019. La baisse observée en 2020 pourrait être attribuable à la pandémie. Ceci dit, le nombre d’articles abordant la question du nationalisme québécois demeure plus élevé qu’en 2017. Depuis le début de la période étudiée, celle qui coïncide avec la naissance de la CAQ et sa fusion avec l’ADQ, nous constatons une présence accrue du thème du nationalisme québécois dans les médias écrits francophones du Québec.

Graphique 1

Évolution du nombre d’articles sur le nationalisme québécois dans les médias écrits francophones

Évolution du nombre d’articles sur le nationalisme québécois dans les médias écrits francophones
Source : Calcul des auteurs - Euréka

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Une analyse plus fine des articles sélectionnés, cette fois en lien avec chacun des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale permet également d’observer l’évolution de l’association du nationalisme à chacun d’eux. On observe ainsi qu’en 2012 et 2013, le thème du nationalisme demeure moins présent dans l’actualité, et ce peu importe le parti auquel il est associé. Ce n’est qu’à partir de 2014 que le PQ se démarque, sans doute au rythme des différentes courses à la succession de la cheffe démissionnaire Pauline Marois. À compter de 2015, on note aussi une augmentation du nombre d’articles associant le nationalisme à la CAQ, tant et si bien qu’à partir de 2017, ce parti supplante le PQ à cet égard. Cette nouvelle tendance coïncide avec le virage nationaliste/autonomiste pris par la CAQ lors de son conseil général de l’automne 2015, puis de son congrès en 2016. En préparation de la campagne électorale de 2018, ces nouvelles orientations furent rassemblées dans un document : Un nouveau projet pour les nationalistes du Québec[1].

Le graphique 2 présente le poids total des articles portant sur le nationalisme québécois selon les partis et ce, pour la période de 2012 à 2020. Il s’agit de la somme des articles identifiés à chaque parti pour l’ensemble de la période. Cela illustre que le thème est davantage associé au PQ et à la CAQ qu’au PLQ et à QS. Sept articles sur dix sont d’ailleurs associés soit à la CAQ, soit au PQ.

Graphique 2

Poids total des articles sur le nationalisme québécois pour la période de 2012 à 2020 selon les partis

Poids total des articles sur le nationalisme québécois pour la période de 2012 à 2020 selon les partis
Source : Calcul des auteurs - Euréka

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Que doit-on retenir de ces données? Dans un premier temps, le thème du nationalisme québécois demeure bien présent dans la presse écrite francophone. À compter de 2017, il y est même en nette croissance. On observe également une compétition entre le PQ et la CAQ pour s’emparer de l’enjeu. La CAQ supplante d’ailleurs le PQ en 2018. Ces données comportent cependant certaines limites interprétatives qu’il importe de préciser. D’abord, elles ne tiennent pas compte de la différence dans la couverture médiatique dont peuvent bénéficier les partis selon le contexte politique. Ainsi, le PQ a connu trois courses à la chefferie fortement médiatisées pendant la période et a également occupé le pouvoir de 2012 à 2014, avant de devenir le troisième groupe d’opposition quelques années plus tard. La CAQ, quant à elle, a remporté l’élection de 2018. Notons que nous nous sommes également limités aux mots-clés « nationalisme » et « nationaliste ». Ceci dit, force est de constater que depuis 2012, le thème du nationalisme n’est pas en déclin dans le débat public. On aurait donc tort de croire que le déclin électoral du PQ ou de l’appui à l’indépendance se traduit par le rétrécissement de l’espace occupé par les questionnements sur le nationalisme québécois dans les médias de la presse écrite francophone.

La présence du nationalisme dans les programmes électoraux de 2018

Pour analyser les programmes électoraux à l’élection de 2018, nous avons utilisé la base de données PolText[2]. Nous y retrouvons les engagements électoraux des quatre partis politiques représentés à l’Assemblée nationale. Nous avons procédé à un codage manuel des plateformes. Sur la forme, les documents du PQ et de QS sont des documents classiques alors que ceux du PLQ et de la CAQ reposent plutôt sur un format d’engagements électoraux publiés chaque jour de campagne. Dans le cas de la CAQ, s’y ajoutent des éléments Web.

En lien avec notre proposition P1, cette analyse nous permet d’identifier le positionnement électoral de ces partis sur les 6 principaux enjeux que nous avons associés au nationalisme québécois. Il s’agit de 1) statut du Québec, 2) nationalisme économique, 3) politiques culturelles, 4) politiques linguistiques, 5) politiques en immigration et 6) gestion de la diversité\laïcité.

Au tableau 1, nous constatons que tant le PQ que la CAQ ont choisi de présenter une position électorale en lien avec ces six thèmes. QS se positionne sur 5 des 6 enjeux. Dans son cas, seul le nationalisme économique n’y est pas directement invoqué. Le parti de gauche insiste plutôt sur une refonte de l’économie capitaliste et sur certaines nationalisations. De son côté, le PLQ n’aborde le dossier de l’immigration qu’en lien avec la pénurie de main-d’oeuvre dans certains secteurs de l’économie.

Tableau 1

Principaux thèmes associés au nationalisme québécois présents dans les engagements électoraux de 2018

Principaux thèmes associés au nationalisme québécois présents dans les engagements électoraux de 2018

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L’examen des plateformes électorales des principaux partis illustre que les enjeux associés au nationalisme québécois demeurent d’actualité. En 2018, seul le PLQ semble avoir choisi de ne pas occuper ce terrain. En lien avec ces thèmes, nous présentons des extraits pertinents, tous issus de PolText (2018) [3].

Sur la question du statut politique du Québec, les engagements de la CAQ se résument ainsi : « Davantage d’autonomie pour le Québec à l’intérieur du Canada et l’objectif d’une reconnaissance constitutionnelle pleine et entière en tant que nation » (CAQ, document Poltext, 2018, p. 61). QS insiste sur la nécessité de l’indépendance du Québec qui se réaliserait après une démarche initiée par une assemblée constituante. Conséquemment : « Québec solidaire utilise à la fois les termes souverainiste et indépendantiste pour décrire sa position sur la question nationale québécoise » (Québec solidaire, p. 82). De son côté, le Parti québécois a proposé de ne pas tenir de référendum sur la souveraineté du Québec dans un premier mandat. Cela dit, « un gouvernement du Parti Québécois remettra à jour les études sur l’indépendance » (Parti québécois, p. 28).

Dans les mois qui ont précédé l’élection, le gouvernement dirigé par le PLQ s’est rapidement trouvé sur la défensive en lien avec la vente d’entreprises québécoises à des intérêts étrangers. Tant la CAQ que le PQ ont intégré une dimension de nationalisme économique à leurs engagements électoraux. Par exemple, le PQ insiste : « C’est avec déception que nous avons vu partir de trop nombreux fleurons québécois à l’étranger » (PQ, p. 11). De son côté, la CAQ a fait du rattrapage du niveau de richesse face à ses principaux voisins un thème récurrent. Cela passe notamment par une plus grande autonomie alimentaire, avec « des produits locaux en évidence dans nos épiceries et dans nos institutions » (CAQ, document Poltext, p. 2).

Quant aux politiques culturelles, la CAQ proposait d’accroître le soutien au rayonnement des artistes québécois, en sol québécois comme à l’étranger. Elle proposait aussi « plus d’activités culturelles à l’école » (CAQ, document Poltext, p. 61). De son côté, le PQ affirme que l’État « sera au service de sa culture ». Il précise que l’État « valorisera nos artistes et nos créateurs dans l’expression de leurs talents – pour chanter, écrire, dire et interpréter le Québec d’hier, d’aujourd’hui et de demain… » (PQ, p. 17). QS insiste plutôt sur l’accès à la culture : « Dans un Québec de gauche, l’art pour tous et toutes, c’est des conditions favorables à la réappropriation de la créativité de l’ensemble des citoyennes et citoyens » (QS, p. 53). La perspective de QS se rapproche de la démocratie culturelle (la réhabilitation de toutes les cultures), tandis que celles de la CAQ et du PQ semblent verser davantage dans la démocratisation de la culture (accès au plus grand nombre).

En matière linguistique, le débat québécois repose sur la protection et la promotion de la langue française dans le contexte nord-américain. Pour le PQ, « le français, c’est la sève qui coule dans nos veines depuis plus de 400 ans » (PQ, p. 17). Il promettait notamment de garantir l’usage du français dans les milieux de travail. L’engagement de QS prenait la forme suivante : « Un gouvernement solidaire prendra des mesures pour assurer une réelle prédominance du français dans tous les espaces voués à la vie collective » (QS, p. 80). Quant à la CAQ, elle promettait d’« assurer le statut du français comme langue commune au Québec » (CAQ, document Poltext, p. 62) en donnant notamment « [u]n mandat renforcé pour l’Office de la langue française afin de coordonner un vigoureux effort de francisation au Québec ».

Le dossier de l’immigration est un thème électoral plus récent que celui de la langue, mais qui demeure intimement lié au dossier linguistique pour trois partis sur quatre. La CAQ a précisé que « le Québec est ouvert à l’immigration, mais les seuils doivent refléter notre capacité d’accueil et d’intégration » (CAQ, document Poltext, p. 61). Cela impliquait une meilleure reconnaissance des diplômes étrangers, mais aussi une réduction des seuils d’immigration, le temps de réformer la sélection et les outils de francisation. De son côté, le PQ proposait de « dépolitiser » la fixation des seuils d’immigration en confiant ce mandat à une autorité indépendante. Il proposait d’exiger des nouveaux arrivants « une connaissance intermédiaire du français avant leur arrivée au Québec » (PQ, p. 16). QS insistait sur les services et les outils de francisation : « Dans la durée, la défense de la langue française dans la société québécoise implique une intégration réelle de la population immigrante » (QS, p. 81). Le PLQ traite plutôt de l’immigration comme un enjeu de nature économique, voyant que « la pénurie de main-d’oeuvre est le principal défi économique du Québec » (PLQ, Communication de presse, 10 septembre 2018). Dans ce contexte, l’immigration était présentée comme une solution essentiellement économique, tout comme l’éducation et l’automatisation.

Que ce soit sous l’angle du pluralisme, de la laïcité ou du vivre-ensemble, la gestion de la diversité fut mise de l’avant dans trois plateformes sur quatre. La CAQ a proposé qu’« après 10 années de débat sur les signes et les accommodements religieux, il est plus que temps d’agir et d’adopter une véritable loi sur la laïcité de l’État » (CAQ, document Poltext, p. 61). Cela se traduira par l’interdiction du port de signes religieux au personnel de l’État en position d’autorité, incluant les enseignants. Le parti proposait aussi un « examen de connaissance des valeurs québécoises » pour assurer « une meilleure intégration des nouveaux arrivants à leur société d’accueil », et ce, puisque « toute société doit savoir se réunir autour de valeurs communes ». Quant à QS, le parti proposait alors « la laïcité complète de l’État et des services publics, du système judiciaire et du système d’éducation[4] » (QS, p. 7). Sur le plan de la diversité, sa plateforme de 2018 précisait qu’« un gouvernement solidaire prendra tous les moyens pour lutter efficacement contre l’exclusion, le racisme, le profilage racial et la xénophobie qui, avec le sexisme et l’homophobie, représentent autant d’entraves à la construction d’un Québec diversifié, pluraliste et inclusif » (QS, p. 78). Le PQ prend un engagement similaire. Il propose également de faire « du vivre-ensemble un projet ayant pour but de transformer les rêves en succès par des mesures facilitant l’intégration et l’accès à l’emploi pour celles et ceux qui se joignent à la collectivité québécoise » (PQ, p. 16). En faveur d’un « État laïque », le PQ promet « des balises claires en matière d’accommodements et de port de signes religieux » (PQ, p. 16).

Lors de la campagne électorale de 2018, trois des quatre partis représentés à l’Assemblée nationale ont intégré dans leur plateforme des éléments liés à au moins cinq des thèmes que nous avons identifiés en lien avec le nationalisme québécois. Seul le PLQ a fait bande à part. Au-delà de sa position traditionnelle en faveur de l’unité canadienne, le parti a pourtant été au coeur de l’évolution nationaliste du Québec. En 1962, il a même fait campagne sur le thème « Maîtres chez nous ». L’époque où il fut dirigé par Philippe Couillard tranche donc avec celles de ses prédécesseurs. Quelques mois avant le rendez-vous électoral, il attaquait d’ailleurs ses principaux adversaires sur le front identitaire. Il s’exprimait ainsi sur le chef du PQ : « Le nationalisme prôné par Jean-François Lisée en est un d’assiégé et de peureux, proche des partis populistes d’Europe » (Richer, 2016). Sur le chef de la CAQ, il déclarait : « Je crains fort, M. le Président, que la deuxième opposition souffle encore une fois, comme ils l’ont déjà fait, sur les braises de l’intolérance » (Gagné, 2016).

Ces échanges, tout comme notre analyse du contenu des plateformes électorales, témoignent de la présence de thèmes associés au nationalisme québécois dans la campagne électorale de 2018. Autrefois centrale et structurante, la question du statut du Québec fut cependant reléguée à un thème parmi d’autres.

Les principaux attributs du nationalisme de la CAQ

Par son caractère post-souverainiste, le nationalisme autonomiste pratiqué par la CAQ marque une rupture avec le nationalisme indépendantiste du PQ. Il s’ancre dans le courant autonomiste qui vise à accroître l’autonomie du Québec au sein du cadre fédératif canadien. En cela, il reprend des objectifs qui furent partagés par plusieurs partis à différents degrés depuis l’entrée en vigueur du pacte fédératif canadien de 1867. Ce fut notamment le cas des premiers ministres québécois de différents partis tels Honoré Mercier, Maurice Duplessis, Jean Lesage et Daniel Johnson père. Ce fut aussi le cas de Robert Bourassa, particulièrement au lendemain de l’échec des accords du Lac Meech[5], de René Lévesque avec le « beau risque », et de Pierre-Marc Johnson avec « l’affirmation nationale ».

Or, comme la CAQ forme le gouvernement pour la première fois, il importe de mieux comprendre les éléments qui structurent son discours nationaliste. Pour ce faire, nous nous appuyons d’abord sur notre base de données constituée avec Euréka et complétée avec des extraits de conférences de presse. Cette analyse de discours nous permettra de mieux comprendre le positionnement de la CAQ à l’aide des déclarations de ses principaux porte-paroles, dont son chef, François Legault. Elle nous permettra de mieux cerner comment le nationalisme autonomiste est devenu dominant (P2) et contribue ainsi à affaiblir l’appui à indépendance par son caractère dynamique plutôt que statique (P3).

Le premier défi : se définir

Avec la naissance du PQ en 1968 est apparu un nouveau clivage entre deux camps, soit ceux, « souverainistes », qui appuyaient donc l’indépendance du Québec, et ceux, « fédéralistes », qui souhaitaient que le Québec demeure au sein de la fédération canadienne. L’érosion graduelle de ce clivage en lien avec la perte de saillance de l’enjeu de l’indépendance a dégagé un espace pour une troisième voix, autonomiste, dans le système partisan. La CAQ a hérité de cette posture politique lors de sa fusion avec l’ADQ (Castonguay, 2016)[6].

Or, comme nous l’avons vu en analysant les articles de presse, ce n’est qu’à partir de 2015 que ce positionnement devient plus affirmé. Ce virage coïncide avec l’arrivée d’un chef résolument indépendantiste au PQ, Pierre-Karl Péladeau, et d’un risque de remobilisation du clivage Oui-Non sur la question de l’indépendance . En parallèle, on observe un chef libéral, Philippe Couillard, qui s’avère plutôt tiède dans la défense des intérêts du Québec au sein de la fédération canadienne. Dès ce moment, les dirigeants de la CAQ sentent le besoin de se définir plus clairement sur l’enjeu constitutionnel.

Ce virage s’amorce en septembre 2015, lorsque François Legault tente de définir ses adversaires. Un article web de Radio-Canada illustre cette stratégie:

On a vraiment deux partis aux deux extrêmes. [...] Il y a beaucoup de place pour un parti nationaliste, mais il va falloir définir exactement ce qu’on propose aux Québécois. [...] M. Péladeau, qui prend beaucoup de place, et qui a l’air vraiment décidé à ne parler à peu près que de constitution, nous force à revoir notre position. […] Mme Marois, ce n’était pas dans ses priorités de faire un référendum. La situation était différente. Elle a évolué. Il faut s’ajuster. La CAQ doit avoir une position plus claire au niveau constitutionnel. De l’autre côté, Philippe Couillard est à l’“extrême” du fédéralisme. On n’a jamais eu quelqu’un d’aussi fédéraliste, qui ne fait pas de demandes.

Radio-Canada, 2015

Puis il définit son parti :

Philippe Couillard ne comprend pas le nationalisme de la majorité des Québécois lorsqu’il se montre ouvert à ce que la perception de l’impôt du Québec soit confiée à Ottawa […] C’est une question d’autonomie de choisir fiscalement ce qui est mieux pour le Québec. Je suis convaincu que c’est possible de négocier avec Ottawa pour que tous les impôts soient perçus à Québec. Mais que M. Couillard se dise ouvert à tout transférer à Ottawa, c’est une position inacceptable. Jamais un premier ministre du Québec n’aurait accepté ça.

Radio-Canada, 2015

Un article du Journal de Québec rapporte des propos encore plus précis sur ses intentions de redéfinir la CAQ :

Pour moi le mot fédéraliste est associé au statu quo. C’est pourquoi je refuse cette étiquette. On verra si on utilise le mot nationaliste ou autonomiste, mais je suis convaincu qu’une majorité de Québécois souhaitent un Québec fort dans le Canada.

Lecavalier, 2015a

Puis il ajoute :

Les Québécois sont tannés de choisir entre le statu quo et le pays imaginaire. C’est mon rôle d’incarner ce nouveau nationalisme.

Lecavalier, 2015b

Quelques jours après l’amorce de ce virage et en réponse à ses adversaires libéraux, « l’équipe de François Legault a fait valoir que la CAQ « propose un nationalisme d’ouverture » (Teisceira-Lessard, 2015). Au lendemain des élections fédérales d’octobre 2015, François Legault lance un appel à une « refondation du nationalisme québécois » au sein de la CAQ. Ainsi : « J’appelle tous les souverainistes à être pragmatiques puis à se rendre compte qu’actuellement ils n’arriveront pas à aller chercher une majorité d’appuis à la souveraineté du Québec » (Richer, 2015). Et il ajoute : « Il faut, à un moment donné, sortir du “souverainiste, pas souverainiste” puis passer à “nationaliste versus fédéralisme de statu quo” » (Robillard, 2015).

Le virage nationaliste de la CAQ, Un nouveau projet pour les nationalistes québécois, sera présenté en novembre et sera accompagné d’une stratégie de marketing :

À l’aube de son quatrième anniversaire de naissance, la Coalition avenir Québec se dote d’une nouvelle identité visuelle “résolument autonomiste, nationaliste, non-souverainiste”. [...] La CAQ tend la main aux “nationalistes déçus” du Parti libéral du Québec et aux “pragmatiques” du Parti québécois, a réitéré M. Le Bouyonnec » (alors président de la CAQ).

Bélair-Cirino, 2015a

Comme rapporté par La Presse, François Legault présente les éléments de sa nouvelle position autonomiste : « Les gains pour le Québec s’obtiendraient par étapes, une stratégie réaliste » :

Le projet national de la CAQ se démarque clairement des autres options mises sur la table concernant l’avenir du Québec. D’abord, par son objectif central qui est d’accroître l’autonomie et les pouvoirs du Québec dans le Canada. Ensuite, par sa volonté de rassembler les Québécoises et les Québécois, contrairement à des projets qui les divisent comme l’indépendance ou le statu quo.

Chouinard, 2015

L’agence de presse QMI rapporte : « François Legault est d’avis que son parti va devenir le vaisseau amiral du nationalisme québécois » (Agence QMI, 2015). Le nouveau positionnement du parti sera adopté en congrès l’année plus tard. La constitution du parti sera également modifiée pour inclure à son article 1 : « La Coalition avenir Québec est un parti nationaliste moderne dont l’objectif premier est d’assurer le développement et la prospérité de la nation québécoise à l’intérieur du Canada, tout en défendant avec fierté son autonomie, sa langue, ses valeurs et sa culture » (Bovet, 2016).

Dans les mois qui précèdent l’élection de 2018, François Legault doit cependant se défendre contre ses adversaires qui tentent également de définir le nationalisme de la CAQ. Il réfute vigoureusement les accusations de nationalisme ethnique porté à son endroit par un ministre libéral et exige des excuses. Ses propos sont rapportés par La Presse :

Il n’y a aucun parti raciste à l’Assemblée nationale […] On le voit depuis un certain temps, les libéraux mènent une campagne préméditée de mensonges organisés, de salissage. »

Croteau, 2018

Quelques mois plus tard, dans la foulée de son élection et alors qu’elle fait la manchette à l’international, la CAQ rejettera d’ailleurs toute forme d’association avec le nationalisme de Marine Le Pen (Fleury et Cloutier, 2018). François Legault précise ainsi les orientations de son gouvernement lors du discours inaugural prononcé à l’Assemblée nationale :

Le nouveau gouvernement prône un nationalisme rassembleur, dont l’objectif est d’assurer le développement économique de la nation québécoise à l’intérieur du Canada, tout en défendant avec fierté son autonomie, sa langue, ses valeurs et sa culture.

Legault, 2018

Plus de deux ans plus tard, en pleine pandémie et en réponse à un journaliste qui l’interrogeait sur l’indépendance du Québec, il réitérait : « Je pense que d’avoir un parti et puis un gouvernement qui essaient de rendre le Québec plus autonome, de s’assurer qu’on puisse avoir plus de décisions prises au Québec, je pense que c’est la meilleure alternative encore » (Legault, 2021a). En pratique, le gouvernement « gouverne en fonction de la politique nationaliste adoptée par les membres de la CAQ » (Bélair-Cirino, 2019a).

Au-delà des éléments programmatiques, le virage nationaliste et autonomiste de la CAQ s’inscrivit dans une stratégie de communication sur plusieurs mois. Dans un premier temps, elle visait à mieux se définir comme parti situé au centre de l’échiquier sur la question nationale, tout en se distinguant de ses principaux adversaires. Afin d’accentuer le message du virage, une nouvelle signature visuelle délaissant le logo multicolore pour une fleur de lys bleue stylisée l’a accompagné. Dès le lendemain de l’élection de 2018, ce positionnement se traduisit en politiques gouvernementales. Ce qui a permis au discours autonomiste de supplanter le discours indépendantiste dans l’espace public (notre proposition P2).

Le nationalisme autonomiste de la CAQ en cinq axes

Notre analyse permet d’identifier 5 caractéristiques du nouveau nationalisme autonomiste du gouvernement québécois. Ce sont : 1) le rétablissement de la fierté nationale, 2) une dimension économique, 3) la protection de l’autonomie du Québec combinée à l’utilisation maximale des pouvoirs de l’Assemblée nationale, 4) la revendication d’une plus grande autonomie au sein de la fédération canadienne et 5) la promotion et la protection de la culture, des valeurs et du français comme langue commune du Québec. Notre analyse du discours de la CAQ se poursuit en montrant comment s’articulent entre eux ces 5 axes.

Rétablir la fierté nationale

La fierté nationale est un thème récurrent du discours gouvernemental de la CAQ. Qu’il s’agisse de développement économique, de langue française, de rayonnement culturel ou sportif sur la scène internationale, François Legault se réfère régulièrement à ces enjeux sous l’angle de la fierté.

Il affirme, par exemple, « s’affairer à accroître la fierté nationale québécoise ». Il précise ainsi son action : « Pour moi, c’est important cette fierté-là. Moi, j’ai toujours été nationaliste. J’ai même été souverainiste. » À la question « Que permet cette fierté? », il répond : « Ça permet d’avoir des projets collectifs » (Bélair-Cirino et Crête, 2019).

À la conférence de presse suivant le dépôt du projet de loi visant à renforcer la Charte de la langue française, François Legault y revient :

Et je veux terminer en disant : Oui, le gouvernement a une responsabilité, mais chaque Québécois a aussi une responsabilité de poursuivre la grande histoire de notre peuple qui parle français en Amérique du Nord. Et je veux lancer un appel à tous les Québécois, peu importent les générations, peu importe de quelle région ils viennent, peu importent leurs origines, quand ils sont arrivés ici, on doit tous s’unir ensemble autour du français pour prendre le relais de nos ancêtres. On doit ça à nos ancêtres. Et notre langue, bien, c’est au coeur de ce qu’on est comme nation. Donc, soyons fiers de cette belle histoire. Soyons fiers de vivre au Québec en français.

Legault, 2021b

Il répète le même discours de fierté au lancement d’un programme de création de nouveaux lieux culturels dans chacune des régions du Québec, Les Espaces bleus. Pour lui la fierté est « un moteur qui est puissant pour les individus, puissant pour les nations ». Puis d’ajouter : « Je veux que quand on y met le pied, qu’on (sic) se sente fier » (Pilon-Larose, 2021). 

L’axe de la fierté nationale à reconstruire occupe donc une place centrale dans le discours nationaliste de la CAQ. Sur le plan de la communication, il s’agit même d’un liant entre les différentes sphères de l’activité gouvernementale.

Une dimension économique au nationalisme

Le discours de François Legault intègre également une dimension nationaliste qui va au-delà du nationalisme économique classique. Il se décline en trois volets : un enrichissement collectif des Québécois, une plus grande autonomie de production dans des secteurs clés et un Québec plus autonome sur le plan financier au sein du Canada.

Une des motivations premières de François Legault repose sur l’enrichissement et le rattrapage économique du Québec et « la création d’emplois payants ». Il associe d’ailleurs cet enjeu à celui du statut du Québec :

Pendant trop longtemps, le Parti québécois a prétendu avoir le monopole de la fierté et le Parti libéral, celui de la prospérité. Cette illusion a volé en éclats alors que l’un et l’autre ont prouvé leur incapacité respective à sortir le Québec de l’impasse constitutionnelle et à lui faire rattraper son retard économique.

Bélair- Cirino, 2015b

Co-fondateur d’une entreprise de transport aérien, il précisait d’ailleurs dans une défense de sièges sociaux en sol québécois qu’« un des gains des nationalistes québécois a été de faire du Québec une économie de propriétaires » (Turenne, 2016). Il prône cependant un « nationalisme économique légitime et réfléchi » en insistant sur la nécessité d’« accélérer la diversification de nos marchés d’exportation et de nos liens commerciaux » avec l’Europe, l’Amérique latine, l’Asie et l’Afrique où il y a un « bouillonnement » (Bélair-Cirino, 2018).

De façon plus traditionnelle, le nationalisme économique de la CAQ intègre une dimension d’autosuffisance et de valorisation de l’achat local dans certains domaines. La pandémie a d’ailleurs accentué ce discours, particulièrement sur le plan de la production alimentaire (Cameron, 2020) et dans le domaine de la production des biens médicaux (Gagnon, 2020). Ce discours était néanmoins déjà présent auparavant en matière d’autonomie énergétique (Journet, 2019) et d’achat local. Le ministre de l’Économie ne se gênait pas pour faire « un appel à l’achat patriotique » afin de prioriser des bannières québécoises : « On peut conclure qu’ils [Lowe’s] ont eu des difficultés. Au Québec, on est très nationaliste et on voit beaucoup de clients quitter RONA pour aller chez Canac ou chez Patrick Morin ou d’autres » (Larin et Larocque, 2019).

Sur le plan de l’autonomie financière au sein du Canada, François Legault répète enfin qu’il importe de viser une réduction des paiements de péréquation versés au Québec dans le cadre de ce programme fédéral visant à réduire les disparités de capacité fiscale entre les juridictions canadiennes. Il souhaite ainsi « faire des gains dans des secteurs importants pour protéger notre identité comme la langue, l’immigration et en même temps qu’on [fasse] progresser notre économie et qu’on rédui[se] notre péréquation » (Agence QMI, 2015).

En traitant l’économie au même titre que les enjeux associés au statut du Québec, le nationalisme de la CAQ se distingue de ceux de ses prédécesseurs. La CAQ place au coeur de son discours l’enjeu de l’enrichissement des Québécois par rapport à leurs voisins du continent nord-américain.

Respecter l’autonomie et maximiser les pouvoirs de l’Assemblée nationale

La Constitution canadienne prévoit le partage des pouvoirs entre les différents niveaux de gouvernement et attribue trois types de compétences aux différents ordres de gouvernement. Certaines compétences relèvent exclusivement des juridictions fédérées, d’autres relèvent exclusivement du parlement fédéral et d’autres enfin sont partagées, comme en matière d’immigration. Avec le temps, le gouvernement fédéral s’est cependant ingéré dans certains pouvoirs exclusifs des provinces en utilisant ses ressources financières, comme dans le domaine de la santé. À l’instar de la plupart de ses prédécesseurs, la CAQ défend l’autonomie du Québec dans ses champs de compétence face aux intrusions fédérales.

Faite au lendemain de l’élection du gouvernement de Justin Trudeau en 2019, cette déclaration de François Legault illustre bien sa position : « C’est important que le gouvernement fédéral respecte le Québec comme nation et renonce d’emblée à empiéter dans ses champs de compétence » (Richer, 2019). Puis d’ajouter : « Les provinces tiennent beaucoup à leur autonomie. » Lorsque le gouvernement fédéral manifeste son intention d’imposer des normes fédérales pour les Centres de soins de longue durée, il s’y oppose en déclarant : « Je ne vois pas ce que le fédéral connaît là-dedans » (Lévesque, 2020). Il réclame cependant davantage de transferts financiers.

Sur d’autres projets sociaux fédéraux, notamment en matière de service de garde, le ministre québécois des finances maintient la même position : « Je tiens à réitérer que pour le Québec, si le fédéral va de l’avant – parce que c’est des intentions, à ce stade-ci, il n’y a pas de sommes – avec un programme national de garderies et un programme d’assurance médicaments, le Québec exercera son droit de retrait avec pleine compensation financière » (Lévesque, 2020). Lorsque le gouvernement Trudeau en fit l’annonce quelques mois plus tard, le ministre soulignait le caractère asymétrique du programme fédéral et le respect des compétences du Québec : « C’est sûr que ce sera sans condition », et que ce principe était « non négociable » (Presse canadienne, 2021).

Son autonomisme est cependant novateur sur le front de l’utilisation maximale des pouvoirs de l’Assemblée nationale sur des enjeux sensibles. Dans un premier temps, le gouvernement de la CAQ n’hésite pas à soustraire des lois à la Charte canadienne des droits, à laquelle le Québec n’a pas adhéré en 1982, ni depuis. Deux projets de lois phares du gouvernement, l’un en matière de laïcité (PL21) et l’autre en matière linguistique (PL96) intègrent des clauses de dérogation. En pratique, ces deux lois ont par ailleurs pour effet d’accroître la capacité d’agir de l’Assemblée nationale sur les enjeux qu’elles traitent. La première crée un régime québécois de laïcité. La compétence du Québec en ce domaine fut reconnue par un tribunal de première instance (Bélair-Cirino, 2021). Quant à lui, le PL96 a notamment pour effet de modifier unilatéralement la Constitution canadienne : un vote de l’Assemblée nationale suffit pour y faire inscrire dans sa constitution interne que le Québec forme une nation, et que sa langue commune et officielle est le français. Le gouvernement fédéral a déjà reconnu la capacité de l’Assemblée nationale de procéder ainsi (Vastel, 2021). Le PL96 vise aussi à assujettir à la Charte de la langue française les entreprises relevant du gouvernement fédéral, mais oeuvrant au Québec.

Plus de pouvoirs pour le Québec

L’autonomisme de la CAQ se manifeste également par des demandes de nouveaux pouvoirs sectoriels, mais aussi institutionnels pour l’Assemblée nationale. Ce volet de sa politique implique des négociations bilatérales avec le gouvernement fédéral. Comme nous l’avons vu, l’autonomisme de la CAQ repose sur une démarche de négociation par étapes avec Ottawa, donc à la pièce, enjeu par enjeu.

Sur le plan sectoriel, la CAQ réclame les pleins pouvoirs en matière de langue, d’immigration et pour les évaluations environnementales de projets se situant sur le territoire québécois. Sur le plan fiscal et financier, elle demande qu’un seul rapport d’impôt soit administré par le Québec, une bonification des transferts fédéraux en santé et la limitation du pouvoir fédéral de dépenser (Lecavalier, 2015b). Assistant à son premier Conseil de la fédération, François Legault déclarait : « On voudrait un Canada plus décentralisé, où il y a plus d’autonomie, plus de compétences, plus de poids qui sont donnés aux provinces » (Radio-Canada, 2021). Quelques années auparavant, il déclarait pour justifier une autonomie accrue dans certains domaines : « Les Québécois veulent faire des gains pour défendre leur identité, notamment avec des nouveaux pouvoirs en matière de langue et d’immigration, mais à l’intérieur du Canada » (Robillard, 2015).

Sur le plan institutionnel, la CAQ demande l’élimination de legs impériaux dans le fonctionnement du fédéralisme, ainsi qu’une participation de l’Assemblée nationale dans le processus de nomination des trois juges du Québec à la Cour suprême. La négociation avec le gouvernement fédéral sur ce front a conduit à une entente prévoyant la participation du Québec, par le biais d’un comité mixte, à la nomination des nouveaux juges québécois à la plus haute instance judiciaire du Canada. Sur la possibilité d’éventuellement constitutionnaliser cette pratique et de faire d’autres gains, François Legault avance :

Soyons optimistes […] On a devant nous des années qui s’en viennent, et j’ai confiance qu’on va faire des gains avec le fédéral.

Chouinard et Marquis, 2019

Plutôt que de demander des rencontres visant à régler l’ensemble des demandes du Québec, la CAQ espère faire un gain à la fois. Puisque l’électorat québécois est extrêmement volatil au niveau fédéral depuis les élections de 2011, la stratégie d’un gain à la fois est payante pour la CAQ. C’est ce qu’elle a fait en 2019 en forçant les partis politiques fédéraux à se positionner sur certaines de ses demandes (Bélair-Cirino, 2019b). La même stratégie fut adoptée lors de l’élection fédérale de 2021.

Protection et promotion de la langue et de la culture communes

Dans le discours de la CAQ, l’identité québécoise repose avant tout sur une vision d’ensemble des enjeux linguistiques et culturels. Pour François Legault, l’État québécois a un rôle central à jouer pour protéger et promouvoir tant la langue française qu’une culture commune. Le dossier de l’immigration est ainsi associé à la capacité d’accueil linguistique et d’intégration de la société québécoise, seule société majoritairement francophone en Amérique du Nord.

On constate une association récurrente entre ces différents enjeux dans l’action gouvernementale. François Legault la résume ainsi :

En campagne électorale, la Coalition avenir Québec avait promis d’être un gouvernement nationaliste. […] Pour moi, être nationaliste, c’est d’abord fondé sur trois piliers : la langue française, la culture et la laïcité de l’État.

Bélair-Cirino et Crête, 2019

Il considère d’ailleurs la Loi sur la laïcité de l’État[7] (Loi 21) comme « un nouvel héritage du nationalisme québécois » :

Quand on parle de nationalisme, de fierté, on parle de quoi? On parle d’abord de culture, de langue, de valeurs. On parle de la loi 101. On peut maintenant ajouter la loi 21 sur la laïcité de l’État. »

Pilon-Larose, 2019

Il ancre d’ailleurs cet encadrement du vivre-ensemble dans l’histoire du Québec :

Au Québec, cela fait longtemps qu’on a décidé de séparer la religion et l’État, et cela fait plus de dix ans qu’on débat des signes religieux. Il est temps de fixer des règles parce qu’au Québec, c’est comme ça qu’on vit.

Martinez, 2019

Sur le plan culturel, le gouvernement annonçait par ailleurs en 2020 un budget record pour le ministère de la Culture en 2020. Le ministre des Finances, Éric Girard, justifiait ainsi ces investissements :

La culture contribue directement au développement et au rayonnement du Québec. […] Elle est au coeur de l’identité québécoise, une source de fierté pour notre nation.

Bourgault-Côté, 2020

Sur le front de l’immigration, le gouvernement a procédé à plusieurs réformes et à des investissements en matière de francisation des nouveaux arrivants. Il a d’abord réduit les seuils d’immigration, pour ensuite revenir à une hausse graduelle. À quelques jours de la campagne électorale, François Legault résumait ainsi sa politique d’immigration : « Est-ce qu’on n’est pas mieux d’en prendre moins, mais d’en prendre soin? » (Girard, 2018). Il appuyait cette position sur une capacité d’accueil et de francisation jugée insuffisante :

À 50 000 [immigrants] par année, c’est un demi-million sur dix ans. Si ces gens-là n’apprennent pas le français, et 59 % ne parlent pas français quand ils arrivent, et qu’ils s’installent tous à Montréal, il y a un risque effectivement [pour l’identité]. Le français sera toujours vulnérable. Et c’est la responsabilité du premier ministre de protéger le français.

Bourgeault-Côté, 2018

Quant à la protection législative du français, François Legault s’exprimait ainsi lors de la conférence de presse présentant le Projet de loi sur la langue officielle et commune du Québec (PL96) :

Donc, 44 ans plus tard, un gouvernement nationaliste prend le relais du gouvernement Lévesque pour présenter une nouvelle loi 101. […] Mais, quand on regarde les chiffres, quand on regarde les projections, c’est évident qu’on doit en faire plus, puis il y a une urgence d’agir. […] Donc, comme premier ministre du Québec, ma priorité, ma toute première priorité, c’est de protéger notre langue.

Legault, 2021b

Au-delà du geste hautement symbolique de modifier la Charte de la langue française, ce projet de loi ratisse large. Il traite notamment de la francisation des nouveaux arrivants, de la langue d’enseignement, de l’affichage commercial et de modifications constitutionnelles. Cela illustre le niveau d’interrelation qu’entretient le discours de la CAQ sur les différents enjeux identitaires.

Contrairement aux stratégies nationalistes passées, celle du grand soir du changement constitutionnel ou celle de l’indépendance, l’autonomisme de la CAQ vise à accroître l’autonomie du Québec un geste à la fois. En lien avec notre proposition P3, cette approche par étapes s’avère plus « dynamique » que « statique ». Notons que les cinq axes qui se dégagent du discours analysé ne sont pas mutuellement exclusifs. Ils viennent d’ailleurs souvent se renforcer les uns les autres. Par exemple, si la CAQ demande des pouvoirs plus étendus en matière linguistique et en immigration, c’est d’abord pour renforcer la capacité de l’État québécois de protéger et de promouvoir une langue et une culture communes. De la même manière, l’axe de la fierté transcende tous les autres et est en effet largement mobilisé tant sur le plan économique que sur le plan de l’identité nationale. Quant à la défense des compétences du Québec, la volonté d’assumer davantage des pouvoirs de l’Assemblée nationale s’ajoute à l’approche défensive traditionnelle. Mais comme l’illustre la proposition de modifier unilatéralement la constitution canadienne pour y enchâsser la nation québécoise, cela implique parfois de sortir des sentiers battus.

Au-delà d’une question de contexte, l’élection de 2018 marque un changement important sur le plan politique. Elle est cependant le résultat d’une évolution graduelle de la société québécoise. Nous avons certes assisté à un rééquilibrage des forces politiques et avons également pu constater une accélération de la transformation du nationalisme québécois dans laquelle le courant autonomiste est parvenu à s’imposer face au courant indépendantiste. Comme nous l’avons vu, plusieurs facteurs expliquent ce changement. Dans cet article, nous voulions cependant comprendre comment le nationalisme autonomiste s’exprime et ce, principalement à l’aide d’une analyse du discours de la CAQ.

Dans un premier temps, nous voulions voir si le déclin de l’appui à l’indépendance a eu un effet négatif sur la vitalité du nationalisme québécois. Rappelons notre première proposition : (P1) le déclin du clivage Oui-Non sur la question de l’indépendance ne se traduit pas par un déclin de la présence du nationalisme québécois dans l’espace public. Pour la valider, nous avons d’abord observé l’évolution du poids médiatique du nationalisme québécois associé à chacun des partis, pour confirmer que le nationalisme québécois fut plus présent dans le discours public ces dernières années. La CAQ aurait même supplanté le PQ sur ce thème à compter de 2017. L’analyse du contenu des programmes électoraux de 2018 confirme également une présence importante des principaux thèmes nationalistes et ce, dans les engagements de tous les partis, à l’exception du PLQ.

Plutôt qu’à un déclin, nous assistons à une transformation du nationalisme québécois dans laquelle l’autonomisme prend le pas sur l’indépendantisme. Notre deuxième proposition : (P2) nous assistons à une transformation du nationalisme québécois désormais dominé par sa composante autonomiste est également démontrée. En formant le gouvernement, la CAQ parvient plus facilement à imposer son programme politique. Notre analyse de discours dégage ainsi les cinq éléments définissant le nationalisme autonomiste : 1) volonté de rétablir la fierté nationale, 2) dimension économique, 3) protection de l’autonomie du Québec combinée à l’utilisation maximale des pouvoirs de l’Assemblée nationale, 4) revendication d’une plus grande autonomie au sein de la fédération canadienne et 5) promotion et protection de la culture, des valeurs et du français comme langue commune du Québec.

En lien avec la théorie de Lecours (2020) sur le caractère dynamique ou statique de l’autonomisme et de ses effets sur les appuis à l’indépendance, nous avons également formulé une troisième proposition : (P3) le nationalisme autonomiste québécois contemporain n’est pas statique, mais dynamique. La stratégie de la CAQ de gains par étapes, plutôt que par de grandes manoeuvres constitutionnelles (comme à l’époque des échecs de Meech et Charlottetown), est dynamique dans la mesure où elle permet de revendiquer et d’effectuer un à un des gains sectoriels, mais aussi de laisser présager d’autres gains éventuels. Ce fut le cas avec la participation nouvelle de l’Assemblée nationale à la nomination des juges québécois à la Cour suprême du Canada, de même qu’avec l’inscription de la nation québécoise dans la Constitution canadienne. À terme, le caractère dynamique ou statique de cet autonomisme peut aussi être tributaire d’Ottawa. Or, la dynamique électorale fédérale observée ces dernières années, avec une volatilité élevée au Québec, favorise la surenchère dans laquelle les partis fédéraux peuvent s’engager pour obtenir les votes québécois. D’ailleurs, tant en 2019 qu’en 2021, le Bloc québécois a adopté une posture électorale beaucoup plus autonomiste qu’indépendantiste.

Avec l’arrivée de la CAQ au pouvoir en 2018, le nationalisme québécois est entré dans une nouvelle phase de son histoire; cet autonomisme apparaît être plus en phase avec la société contemporaine. Dans le discours gouvernemental, les thèmes de la laïcité ou de la réussite économique s’ancrent néanmoins dans le parachèvement des objectifs de la Révolution tranquille. Ceci dit, même s’il se nourrit de nouveaux thèmes, la question linguistique y demeure importante, elle est d’ailleurs associée à l’intégration et à la francisation des immigrants.

Notre analyse de discours permet de mieux comprendre les fondements qui caractérisent ce nationalisme québécois dans un contexte post-souverainiste. Alors que le nationalisme de la CAQ s’est davantage précisé quelques mois avant l’élection de 2018, qu’en est-il de celui des autres partis? Comme nous l’avons fait pour celui de la CAQ, il serait intéressant d’effectuer une analyse plus fine de l’évolution des discours nationalistes du PLQ, du PQ et de QS. En plus de la présence du nationalisme dans les différentes plateformes électorales, une analyse de la saillance de ce thème aurait également été pertinente. Il s’agit là d’une limite de notre étude.

La voie autonomiste a donc succédé à des années marquées par les échecs référendaires et constitutionnels. Toutefois, les effets plus structurants qui en découleront restent encore à évaluer. Tant les discours que les engagements observés lors de l’élection de 2022 permettront de mesurer la portée de cette évolution et de vérifier si le caractère dynamique du nouvel autonomisme se maintient.